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De l'utilité du Front national.

Publié le 03 juin 2014 par Juan

De l'utilité du Front national. Le Front national est-il le parti politique français le plus inutile du pays ? 

La question de l'utilité est essentielle en politique. Même les plus militants des citoyens veulent voir leurs idées mises en oeuvre. L'action politique est une affaire de compromis permanent, parfois douloureux, entre l'envie d'être utile et le devoir de rester fidèle à ses idées.

S'agissant du Front national, on s'interroge: minoritaire depuis trente ans, il aurait prétendument gagné la bataille des idées sur fond de révolution conservatrice et xénophobe.


1. Le Front national a perdu des voix.
Il y a trente ans, le FN récoltait pour la première fois 2,2 millions de suffrages, devant le Parti communiste français, lors des élections européennes de 1984. Depuis, il a oscillé entre 2 et plus de 6 millions de voix (cf. graphique). Mais ce chemin ne fut pas continu. Depuis quelques jours, on le présente comme grand gagnant du scrutin du 25 mai,. Et pourtant, en nombre de voix, entre le premier tour de la présidentielle de 2012 et le scrutin européen du 25 mai dernier, le Front National présidée par Marine Le Pen a perdu 1,7 millions de voix - 4,7 contre 6,4 millions.
Bref, sur quelque 46 millions d'électeurs, le FN fait finalement pâle figure. Par comparaison, le Parti Socialiste a attiré sur les mêmes scrutins entre 4 et 8 millions de suffrages (hors seconds tours de présidentielles)

2. Le FN est un parti installé... mais seul

Mais c'est assurément un "parti installé", comme le qualifiait le politologue Laurent Bouvet dans les colonnes de Marianne.net. D'une éructation protestataire, le vote frontiste serait devenu un vote d'adhésion. "Nous sommes tout sauf d'extrême droite" déclarait Florian Philippot, l'un des bras droit de Marine Le Pen, dimanche 1er juin sur Canal Plus. Au FN, on cherche à se rassurer comme on peut.  Le FN cultive son isolement. Quelques communes mise à part, on cherche la stratégie d'alliances. Son propre programme se prêt peu à des alliances. Le 26 mai dernier, la Tribune rappelait quelques unes de ses "maigres" propositions.

De l'utilité du Front national.

