Magazine Société
Pas très gai, mais force est de le constater : s'opposer à l'Europe et à tout ce qui la soutient, se raccrocher au programme du Conseil national de la Résistance et à
l'économie socialisée qu'il défendait, tout cela n'est guère sexy aujourd'hui.
Il faut être moderne, européen, léger. J'aime beaucoup Zemmour, Muray et autres cyniques clairvoyants sur l'esprit du temps, je leur reproche leur pessimisme systématique et l'absence de
perspective de leur discours.
De mon côté, je cherche, des pistes, du positif. Rien de bien solide pour le moment.
Mais je me console en lisant ce passage de Léo Strauss, qui n'est pas le néocon que l'on dit.
Ainsi, ces quelques lignes tirées d'une conférence de 1941, "Sur le nihilisme allemand" :
Il y décrit la montée du nihilisme en Allemagne, celui qui ouvrit la voie à Hitler. Face à ce courant, les progressistes furent désemparés, jusqu'à passer pour des conservateurs :
"En conséquence, les adversaires des jeunes nihilistes tendirent à adopter une posture défensive. Il arriva ainsi que les partisans les plus ardents du principe du progrès, un principe
en lui-même agressif, furent contraints d'adopter une posture défensive ; et, dans le domaine de l'esprit, le fait d'adopter une posture défensive ressemble au fait de reconnaître
sa défaite. Les idées de la civilisation moderne apparurent à la jeune génération comme de vieilles idées ; ainsi, les partisans de l'idéal du progrès se trouvèrent
dans la situation inconfortable de devoir résister, à la façon de conservateurs, à ce que l'on avait appelé entre-temps la "vague du futur". Ils donnèrent l'impression d'être
écrasés sous le lourd fardeau d'une tradition éculée et un peu poussiéreuse, tandis que les jeunes nihilistes, qu'aucune tradition n'entravait, avaient une liberté totale de mouvement. Et, dans les
guerres de l'esprit non moins que dans les guerres réelles, la liberté d'action signifie la victoire." (in Léo Strauss, Nihilisme et politique, Rivages Poche).
Aux Etats-Unis, les néocons, en Europe les pro-européens, tous veulent rompre avec un passé encombrant, fait de pesanteurs sociales et de procédures démocratiques un peu lourdes. Je ne sais pas
s'ils finiront aussi mal que leurs prédecesseurs nihilistes, devenus hitlériens, tels que les décrit Strauss en 1941, tout ce que je sais c'est qu'ils ont rompu avec des choses que nous tenions
pour sacrées : aux USA, le droit international, en Europe, la souveraineté populaire. Rien de bon ne peut en sortir. S'il le faut, je serai donc conservateur.