Toutes écailles dehors, Alexandre Desplat ravale sa délicatesse légendaire pour embraser ce nouveau Godzilla d’un terrifiant souffle orchestral.
Si l’on retient volontiers le peintre de l’intime et du drame (en témoigne ses riches collaborations avec Wes Anderson et Jacques Audiard), on oublie souvent qu’Alexandre Desplat à également disposé son talent à des œuvres de divertissement, faisant ainsi les belles heures d’Harry Potter et des Cinq Légendes sans que, jamais, il ne perde de vue son Golden Compass. Son style (ou pour certains son absence de style, investissant tous les registres en empruntant quelques recettes fortes) en fait, sinon un artiste à part dans le paysage cinématographique, au moins l’une des égéries d’une orientation orchestrale aujourd’hui mis de côté par l’ensemble du pouvoir cinématographique contemporain. Son engagement à mettre en musique le retour du colosse reptilien soulevait ainsi autant l’impatience à goûter à la puissance d’une orchestration de qualité, que la crainte de voir le compositeur baisser sa garde comme il a pu le faire sur le dispensable Argo. En ce moment même, la communauté béophile se déchire autour de ce Godzilla. Certains parlent de bombe atomique, non sans jouer sur la corde du bon mot, d’autres de professionnalisme mécanique. Plus que jamais ici, l’appréciation d’une musique reste une affaire de goût, de sensibilité, et surtout, de syntonie. Pourtant, difficile de rester indifférent face à l’imposante piste inaugurale dans laquelle se déchaine, véritablement, les enfers d’une lourde instrumentalisation, lardée par les saillis, effrayantes, de sa riche section de cordes. Impossible, à l’écoute de cette charge guerrière, de ne pas songer à la puissance et à la folie des ouvertures composées par Danny Elfman chez Tim Burton, même si le savoir faire de Desplat est bel et bien présent, retrouvant ici la force de frappe du thème principal qu’il composa jadis pour Hostage. Le compositeur suit ainsi son cahier des charges, construisant une série de corpulentes pièces au sein desquelles il met à profit son bataillon de cent-dix instruments, faisant rugir les cuivres, hurler les violons (excellent Muto Hatch) et éclater les percussions et les claves (la fin de Inside The Mines, Two Against One), clichées occidentaux en matière d’expression des rythmes martiaux japonais. Pulvérisé par ces imposantes déflagration, installant par la même, au milieu de l’album, une routine, le score se garde tout de même une belle amplitude, donnant naissance à de très belles plages tout à la fois intimistes (les notes de piano déposé sur Godzilla’s Victory) et gentiment inquiétantes (Let Them Fight aux vagues couleursde Michael Kamen), caressé parfois par le souffle exotique du shakuhachi, adoucissant ainsi les contours d’une industrie lourde mais diablement efficace. (4/5)
Sortie Album : 13/05/2014. Sortie Film (France) : 14/05/2014. Édition : WaterTower Music/Sony Classical. Format : CD. Compositeur : Alexandre Desplat. Durée : 60:53