Magazine Santé
Dernière modification le 09-11-2008
Un comité scientifique européen, baptisé SCENIHR (Scientific Committee on Emerging and Newly Identified Health Risks) vient de publier mi-janvier un rapport (1) intitulé Sécurité des amalgames dentaires et des matériaux de restauration alternatifs pour patients et usagers. Missionné par la Commission européenne, le
SCENIHR (ainsi qu'un autre comité, le SCHER) devait statuer sur l'avenir de l'amalgame (ou plombage au mercure) en dentisterie, en tenant compte des risques à la fois sanitaires et
environnementaux. Ces deux comités devaient rendre leurs conclusions en fin d'année 2007. Dans le même temps, l'association luxembourgeoise AKUT se mobilisait en faveur d'une interdiction de l'amalgame dentaire au sein de l'Union
européenne, tandis que la Norvège interdisait
officiellement sur son territoire tout produit contenant du mercure dans le but d'inciter l'Union européenne à faire de même.
Cependant, ni la mobilisation de l'AKUT ni la décision de la Norvège ne semblent avoir eu l'influence escomptée. Tout en reconnaissant que le mercure est
"l'élément métallique majoritaire" entrant dans la composition de l'amalgame dentaire, le rapport, loin d'accabler le plombage s'en fait au contraire le défenseur. L'amalgame
dentaire "doit être considéré comme un matériau de choix" peut-on lire dans ce rapport qui insiste sur les intérêts à la fois cliniques et économiques de ce matériau.
L'amalgame n'est pas toxique !
Le SCENIHR exempte l'amalgame de tout effet nocif sur la santé, excepté de rares effets locaux bien maîtrisés. "La principale exposition au
mercure des individus avec les restaurations en amalgame survient lors du placement ou du retrait de l'obturation" peut-on lire. S'il reconnaît que la dépose des obturations en amalgames
expose les patients à de "relativement hauts niveaux de mercure", le comité en conclut que la dépose des obturations cliniquement satisfaisantes ne se justifie pas, sauf chez les
patients souffrant d'allergie avérée à l'un des constituants. Quant à l'exposition des professionnels de santé aux vapeurs de mercure relarguées lors de la pose et de la dépose (voir
le témoignage du Dr JM
Bousquet), elle est également niée. En plus d'affirmer l'innocuité du plombage au mercure, le rapport se
livre à une critique des matériaux alternatifs en soulignant leurs "limites cliniques et leurs effets toxiques". En conclusion, le rapport met sur un pied d'égalité l'amalgame et les
composites en affirmant: "tous les matériaux sont considérés comme sans danger et sont tous associés à de très faibles taux d'effets secondaires sans évidence d'incidences sur la santé
générale". Plus encore, le rapport reprend à son compte la thèse selon laquelle les malades incriminant l'amalgame souffriraient en réalité de désordres psychiatriques.
Impasse sur les vrais problèmes
Pour finir, le SCENIHR prédit tout de même dans l'avenir "une réduction soutenue de l'utilisation des amalgames dentaires en pratique clinique à travers l'union
européenne" pour des raisons qui n'ont rien à voir avec la santé mais avec la demande esthétique des patients (les composites alternatifs à l'amalgame étant de même teinte que la dent). Des
problèmes environnementaux posés par les rejets mercuriels dans la chaîne écologique, il n'est évidemment pas question, le rapport se bornant à évoquer les bénéfices "salutaires" pour
l'environnement qu'il y aurait à réduire l'emploi du mercure dans les activités humaines. Ne sont pas davantage évoqués les problèmes liés au galvanisme buccal chez les patients porteurs
d'obturation métalliques. Selon ce rapport, il n'y aurait d'émission de mercure qu'aux seuls moments de la pose et de la dépose des amalgames, le reste du temps, le matériau serait parfaitement
neutre. Ceci est évidement faux et on sait l'incidence de l'électrogalvanisme sur la pollution aux métaux lourds (largement expliqué dans le Pratikadent, à la rubrique Électrogalvanisme) et sur les champs électriques parcourant le corps (ceux du cerveau en
particulier avec une incidence plus que probable sur les maladies neurodégénératives).
