Très doucement, plus doucement encore,Berce ma tête entre tes bras,Mon front fiévreux et mes yeux las;Très doucement, plus doucement encore.Baise mes lèvres, et dis-moiCes mots plus doux à chaque aurore,Quand me les dit ta voix,Et que tu t'es donnée, et que je t'aime encore.Le joug surgit maussade et lourd; la nuitFut de gros rêves traversée;La pluie et ses cheveux fouettent notre croiséeEt l'horizon est noir de nuages d'ennui.Très doucement, plus doucement encore,Berce ma tête entre tes bras,Mon front fiévreux et mes yeux las;C'est toi qui m'es la bonne aurore,Dont la caresse est dans ta mainEt la lumière en tes paroles douces:Voici que je renais, sans mal et sans secousse,Au quotidien travail qui trace, en mon chemin,Son signe,Et me fait vivre, avec la volonté,D'être une arme de force et de beauté,Aux poings d'or d'une vie insigne.
Emile Verhaeren, Les Heures d’après-midi, précédé de: Les Heures claires (Mercure de France, 1922)
image: John Charles Arter (1st-art-gallery.com)