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3. Le FN, vainqueur par défaut
Le Front national aurait ainsi gagné les faveur de la jeunesse des couches populaires. La faiblesse des mobilisations après sa "victoire à la Pyrrhus" en attesterait. Jeudi 29 mai, 10.000 jeunes à peine se sont retrouvés pour battre le pavé parisien. On nous a également assommé avec de nombreux sondages et reportages sur la contamination frontiste de la jeunesse. Le 28 mai, l'Humanité tombe dans le piège avec un aberrant sondage sur des "sympathisants" syndicaux (quel curieux concept !).
Dans son édition du 31 mai, le quotidien Le Monde bafouille à son tour, avec ce reportage en pleine page au titre digne d'une exploration en contrées inconnues "cette jeunesse que le FN n'effraie plus".
En réalité, le Front national n'a pas tant gagné que les autres partis ont perdu. L'abstention, important pour le scrutin municipal, massive pour l'élection européenne, a frappé tous les autres partis.
4. Le FN, vainqueur par procuration
Les plus cyniques aiment penser que la percée frontiste, qui a soufflé ses trente bougies l'an passé, a déjà porté ses fruits. Le FN gouvernerait par procuration. En trois décennies, le parti aurait imposé ses vues à l'essentiel du corps politique français, et à l'UMP sarkoïsée en particulier - identité nationale, immigration, sécurité - avant de récupérer à son compte pour mieux enrober son propos général quelques thèmes facho-compatibles comme la souveraineté, la laïcité voire la protection sociale.
"Le succès du Front national résulte de la révolution conservatrice" explique Bernard Ziegler, auteur de "Pharmacologie du Front national."
5. Le FN, sans allié à Bruxelles
Malgré sa victoire, le Front national est dans une impasse à Bruxelles.
Les électeurs français, volontairement ou pas, ont envoyé au Parlement européen 24 députés frontistes. C'est le plus gros contingent d'élus nationaux, puisque le FN est arrivé en tête au scrutin européen du 25 mai dernier. Ces 24 eurodéputés, à Bruxelles, ne serviront à rien, strictement à rien. Dans le "meilleur" des cas, l'ensemble des europhobes - comme la presse européiste aime à rassembler les souverainistes de droite - constitueront un unique groupe. Il pèsera pour  moins de 20% du parlement, isolé et sans alliance. Selon toute vraisemblance, l'extrême droite européenne ne parviendra même pas à s'unir, éparpillée en trois tendances.
L'UKIP britannique (27% des suffrages au Royaume Uni) trouve le FN trop antisémite.  Et le FN ne veut pas des néo-nazis grecs d'Aube Dorée.
Bref, à Bruxelles comme ailleurs, le FN sera bien inutile pour "protéger" ceux qu'il a promis de protéger.  A Bruxelles comme ailleurs, le Fn cherche autre chose qu'une base politique pour des lendemains pour chantent. Il obtiendra la constitution d'un groupe, à coup de débauchages individuels s'il le faut. L'enjeu n'est pas politique, mais financier.
Marine Le Pen ne cherche pas des alliances, elle recherche une cagnotte.
La constitution d'un groupe au Parlement européen ouvre la voie à ... 60 millions d'euros de dotation annuelle, rien que cela. La petite entreprise Le Pen, qui depuis 30 ans cherche moins à gagner les élections que les subventions du financement politique, a trouvé une proie de choix.
6. Le FN, sans héritage républicain
La dédiabolisation du FN a ses limites, celles de l'histoire. Tout mouvement politique s'incarne et se révèle par ses soutiens et son histoires. Le FN version mariniste a tenté un temps de faire le ménage pour s'éviter des supporteurs trop "encombrants". Ici ou là, mois après mois, les dérapages xénophobes ou racistes de candidats frontistes ont fait la une des gazettes. A fur et à mesure de ses succès sondagiers et électoraux, cette prudence initiale s'est relâchée. Pour le dernier scrutin, le Bloc Identitaire s'est officiellement rallié. Quand les caméras de D8 suivent en caméra cachée la campagne du maire frontiste de Hénin-Beaumont Steeve Briois, on retrouve un naturel nauséabond qui provoque l'ire des dirigeants du parti.
Les entrailles du FN sentent toujours mauvais. Mais quel est son héritage ?
Si le Front national n'a jamais gouverné grand chose, s'inscrit-il dans une histoire politique riche en héritages et en pratiques républicaines ? Que chacun s'interroge, et revisite l'histoire, celle avec un grand H, puisqu'il ne nous reste que cela. Quel progrès le FN peut-il accrocher à son bilan, ou, à défaut, celui de ses aïeux revendiqués ?
Aucun.
Cherchez bien.
Depuis deux décennies déjà, les plus hautes instances du FN n'ont trouvé que Jeanne d'Arc à récupérer.
Les congés payés, la Sécurité sociale, la participation des salariés, le régime des retraites par répartition, le droit de vote des femmes, la contraception, le remboursement de l'IVG, le SMIC, le suffrage universel, la décentralisation, la décolonisation, la durée légale du travail, la laïcité, l'enseignement public et obligatoire, la reconnaissance de la liberté syndicale, l'élection des délégués du personnel, les  conventions collectives, l'impôt sur la fortune.
... Qu'importe le sujet, qu'importe la période, le FN ne peut ni ne sait revendiquer un quelconque progrès républicain.
Cherchez bien.
Depuis deux décennies déjà, les plus hautes instances du FN n'ont trouvé que Jeanne d'Arc à récupérer.
Lire aussi:
  • Face à trente années de menace FN, place à la créativité collective et politique ! (Bastamag) 
  • Le Front national et le vote populaire (Charles Rojzman sur le Huffpost)
  • Les 6 loupés de l'éditocratie sur le Front national (Sarkofrance #02)
  • Pierre-Yves Bulteau : « On ne peut pas répondre à l’extrême droite par une simple riposte antifasciste » (Regards)
  • Crédit illustration: DoZone Parody 

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