Ce n’est pas la plus insignifiante des conséquences: le score sans précédent, doublé de cette "nationalisation" quasi homogène du vote frontiste aux élections européennes ne consacrent pas seulement, comme nous l’avions pressenti dans un récent éditorial, la fin du bipartisme hexagonal.
Le succès de Marine Le Pen s’est en outre nourri d’un rejet spectaculaire du président de la république: l’occultation de sa propre mise en cause dans le discours du chef de l’État le lendemain du scrutin en est encore plus sidérante. Une défiance massive qui obère les chances de ce dernier pour les élections présidentielles de 2017 et plombe, par surcroît, l’action de son Premier ministre. Dans cette perspective, Manuel Valls sera contraint tôt ou tard d’en tirer radicalement les leçons afin de sauvegarder et de promouvoir son propre avenir politique, nettement plus radieux. Mais c’est moins – ou pas encore – du côté de la rue de Solférino que dans le 15e arrondissement que les couteaux sont tirés. En témoigne l'apparition récente d'un compte "RPR officiel" sur Twitter.
Le contrecoup le plus saillant du triomphe lepeniste concerne en effet l’UMP: la démission forcée de Jean-François Copé et l’installation d’un triumvirat d’anciens Premiers ministres ne sont pas de bon augure pour Nicolas Sarkozy. La volonté manifeste de l’ancien maire de Neuilly de se représenter en 2017, sans passer par une primaire insupportable pour son narcissisme ombrageux, va rencontrer bien des obstacles: le premier réside dans les ambitions ouvertes des quadras du parti. Nul doute, ensuite, qu’instruit par des personnalités telles que François Fillon, Alain Juppé et Jean-Pierre Raffarin, le congrès prévu en octobre ne tente de faire pencher la balance des idées et des hommes en faveur d’un rapprochement avec le centre tout en marginalisant les sarkozystes. En clair, l’ancien Président de la République risque fort de se trouver privé d’UMP dans sa stratégie de reconquête du pouvoir.
Sans parler de l’embarras pour certains de ses fidèles lieutenants proclamés – il n’en manque pas dans les Alpes-Maritimes – tenus de choisir clairement à ce moment-là entre ancienne et nouvelle allégeance. Entre l’inévitable désir de revanche de François Fillon, dépourvu de mémoire courte sur sa période à Matignon, le centrisme résolu de Jean-Pierre Raffarin et les exigences de QI imposées par Alain Juppé pour sa future équipe présidentielle, il y aura beaucoup d’appelés mais peu d’élus.
Le chemin de l’Élysée pour Nicolas Sarkozy risque, pour filer la métaphore christique, d’être un véritable chemin de croix. Sans résurrection aucune au bout des douloureuses stations.