Encore un semi-marathon culturel pour secouer vos méninges. Amateurs de lenteur méditative s'abstenir ...
Commençons par quelques salles obscures, une fois n'est pas coutume.
D'abord un mot sur "X-Men, énième épisode". Les critiques du nouvel Obs en chantant les louanges, on y va avec méfiance. Pourquoi donc cette réhabilitation par la gauche des nanars strangesques ? Parce qu'il s'agirait d'un réquisitoire contre l'intolérance raciale, dont la persécution des mutants par les humains serait la métaphore. Cette analyse bouleversante d'originalité est complétée par un argument définitif : toutes ces créatures épouvantables sont de bonnes personnes ; la preuve, quand on cesse de les importuner, elles retrouvent leur métier d'enseignant ! Les pédagogues, ce ne peut être qu'une engeance au-dessus de tout soupçon.
Osons une observation moins consensuelle. Ce qui nous a surtout amusé dans ce film, c'est la réhabilitation progressive de Richard Nixon, présenté comme un président, certes brutal, mais qui va avoir suffisamment de pragmatisme et d'à-propos pour mettre fin à l'escalade entre les deux espèces. La guerre du Vietnam, commencée par les Démocrates et achevée par les Républicains se voit ainsi doublée d'un succès diplomatique plus important encore. Peu à peu, l'image de "bad guy" de Nixon se dissipe et cela signe certainement un revirement idéologique hollywoodien qui annonce la fin de l'ère Obama. Le "Great old party" n'a plus qu'à se trouver un dur à cuire, si possible issu d'une minorité quelconque pour réconcilier tout le monde et tout rentrera dans l'ordre à Washington.
Saluons ensuite une vraie réussite : "Maléfique", reprise de la Belle au bois dormant. Il faut un sacré culot à la bande à Disney pour remettre le couvert sur ce sujet pour le moins exploité. Mais, de bout en bout, c'est une magnifique réussite visuelle et une relecture non conventionnelle du conte de Perrault. Comme dans chaque Disney de qualité, tous les publics peuvent y trouver leur compte. Angelina Jolie est élégamment Maléfique, les seconds rôles sont les nigauds qui conviennent pour gober les naïves merveilles qu'ils côtoient sans cesse et ce film comptera parmi les plus belles réalisations de ces studios qui ont tant contribué à l'imaginaire de ces soixante-dix dernières années.
Se voulant plus réaliste et disséquant les comportements déviants d'une poignée de barjots d'Hollywood, ballotés entre crimes, incestes, partouzes, analyses et barbituriques, le dernier Cronenberg "Maps to the stars" a ceci de rassérénant que, lorsqu'on en sort, on est bien content de ne pas cachetonner à Los Angeles. Dans ce petit monde, DSK ferait figure d'enfant de choeur. On se doute bien que, si tout Hollywood fonctionnait comme cela, la grosse machine se serait effondrée depuis longtemps et que le tableau est davantage expressionniste que réaliste. Mais peu importe, il y a un effet cathartique à ce spectacle de dégénération de génération en génération. A voir quand même donc.
Poursuivons par quelques expos.
Il est un peu tard puisque la Maison européenne de la photographie a terminé de les montrer mais, dès que l'occasion se présentera, allez rire aux suaves photos de Martin Parr. Quel meilleur et plus subtil réquisitoire contre, par exemple, l'imposture et l'obscénité de Paris Plage ? Des pauvres victimes sont livrées à l'illusion balnéaire ou au mirage du Yoga sur des tas de sable crapoteux. Puisqu'ils ne peuvent avoir mieux, qu'il se contentent de cela, disent les Delanoistes. L'essence même de l'aliénation et du paraître. A côté du travail de Parr, on pouvait également apprécier les photographies anciennes de Luciano Castelli, peu satisfait de son identité sexuelle et qui alla à Bordeaux, dès le plus jeune âge, chercher chez Pierre Molinier de quoi poser en travesti. Un travail excellent.
Au cinquième étage de Beaubourg, ne vous enquiquinez pas à faire la queue pour Cartier-Bresson et allez directement apprécier les tâtonnements visuels de Martial Raysse, qui s'essaya à la l'iconographie Pop-Art dans les années soixante, dans une oeuvre solide sans être très originale mais qui, depuis vingt ans, divague entre post-classicisme, colorisme décadent, expressionnisme sucré et sculpture grotesque. Peu importe la cohérence pourvu qu'on ait l'inspiration.
Revenez ensuite vers le Luxembourg pour saluer Joséphine. Les commissaires sont polis avec cette dame et passent sous silence ses frasques de veuve sans le sou nourrissant sa progéniture en ne lésinant pas sur la bagatelle, les conditions saumâtres de sa rencontre avec Bonaparte et l'habitude qu'elle avait prise de dédaigner la morale bourgeoise, si vous voyez ce que je veux dire. Il demeure une femme de goût, qui s'intéressait autant aux arts qu'à la botanique, à la zoologie ou aux sciences ; une nouvelle Du Barry ou une Pompadour que le tourbillon révolutionnaire avait mise en situation de s'asseoir sur le trône, ce que ses fameuses prédécesseuses n'avaient pu faire faute d'être bien nées. Hélas, elle ne fut point fertile avec son Nabulio et fut conséquemment répudiée, toutes formes mises. On peut lire l'émouvante lettre par laquelle elle libère Napoléon des liens sucrés du mariage. Et l'on se dit qu'elle mérita bien, pour prix de ces sacrifices, de vivre dans le luxe exquis qui l'entoura jusqu'à son dernier souffle.
Si vous avez un petit moment, vous pourrez pousser une tête au musée Maillol, pour regretter de ne pouvoir poser sur ledit chef la tiare aux mille joyaux qui orne la statue de San Gennaro. Non plus que vous ne pourrez passer autour du cou l'extraordinaire collier que la piété napolitaine, aussi démonstrative que les colères du Vésuve, réserve au saint patron de cette ville excessive. Enfin, si vous essayez malgré tout de revêtir ces trésors, un conseil : courrez vite !