C’est un des paradoxes de toutes les crises de civilisation. Ce sont souvent d’elles, et non des "décideurs" politiques, que naît le meilleur des révolutions sociales. La crise que nous traversons, et qui consacre l’agonie du capitalisme triomphant, pourrait bien ainsi favoriser l’éclosion d’un revenu minimum d’existence pour tous.
Comme son nom l’indique, le revenu minimum d’existence (dit aussi "revenu de vie") est un revenu de base garanti à chaque citoyen, sans conditions de ressources ni obligation de travail, pour satisfaire ses besoins vitaux élémentaires (logement, entretien, santé, éducation...).
L’idée n’est pas nouvelle. Elle court depuis 1920 sous le nom de "crédit social" ou "dividende social". Elle fut reprise par des "spécialistes" respectables, comme l’unique et méconnu prix Nobel d’économie français, Maurice Allais. En 2009, j’avais de mon côté articulé un petit programme personnel de gouvernement autour de cette notion fondamentale.Mais lors de la dernière présidentielle, bien peu de prétendants la reprenaient à leur compte, à l’exception notable de... Dominique de Villepin ! Le Front de gauche préféra mettre l’accent sur l’augmentation du SMIC, ce qui en période de chômage intensif prolongé et de précarité durable de l’emploi, apparaît presque comme un privilège accordé à quelques "happy few".Vers des minimas sociaux déculpabilisés et décents ?
En réalité, le revenu minimum d’existence est déjà inscrit dans notre réalité française. Mais à l’état embryonnaire et surtout très honteux : les minimas sociaux.Embryonnaire, parce que notoirement insuffisants pour offrir un minimum vital décent à chaque citoyen. Honteux, parce que dans une société où la valeur-travail fait encore référence, ils sont considérés comme un encouragement pervers à l’oisiveté.Seulement voilà, les périodes de crises graves mettent souvent à mal les carcans mentaux qui nous emprisonnent dans des schémas de pensée obsolètes. Le plein-emploi a disparu de notre horizon depuis une bonne trentaine d’années. Et les Français déclarent ouvertement leur désamour du boulot (sondage Ifop pour Sud Ouest Dimanche).Du coup, l’idée de revenu de base revient sur le devant de la scène, déculpabilisée. Des pétitions sont lancées. Des mouvements politiques s’en emparent (EELV, Nouvelle Donne...). Des films lui sont consacrés. Ou vont bientôt l’être, comme le tout prochain documentaire de Michaël Le Sauce, "Un revenu pour la vie".Bande-annonce du film de Michaël Sauce
Un droit de l’Homme élémentaire
Alors quoi, après les congés payés nés en 1936 sur les ruines fumantes de la crise de 29, après la Sécurité sociale engendrée en France le 4 octobre 1945 à la suite d’une monstruosité guerrière planétaire, le capitalisme agonisant du monde d’avant va-t-il accoucher d’un revenu d’existence pour tous les citoyens du monde d’après ?Ce ne serait que simple et élémentaire justice, dans la mesure où les stocks (nourritures, vêtements, logements...) sont d’évidence disponibles. On ne rappellera jamais assez qu’un tel acquis social ne fait que répondre à l’article 25 des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1948 :« Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de se famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d’invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans d’autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté. »http://www.politis.fr/Le-revenu-d-existence-une-idee-qui,27234.html
"Le monde d'après", présentationBonjour à tous. Je m’appelle Pierrick Tillet. J’écris sous le pseudonyme du Yéti (pour de vieilles raisons professionnelles aujourd’hui dépassées).De septembre 2007 à mai 2014, j’ai tenu chroniques sur Rue89 pour tenter de décrire par le menu la fin inéluctable du monde (capitaliste) d’avant.J’entame ici avec vous, grâce à l’équipe Politis, une série de réflexions sur ce que pourrait, devrait être, ou ce qu’est peut-être déjà un peu sans que nous en ayons bien conscience, "le monde d’après" en gestation.