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Frankenstein créa la femme

Publié le 01 juin 2014 par Olivier Walmacq

Frankenstein crea la femme (A)

Année : 1966

Réalisateur : Terence Fisher

Genre : Fantastique

Avec : Peter Cushing

L'histoire : Lors de la mort de son fiancé, une jeune femme se donne la mort. Mais le baron Frankenstein prend l'âme du fiancé et la mélange avec le corps de la jeune femme (devenue amnésique depuis sa résurrection) qui va bientôt être possédée par l'esprit de son fiancé.

La critique d'hdef : 

Réalisé par Terence Fisher en 1966, le film fait partie des sept opus que le cinéaste tourna pour la saga « Frankenstein » avec Frankenstein Must Be Destroyed, L’Empreinte de Frankenstein, Frankenstein et le monstre de l’enfer, The Curse of Frankenstein/Frankenstein s’est échappé et The Revenge of Frankenstein. À contrario des autres opus de la saga qui s’avèrent tous particulièrement pessimistes (voire le déchaînement de cannibalisme final de Frankenstein et le monstre de l’enfer qui pose un regard très nihiliste sur l’avenir de la race humaine), Frankenstein créa la femme, tout en étant très sombre et empreint de noirceur et de dramaturgie, prend la direction d’un conte assez poétique où l’amour perdure après la mort des personnages… C’est effectivement ce qui arrive aux protagonistes, à savoir un pouilleux et une jeune femme défigurée, fille d’un aubergiste qui sera tué par des bourgeois sans scrupules qui l’avait humiliée plus tôt dans la soirée. Le pouilleux qui lui sert d’amant (mais qu’elle aime !) sera accusé à la place des enfants gâtés et sera guillotiné comme son père. Elle même sera utilisée comme cobaye par le baron Frankenstein (inoubliable Peter Cushing) pour des expériences qui rappellent celles du héros éponyme de Herbert West d’HP Lovercraft. Il permettra à la jeune fille de ressusciter mais dans un état amnésique, la figure liftée et surtout, avec le cerveau de son amoureux, qui va la diriger dans ses faits et geste comme un pantin. Nous avons donc bien affaire à la plus étrange histoire de possession qui soit…

Tout d’abord voyons un peu le lien qu’entretien le film avec les autres œuvres du cinéaste. La scène de la tentative de résurrection pendant laquelle Frankenstein est son propre cobaye et revient à la vie après être resté une heure « congelé » rappelle les ouvertures de L’Empreinte de Frankenstein avec son orage tout à fait digne du roman de Mary Shelley et aussi un passage du Triangle à quatre côtés, autre film du cinéaste, introuvable en dvd et que je n’ai vu que par le biais d’un documentaire sur la Hammer : Les Archives de la Hammer : la saga Frankenstein, édité en Metropolitan Filmexport.

La vision des classes sociales ne change pas : on se rappelle les bourgeois méprisants de Frankenstein Must Be Destroyed, et meurtriers dans The Curse of the Werewolf (un aristo enferme un clochard pendant des années dans une sorte de cave parce qu’il faisait du gringe à sa fille). Quant aux « pauvres », ils sont soit vus comme des pouilleux adeptes de la justice citoyenne, soit comme des marginaux dont personne ne veut (les deux amoureux du film en l’occurrence).

Mais ne nous y trompons pas, Frankenstein créa la femme est bel et bien un conte. Un conte sur l’amour, la mort et la honte, mais aussi un conte en ce qu’il a d’enfantin, et pas seulement dans ses thématiques tout à fait merveilleuses. En effet, si la personnalité du héros (il est d’ailleurs assez comique de l’appeler « héros » quand on sait qu’il meurt avant la moitié du film) est assez puérile voire ridicule dans ses excès chevaleresques (par instant, on croirait voire Jean Marais dans Le Capitaine Fracasse d’André Hunebelle) mais toujours assez attachant malgré la prestation calamiteuse de l’interprète. L’enfance est au premier plan dès le début, lorsque le fils assiste à l’exécution de son ivrogne de père, scène qui le hantera et qu’il tentera d’oublier, sauf que chaque habitant de la bourgade dans laquelle il mène un semblant de vie lui rappelle cet événement constamment (« Tu finiras sur l’échafaud comme ton père, c’est ta destinée » ragnagnagna…) si bien qu’il finit par leur donner raison (involontairement, soit) en se faisant décapiter à l’issue d’un procès parfois un peu caricatural, à cause de la prestation « too much » des « méchants » de l’histoire, archétypes même des parvenus égoïste. En fait pour dire les choses franchement, la première partie est inégale. Elle a ses grands moments (la bagarre dans l’auberge, l’exécution du père que j’évoquais tantôt, le suicide de la fille…) mais aussi un paquet de ratés : citons au hasard la scène du passage à la guillotine du héros. Lorsque sa tête est ramassée, elle est déjà blanche comme une chemise Monoprix, même si elle ressemble plus à un mannequin bon marché (« Les Restrictions de budget au cinéma d’horreur pour les nuls, chapitre I »).

Mais ces quelques fausses notes sont vites rattrapées par la seconde partie pour le coup vraiment perturbante, ne serait-ce que par l’idée de la vengeance et de l’auto-justice. Alors que la justice citoyenne pratiquée par les villageois contre le baron Frankenstein (nul doute que ces même villageois l’auraient brûlé pour hérésie au temps des croisades) est décriée par Fisher, il encourage la sanglante vengeance aux allures de Sudden Impact de la jeune fille contrôlée par le cerveau de son amant (l’idée de la transplantation de cerveau (même si ici on parle d’ « âme » pas de « cerveau ») était déjà dans Frankenstein et le monstre de l’enfer). L’affaire se finira par un nouveau suicide après une dernière scène de meurtre languissante et palpitante. Le deuxième suicide est d’ailleurs exactement pareil que le second, puisque son auteur saute dans l’eau dans les deux cas tout en savant pertinemment qu’elle ne sait pas nager. La seule différence est qu’elle sautait d’un pont la première fois là où la seconde, voyant les choses en grand, elle se jette d’une falaise.

En tout cas, tout termine très mal, les morts ce sont entassés (le moins chanceux sera décapité avec un couteau de la taille d’une petit machette. Rassurez-vous les sensibles, on voit rien !), Frankenstein et son acolyte seront probablement condamnés eux aussi, bref, Fisher nous gratifie d’un autre de ces « happy-end» dont il a le secret…

Note : 16/20


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