Il y a à cela plusieurs raisons. D’abord, en remontant plusieurs décennies en arrière, les médecins spécialistes, tout comme les patients, se préoccupaient avant tout des maladies auriculaires leur faisant courir un risque vital comme l’abcès au cerveau, la paralysie faciale ou la méningite. Ensuite, les pratiques technologiques telles que l’ordinateur, le smartphone ou la tablette n’existaient pas, et les phénomènes d’électrosensibilité étaient inconnus. Sans doute aussi, les personnes qui souffraient de bourdonnements d’oreilles – très souvent des personnes âgées – « faisaient avec » car les notions de confort de vie et de bien-être n’étaient pas très répandues dans les mentalités d’après-guerre; les privations et la vie dure sous l’occupant ne laissaient pas de place aux sifflements internes dans les tympans! Les médecins ORL n’étaient pas non plus formés pour traiter ces « sons fantômes » et la terminologie liée au handicap physique était réservée à des déficiences plus graves comme les séquelles de la poliomyélite ou de la tuberculose osseuse qu’on soignait dans les hôpitaux en plaçant les malades allongés sur des chariots plats des années durant. Handicap et acouphènes restent heureusement des faux amis.
« Finalement, l’habitude de ce dérangement oblige le cerveau à se familiariser avec cette alarme factice générée par l’oreille interne, nous dit le docteur Claude-Henri Chouard*. Nous, médecins ORL, qui comprenons l’origine et la bénignité des acouphènes, cherchons à rassurer nos patients plutôt qu’à les guérir, car nous savons qu’il n’existe pas de traitement miracle et que les stimulations électriques ou les prothèses agissent temporairement : plutôt que de prêter attention à cette sensation fantôme, il faut essayer de ne plus y penser pour qu’elle cesse d’être handicapante », poursuit-il.
Et en cela, il a parfaitement raison. Ceux qui s’en sortent se défocalisent progressivement de leurs acouphènes en faisant un travail sur le long terme d’habituation par la thérapie sonore ou la TCC (Thérapie Comportementale Cognitive). Ceux qui s’enfoncent, qui s’isolent, ressassent en boucle leur mal-être sur les forums des réseaux sociaux où les seuls membres rencontrés sont en général quelques habitués en situation d’échec. La grande majorité des internautes viennent de temps en temps pour puiser tous les conseils utiles et regagnent bien vite le monde réel. Comme ils ont raison car l'acouphène adore le "looser"!
Ne vous découragez pas, faites un travail sur vous, positivez et vous réussirez à faire taire vos acouphènes un peu, beaucoup, et peut-être plus ! C'est d'ailleurs ce que conseillent les médecins ORL qui restent vos meilleurs conseillers, quoiqu'on en dise.
Philippe Barraqué, musicothérapeute, musicologue - www.stop-acouphenes.fr
*Dr Claude-Henri Chouard, ancien chef du service ORL de l’hôpital Saint-Antoine, membre de l’Académie Nationale de Médecine
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