Ugly // De Anurag Kashyap. Avec Ronit Roy, Tejaswini Kolhapure et Rahul Bhat.
Ugly est une claque. Je ne pense pas qu’il y ait d’autre mot pour décrire ce film. Il est merveilleux du début à la fin et nous laisse sans voix tout simplement. Il démontre à la
fois la cruauté mais aussi la perversité de l’homme sous un angle policier âpre et sans détour. Présenté lors de la Quinzaine des Réalisateurs de 2013 (Ugly sort
en France près d’un an plus tard), ce film s’inspire de faits réels. J’ai trouvé tout ça assez étrange au premier abord, notamment car l’on ne sait pas trop où se situer par rapport au film. Ce
polar cherche à nous plonger dans les rues d’un Bombai que l’on n’a que très rarement l’occasion de voir au cinéma. Il y a des scènes remarquables mine de rien dans ce film et notamment une qui
au début du film m’a énormément marqué : la première rencontre entre Rahul, son directeur de casting et la police. Cette scène était merveilleuse et bourrée de bonnes idées. Par ailleurs, le film
cherche à certains moments à nous perdre. On ne sait donc pas vraiment où est-ce que l’on va mais l’on y va malgré tout. Le suspense est bien entretenu et l’on ne sait jamais vraiment ce que la
suite nous réserve. Au début j’ai cru voir une sorte de Prisoners indien mais rapidement le film élude cette potentielle comparaison.
Rahul et Shalini, les parents de Kali, 10 ans, sont divorcés. La fillette vit désormais avec sa mère et son beau-père, Shoumik, responsable d’une brigade de la police de Bombai. Un samedi,
alors que Kali passe la journée avec son père Rahul, elle disparaît…
En effet, la stratégie du film est d’aller beaucoup plus loin dans la réflexion et de donner l’occasion au spectateur de plonger dans cette ambiance poisseuse d’où l’on ne parvient pas vraiment à
discerner quoi que ce soit. Les personnages s’enchainent et les suspects potentiels également. C’est ce qui rend ce film encore plus efficace finalement, cette constante impression de ne jamais
en voir le bout et que tout peut encore nous surprendre par la suite. Comme quoi, c’est la preuve que le cinéma indien a de très belles perles à nous offrir en dehors de ses
Bollywood musicaux et entêtants. Même la bande son est truffée de belles trouvailles que cela soit ce titre de hard métal ouvrant le film et qui single d’un coup d’un seul le
spectateur ou encore toute cette séquence sur « One Day / Reckoning Song » de Asaf Avidan & The Mojos. Cette scène était percutante et la musique,
occidentale, permet de dénoter complètement avec ce pays qui n’a pas du tout la même culture que nos pays et encore moins l’argent que l’on peut avoir. Le rapport avec l’argent est lui aussi très
bien mis en scène à un moment où l’on se demande si finalement cet enlèvement n’a pas arrangé tout le monde.
L’issue du film est terrible. Alors que Ugly a pris le parti de tout montrer (rien qu’une scène au début du film après une petite course poursuite était impressionnante), il ne
se prive donc pas de montrer à quel point Ugly porte malheureusement très bien son nom. Tout ce qui se passe dans ce film est finalement très moche, que cela soit d’un point de
vue moral ou encore d’autres points de vue. Anurag Kashyap met tout cela en scène avec beaucoup d’aplomb. Son utilisation des couleurs de Bombai et accessoirement des paysages
est très intelligente et minutieuse. Le casting est lui aussi très bon. Je ne suis pas du tout un spécialiste du cinéma indien mais au delà de tout ça il se permet même de faire une sorte de
critique du monde du cinéma du pays : le fait que beaucoup veulent devenir des stars mais ne parviennent jamais à le devenir ou encore tout cet échange sur le fait que les acteurs ont des vrais
noms et des noms de scènes. Ugly c’est un vrai patchwork de l’Inde d’aujourd’hui, de plus en plus accro à la nouvelle technologie (et accessoirement aux iPhone) qui plonge
finalement dans sa cupidité.
Note : 10/10. En bref, quelle claque.