La situation ukrainienne, la fausse arrivée des beaux jours et les vicissitudes de la vie en général ayant nuit à l’assiduité des publications ligue des champions, voici en une forme quelque peu atypique une revue théorique, romantique et totalement subjective des trois dernières joutes de cette édition 2014 de la reine des compétitions continentales.
Les demies finales, destins croisés et conclusions contraires : ces demi-finales étaient similaires dans les styles qu’elles opposaient : le Bayern de Munich de Pep Guardiola allait mettre en œuvre son jeu de possession et d’occupation du terrain adverse face à un Real blindé derrière et explosant en contres. De l’autre côté c’est l’Atletico, contre nature il faut bien le dire, qui allait mener les débats face à un Chelsea regroupé. Comme pour mettre en avant la variété et l’imprévisibilité du football, ces deux confrontations ont eu des résultats opposés puisque le premier affrontement a vu les munichois se briser sur la défense de fer madrilène pour ensuite subir la foudre de contre attaques supersoniques, quand le second a marqué la sanction logique d’une équipe qui a un peu trop refusé le jeu, alors que son adversaire jetait toutes ses forces dans la bataille. Du côté des vainqueurs, on louera le succès mérité de la bande à Ronaldo. Cette équipe rivalise avec le Barça depuis des années en jouant souvent le rôle du méchant, cela ne doit pas occulter le niveau de jeu hallucinant qu’elle propose grâce à un effectif extrêmement riche. On louera bien entendu également l’état d’esprit conquérant et agressif de l’Atletico, la discipline tactique de ses joueurs, mais le point le plus important à souligner c’est le caractère exceptionnel du succès d’une équipe peu habituée à truster les premières places réservées aux géants du football.
Puisque de nos jours pour le devenir il faut surtout de l’argent, qu’une telle réussite autour d’un homme, l’entraîneur, et de valeurs d’abnégation, de combat et d’agressivité, redonne aux romantiques l’espoir de voir le jeu au dessus des individualités. Du côté des vaincus les symboliques semblent encore plus fortes : c’est l’échec de deux philosophies diamétralement opposées qui sous tendaient les affrontements de ces dernières années : le réalisme de Mourinho opposé au romantisme de Guardiola. Usuellement des duels de vainqueurs, qui ont cette année plutôt occupé la place des vaincus. Mourinho l’a trop joué petits bras, trop vicieux, trop calculateur. Quant à Guardiola il semble que pendant cette saison, les limites structurelles de son schéma de jeu sont une nouvelle fois apparues : quand ça marche moins bien ses équipes ne varient pas, s’entêtent et s’enferment dans un jeu stérile qui semble de plus en plus facilement neutralisante. Il faut bien entendu resituer le contexte dans lequel ces critiques sont émises : on parle là des quatre meilleures équipes du monde et ces arguments ne servent qu’à expliquer leur défaite en demies finales, elles ne doivent pas remettre en question leur énorme saison. On se retrouve alors avec une finale 100% madrilène, une génération qui attend sa gloire en ligue des champions depuis longtemps face à la nouvelle vague emmenée par Diego Simeone, l’histoire du football est en marche et elle a un fort accent espagnol (un peu comme l’histoire du tennis, ou celle du cyclisme, ou celle du basket, ou celle du dopage tiens comme c’est curieux…).
La finale, symboles et logique physique : cette finale atypique revêt les atours d’un contexte exceptionnel : deux clubs de la même ville, rivaux ancestraux, symboles de la lutte des classes (le Real est le club du roi d’Espagne, de la haute société de Madrid, quand l’Atletico est plutôt celui des ouvriers), galactiques contre matelassiers, vieux routard du prestige européen bâti à coup de millions contre gaucho affamé dont le meilleur atout reste les tripes et le cœur qu’il met à l’ouvrage… l’histoire eut été des plus romantiques si l’outsider avait triomphé, mais nous vivons dans un monde cruellement réaliste. L’Atletico a dominé la majorité de ce match, dictant son rythme à un Real toujours sérieux et concentré qui n’a de son côté jamais baissé les bras et poussé jusqu’à la dernière minute. D’aucuns avancent la titularisation de Diego Costa, diminué, ou les cinq minutes (!) données par l’arbitre comme temps additionnel… Ces faits de jeu ont contribué à la victoire du Real mais jamais le triomphe des merengues n’a semblé illogique et encore moins immérité. Ce groupe joue ensemble depuis des années et n’a connu que le relatif pour le Real, succès sur la scène nationale. C’était tout simplement leur heure et si l’on peut penser que de par sa philosophie de jeu, qui fait la part belle au sacrifice, son esprit collectif exceptionnel, qui invite quelque fois à croire que l’absence d’un joueur clé ne nuira pas au jeu de l’équipe (ce qui fait par là même perdre son sens au concept de joueur clé), que l’Atlético méritait davantage la victoire, c’est oublier à quel point l’équipe d’Ancelotti a maturé son succès, années après années, dans l’ombre d’un Barça plus en réussite à l’époque.
Et pour en terminer, insistons sur les limites physiques du corps humain : l’Atlético a joué l’intégralité des matchs du championnat, la copa jusqu’en demi finales et toute la ligue des champions avec un groupe plus restreint et un style de jeu qui exige une débauche d’énergie totale. Qu’ils n’aient pas réussi à contenir les assauts d’une équipe plus fraîche qui compte dans ses rangs des joueurs tels que Ronaldo, Di Maria, Bale ou Benzéma ne paraît pas si surprenant à posteriori. Le match en lui-même ne fut pas des plus mémorables : extrêmement intense, deux équipes fatiguées par une saison marathon, bien souvent la finale de la ligue des champions est moins spectaculaire que les matchs qui la précèdent. Ce fut un vrai affrontement pour guerriers, et si la couronne l’a emporté, ce qui comporte en soi sa part de mérite et de beauté après tant d’années à courir derrière la decima, mon plus grand espoir est que l’Atletico conserve quelques unes de ses pépites et continue à proposer un football de prolos qui rivalise avec celui des rois.
Observations en vrac sur cette édition 2013-2014 : une bien jolie ligue des champions vécue cette saison, riche en émotions. On retiendra, au-delà de ce qui a été relaté dans cet article, la semi résurrection de Manchester United en huitièmes de finale, la presque résurrection de Dortmund qui a failli priver le Real de sa demi-finale, le paradoxe de Paris, si proche et si loin à la fois du dernier carré, Barcelone cette année encore éliminée sans regrets car totalement écrasée par son adversaire, le niveau hallucinant de Diego Costa qui a fait oublier l’inoubliable Falcao, la pénurie italienne et celle, plus relative, des anglais. Enfin Ronaldo désolé pour les fans mais le personnage m’a encore une fois ulcéré : toujours aux abonnés absents dans les grands matchs, transparent en finale il se débrouille quand même pour oser nous gratifier d’une parade digne de la cour d’un Orang-outan à la saison des amours (en moins classe et beaucoup plus arrogant), après avoir marqué un… penalty. Sans grand homme derrière, il n’y pas de grands succès.
En attendant je vais souscrire mon abonnement à Be-in pour la grande messe quadriannuelle du football. Nous traiterons évidemment le sujet sur Diese Mag, mais le format reste une surprise.
#TroisiemeJambe