Le 23 mai dernier, Mario Dumont soumettait sa liste de dix
principes essentiels au succès du régime d’austérité annoncé par le
gouvernement Couillard.
Il recommandait de prêcher par l’exemple, de dénoncer les
symboles du gaspillage, d’éviter les reculs, d’écouter la classe moyenne, de
réévaluer chaque programme, d’instaurer un cran d’arrêt, de contrôler les
fonctionnaires, d’agir rapidement, de prioriser les finances publiques et de se méfier du biais négatif des
médias.
Tous ces principes sont importants, mais le gouvernement
doit avant tout gagner la bataille de l’opinion publique. Le premier ministre
et ses ministres devront accorder une attention particulière aux hauts
fonctionnaires et aux groupes d’intérêts.
Les sous-ministres et les sous-ministres adjoints sont
vraiment ceux qui gèrent l’État québécois. Les ministres passent, eux
demeurent. Ils n’hésiteront pas à manipuler l’opinion publique pour torpiller
une réforme qui ne leur convient pas. Les trucs pour y arriver sont simples, mais
efficaces : rapports biaisés, coulages inopportuns, informations
incomplètes, délais indus, etc.
Dès son élection, le gouvernement Couillard a mis les freins
et demandé que toutes les dépenses soient gelées afin d’en évaluer la
pertinence. Il n’en fallait pas plus pour que les matamores de la fonction
publique envoient un message clair au gouvernement.
La première victime a été la ministre de la Famille,
Francine Charbonneau. Les fonctionnaires de son ministère n’étaient pas sans
savoir qu’en retenant les permis
d’exploitation des CPE prêts à recevoir les enfants, la levée de boucliers
serait instantanée. La ministre a dû corriger la bévue de son ministère ce qui
a laissé l’impression qu’elle reculait. Elle aurait plutôt dû exiger que son
sous-ministre explique publiquement son manque de jugement.
C’est un exemple de ce que peuvent faire les fonctionnaires
pour discréditer leur ministre. J’ose espérer que la ministre a semoncé
sévèrement son sous-ministre et qu’il sera muté à la première occasion. Il lui
faut envoyer un message clair aux fonctionnaires, sinon elle perdra rapidement
le contrôle si ce n’est pas déjà fait.
Si les fonctionnaires peuvent torpiller les efforts de
réforme de leur ministre, les groupes d’intérêts peuvent en faire autant.
Toutefois, le gouvernement n’exerce pas une autorité directe sur leurs
représentants. Il est donc plus difficile de les neutraliser.
Dès le discours inaugural du premier ministre Couillard, les
commissions scolaires ont manœuvré dans le but évident d’intimider le nouveau ministre
de l’Éducation, des Loisirs et des Sports, Yves Bolduc.
Alors que les compressions annoncées par le nouveau
gouvernement ne sont pas encore définies et que le premier ministre jure
qu’elles ne toucheront pas les services aux citoyens, la
Commission scolaire de Montréal a annoncé l’abolition de 25 postes
d’orthopédagogues et de psychologues.
C’est un acte évident de manipulation de l’opinion publique.
Le ministre Bolduc se devait de dénoncer le plus sévèrement possible ce geste
d’intimidation. Cela était d’autant plus facile que les commissions scolaires ne
jouissent pas d’une grande faveur dans l’opinion publique.
Il devait rappeler aux commissaires de la CSDM que leur
propre existence dépendait de leur capacité à gérer le réseau scolaire pour le
plus grand bénéfice des élèves. Malheureusement, le ministre a manqué une belle
occasion de rappeler à la population que cette fois-ci ce ne serait pas les
groupes d’intérêts qui géreraient le gouvernement.
Ces deux cas de manipulation et d’intimidation augurent mal
pour l’avenir. En ne dénonçant pas ces comportements inacceptables, le
gouvernement s’est placé dans une position de faiblesse. Si le même scénario devait
se multiplier au fil des semaines, le gouvernement perdra la bataille de
l’opinion publique, comme ce fut le cas en 2003. Le gouvernement devra alors
renoncer à contrôler des finances publiques à la dérive.
Cette fois-ci les conséquences seront dramatiques. Les
agences de cotation n’attendent que ça pour abaisser la cote du Québec. Les
frais d’intérêt vont exploser ce qui ne facilitera pas le retour à l’équilibre
budgétaire.