On y était : Dune Rats & Vundabar, le 14 mai à la Mécanique Ondulatoire par Sonia Terhzaz
C’était au détour d’une allée, alors que j’errais en titubant dans les faubourgs mal famés de la capitale, que je découvris ce lieu à l’inquiétante étrangeté, un bouge à l’ambiance angoissée, peuplé d’êtres en déréliction. Hum…ant l’odeur âcre du Houblon, je décidais alors de m’y aventurer et quelle ne fut mon étonnement en découvrant ces deux « orchestres » comme dirait ma mère qui jouaient sur des airs endiablés, que l’on appelait ROCK GARAGE ! En réalité, j’ai quémandé (quel mot inspiré) auprès de Topper Harley pour pouvoir me rendre « gratos » au concert, vu que j’essaie toujours de « gratter » (décidément) une place. Non pas que je sois fauchée, bien au contraire, mais par pur souci de punk déontologie. Mais oui mais oui…
Mercredi dernier, je souhaitais me rendre à la Mécanique Ondulatoire pour draguer et découvrir de jeunes talents (ou découvrir de jeunes talents et les draguer après les avoir drogués). Y-a-t-il d’ailleurs un lieu spécifique à Paris qui soit vraiment emblématique de cette scène émergente ? La Mécanique ne serait-elle pas la salle archétypale, qui incarnerait, à Paris tout du moins, cet esprit garage de la nuit, avec sa scène bancale, vibrant et tremblant dès les premiers raccordements de guitare, ses murs suintants lorsqu’elle est prise d’assaut pas des hordes de jouvenceaux déconnant et cette truculente connivence entre le groupe et la meute ? Ce n’est pas le frondeur Billy Childish, Le roi du Garage Rock qui opinerait, lui qui n’hésitait pas à utiliser une petite sono de bar pour jouer dans un stade devant des milliers de gens, et qui nous en apprenait des choses notamment sur les questions d’intégrité artistique.
Les frêles américains de Vundabar ouvraient le bal avec une prestation toute en grâce et enthousiasme, et quelque chose de radieux et de chaleureux en émanait. Nonchalamment ces jeunes de Boston promenaient leurs silhouettes sveltes sur cette scène étriquée et déclinaient une musique surf pop / rock garage lumineuse, à l’énergie brute mais aux compositions raffinées, produisant un son qui vous ravit instantanément et vous donne envie de vous coller lascivement aux murs en souriant bêtement… Brandon Hagen avec sa belle voix claire, étonnement haut perchée par moments, tirait la langue élégamment les trois quarts du temps, quand il ne chantait pas, sans doute pour la délier, et regardait avec complicité son buddy Drew tapant gaiement sur sa caisse claire et Zach, le bassiste romantique. Il effectuait également des petits pas de danse agiles et mutins dans la pure « slacker » tradition. Désinvolture et maitrise combinés, telle était l’alchimie de ce groupe inspiré, 18 ans seulement au compteur, et tellement contents de jouer et de faire les cons. Des petits gars du Massachaussettes mais qui, à première vue, pourraient être confondus avec des jeunes de Liverpoule, un peu dans la lignée des anglais de The Coral… Étrange réminiscence d’un groupe tombé en déliquescence mais qui à l’époque faisait sens…
Mais on s’égare finalement, pour retrouver les riffs power pop, noisy mais enjoués, des Weezer. Les australiens de Dune Rats, que je rencontrais au fumoir ce soir-là (dans l’ultime espoir de me serrer un gars) et qui devaient jouer par la suite, me demandaient d’ailleurs d’où les Vundabar venaient et s’étonnaient de leurs origines. Hey ! Boston ! La ville de Jonathan Richman & des Modern Lovers, de Dinosaur Jr, Pixies, Morphine ou encore de Brad Delp, chanteur du groupe Boston, The Man with the Golden Voice, une légende du rock FM de la fin des années 70, du AOR pour le plus grand plaisir des adolescents et de leurs parents. C’est bien d’écouter ça de temps en temps ! Du savoir-faire bon sang ! Enfin… La prestation des Vundabar nous a tant emballés qu’elle a généré un climat d’intense ébriété si bien que même les allumés de Dune Rats, qui ont joué par la suite, se marraient de voir le public déchaîné. C’était l’occasion tant attendue pour devenir fou et faire des slams à tire larigaut (dans ce contexte l’occurrence s’impose car cette expression était principalement associée au verbe boire « Boire à tire larigaut », qui était donc pour les buveurs une incitation à faire sortir le vin des bouteilles comme on faisait sortir le son de l’instrument). C’était une pluie de corps et de bière qui nous tombait dessus, dans un éternel recommencement, et ce, tout le concert durant sur une musique power punk brisbanienne. Les australiens de Dune Rats nous ont en tout cas félicités, nous public français ! Eux qui érigent la débauche à outrance en sainteté. Dans leur clip Red Light Green Light, ils se lancent dans un bang smoking contest en réponse au clip des DZ Deathrays qui s’enfilaient sans interruption des shots de jager. Etait-ce pour cette raison que les jeunes ce soir-là étaient si libérés ? Musicalement, c’était bien évidemment trois crans en deçà, mais plus cracra et c’était cela même que nous recherchions en cette fin de soirée à la Mécanique. Merci Topper Harley ! Mais je n’ai pas chopé.
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