Là où naissent les nuages de Annelise Heurtier 5/5 (29-05-2014)
Là où naissent les nuages (199 pages) est paru le 2 avril 2014, dans la collection Grand Format des Editions Casterman.
L’histoire (éditeur) :
Fille unique de parents très aimants, mais très occupés, Amélia, 16 ans, s'est réfugiée dans la gourmandise. Elle traîne son corps adolescent et ses kilos en trop comme une punition. Mais l'arrivée d'une lettre étrange venue de Mongolie va bouleverser la banalité un peu mélancolique de son quotidien...
Mon avis :
Après les sympathiques premiers épisodes de Charly Tempête (mon avis ici et ici) et l’excellent Sweet Sixteen (mon avis coup de cœur ici), je continue ma découverte d’Annelise Heurtier, une auteure talentueuse qui arrive toujours à combler le public visé, et plus encore puisque même adulte je me régale de ses publications. Son dernier titre intitulé Là où naissent les nuages est un roman jeunesse destiné au 12 ans et plus, qui entraîne le lecteur dans une aventure initiatique à l’autre bout du monde où le choc des cultures est plus qu’intense.
Amelia Atkins, fils d’un gastro-entérologue et d’une juge des affaires familiales, réceptionne le courrier où, parmi les lettres habituelles de banque et des publicités, se trouve également une enveloppe dont l’adresse est inscrite en lettre manuscrites (avez-vous remarqué comme il est de plus en plus rare d’avoir ce genre de courrier dans la boite aux lettres !) et dont le timbre est estampillé « Mongolia ». Tout cela éveille naturellement sa curiosité, qui est aussitôt rassasier par les explications de sa mère Isaure. Cette lettre vient, d’une association humanitaire d’Oulan-bakor (The Shelter) en Mongolie pour laquelle elle a travaillé quelques mois il y a 17 ans. La nouvelle directrice Bakar la tient aux nouvelles suite au changement de direction, et l’informe des besoins constants aussi bien financiers qu’humains. Alors, sur un coup de tête, le père d’Amélia propose un voyage familial en Mongolie, là où sa mère a vécu les plus intenses moments de sa vie. Tout cela n’enchante guère cette ado de 16 ans et heureusement qu’entre l’emploi du temps de l’un, de l’autre et son bac à elle, l’idée du voyage est aussitôt avortée… jusqu’à ce qu’un arrangeant soit trouvé.
« - Viens avec moi. Je te jure, c’est le genre d’expérience qui marque une vie entière. Qui forge une personnalité, comme celle de ta mère. Tu vas comprendre le sens du mot « utilité », vraiment.
Putain, il me faisait chier, avec sa Mongolie.
Une voix flutée a répondu, une voix de petite fille qui veut plaisir à son père à Aaron qui veut se prouver quelque chose qu’elle n’est pas si nulle qu’elle a du courage qu’elle ressemble un peu à sa mère un peu un tout petit peu :
- Pourquoi pas.
Je ne pouvais pas y croire. Et pourtant si. C’était moi qui avais parlé. » Page 42
Quand juin arrive, un contre temps oblige finalement Amélia à partir seule et puis quand on a 16 ans rien n’est impossible (en tout cas aux yeux de ses parents, qui lui accordent toute leur confiance). La voilà projetée à 7000 kilomètres de Paris, où Franck, installé depuis 5 ans dans l’association, l’accueille et que la réalité lui éclate à la tête…
Là où naissent les nuages est encore une très belle histoire. J’ai trouvé son personnage principal bien dessiné. Amélia est une jeune fille mal dans sa peau (comme beaucoup à 16 ans), qui vit mal d’être « la fille de », d’avoir des parents modèles (sa mère en particulier qui a la beauté et l’intelligence pour elle) souvent absents dont elle ne se sent pas à la hauteur. Banale, boulotte, triste, elle manque de confiance et concentre son mal être vers la nourriture (lui procurant autant de réconfort que de malaise). Quand l’opportunité (qui est loin d’en être une initialement) se présente de partir en voyage humanitaire en Mongolie, c’est le début d’une grande aventure. Entre découverte d’une pays, d’un univers où pauvreté, difficultés, injustice et maltraitance sont le lot quotidien, des rencontres inoubliables et des expériences hors du commun, Amélia en ressortira transformée à jamais.
Ce roman est loin d’être une histoire mièvre, pleine de clichés d’une ado qui découvre la misère, ouvre les yeux et devient finalement bien dans sa peau grâce au bénévolat. Il ne s’agit pas non plus d’un roman qui pointe le doigt sur une jeunesse occidentale privilégiée et égoïste. C’est une histoire plus profonde et en même temps si simple. Ce que va découvrir Amélia là-bas et ce que nous raconte l’auteure à travers elle est captivant (bien documenté), touchant et parfois poignant.
Annelise Heurtier met en avant un thème intéressant et que l’n voit peu en littérature jeunesse : l’humanitaire. Avec son héroïne, on découvre cette expérience, sa réalité brutale en arrivant (qui même avec de la préparation, l’idée qu’on s’en fait n’est pas à la mesure), et le travail qu’il faut accomplir pour parfois pas grand-chose. Mais il y a aussi la beauté d’un lieu qui dénote avec la misère, et les jolis moments de solidarité faits de petits rien qui deviennent des grandes victoires. Ainsi, au-delà de la fierté personnelle d’avoir donné de soi, Amélia rentre avec de merveilleux souvenirs, dont celui d’un petit bonhomme laissé là où naissent les nuages.
Il y aura quelques doutes qui s’accrocheront tout de même aussi à ses bagages de retour, ceux de savoir qui elle est vraiment. Là-dessus, l’auteure nous laisse trop brutalement avec nos interrogations. Dommage. J’aurais bien évidement aimé en savoir plus, même si ce n’est pas si important ici.
Là où naissent les nuages est à l’image de sa couverture : un beau roman (il faut le voir en vrai pour bien se rendre compte). L’écriture est comme toujours soignée, agréable et facile (sans tomber dans la facilité) et pleine de sensibilité aussi. Elle dose joliment la part de beauté et de richesse (avec même quelques touches d’humour) dans ce qui se présente comme sombre, sordide et triste. C’est un voyage géographique et initiatique que je conseille à tous (ce titre devrait impérativement avoir une place dans toutes les bibliothèques de collèges, au même titre que Sweet Sixteen).
Merci Annelise Heurtier pour ces intenses et beaux moments de lecture que vous offrez à nos enfants !
L’avis de Lizouzou ici avec qui j’ai partagé cette lecture.