Expert français, farouche défenseur de l'amalgame
Un tel rapport en faveur de l'amalgame ne nous étonnera pas quand on sait que l'un des experts extérieurs qui a participé à la rédaction de ce rapport n'est autre
que le professeur M. Golgberg, farouche défenseur de l'amalgame, qui signait fin février un article, Merci au ministre norvégien de
l'Environnement, fustigeant avec virulence l'initiative norvégienne d'interdire l'amalgame, tout en
développant des arguments d'une similitude troublante avec ceux figurant dans le rapport du SCENIHR. Tout comme ce dernier, le professeur Goldberg souligne dans son article la toxicité des
résines qu'il estime cinquante fois supérieure à celle des amalgames (ce n'est pas notre avis, lire à ce sujet notre classification des matériaux dentaires), tout en défaussant le mercure de toute toxicité et renvoyant les patients qui lui attribuent la cause de leurs maux aux bons soins
du psychiatre.
Attitude ambigüe des experts norvégien et néerlandais
Plus étonnant, l'un des quatre autres experts extérieurs est norvégien: le professeur Arne Hensten de l'université de Tromsø. Même si la Norvège
vient d'interdire l'amalgame, officiellement pour des raisons écologiques et non médicales, on peut s'étonner qu'un expert norvégien cautionne un rapport défaussant un matériau qui n'est plus
remboursé en Norvège depuis 1999. Autre sujet d'étonnement, l'un des co-experts, le néerlandais John A Jansen, exerce à l'université de Nijmegen, connue pour ne plus enseigner la pose des
amalgames dentaires depuis 2004 (2). Il est plutôt curieux que des universitaires cautionnent un
matériau banni dans leur propre pays ou dans leur université. Si l'amalgame est aussi sécure que le rapport l'affirme, pourquoi ne pas continuer à le poser dans la bouche des Norvégiens et des
Néerlandais ? La position de ces deux experts est pour le moins ambigüe. Comment peut-on interdire un matériau et en même temps le cautionner ? Selon les termes mêmes du ministre de
l'Environnement, la Norvège en interdisant l'amalgame voulait envoyer un signe fort à la Communauté européenne. Cependant, la participation dans le même temps d'un scientifique norvégien à un
comité prônant l'usage l'amalgame déforce considérablement ce signal. Vue de l'extérieur, la participation des experts norvégien et néerlandais à l'élaboration de ce rapport pro-amalgame
ressemble fort à un compromis au profit d'intérêts
économiques.
Influence française ?
Faut-il voir dans le rapport du SCENIHR un effet du lobbying des dentistes, comme le dénonce l'AKUT (il est vrai qu'on ne peut être juge et partie), ou bien la
puissante influence des pays défenseurs de l'amalgame, dont la France, prête à tout pour conserver un matériau bon marché que sa sécurité sociale déficitaire est d'évidence incapable de remplacer
par des matériaux alternatifs plus coûteux ? Au vu de ce rapport, force est d'admettre que ce n'est pas de l'Europe que viendra la solution. S'il évoque une "possible réduction de la
disponibilité des produits contenant du mercure", le rapport ne dit rien d'une éventuelle interdiction de l'amalgame, qui n'est d'évidence pas à l'ordre du jour et de surcroît s'avère peu
probable dans le contexte. En effet, la France, fortement opposée au bannissement de l'amalgame, prend la présidence européenne à partir de juillet. Il est donc parfaitement utopique d'espérer
une interdiction du plombage au mercure dans l'année à venir. L'amalgame au mercure a encore de beaux jours devant lui.
Reste qu'en l'absence de mesure officielle, il appartient à chacun de prendre ses responsabilités en matière de soins dentaires en banissant un matériau à la fois toxique et polluant pour
l'environnement, comme expliqué dans Plombages au mercure et écologie.
Action de l'AKUT
L'AKUT se mobilise pour protester contre le Rapport Européen du SCENIHR jugé partial car ignorant de nombreuses études montrant la dangerosité du mercure
dentaire. Après avoir lancé une pétition pour l'interdiction de l'amalgame, l'AKUT entend protester contre ce
qu'elle appelle Le scandale de la gestion des amalgames dentaires. Signer la pétition contre le Rapport Européen du SCENIHR sur le site de l'AKUT.
(1) Document uniquement en anglais téléchargeable au format PDF sur le site
ec.europa.eu
(2) Source : egora.fr
Compléments d'informations sur le plombage au mercure
Lire les rubriques Plombage, Plombage-dangers,
Plombage-dépose dans le Pratikadent (extraits disponibles sur le site des éditions Luigi
Castelli).
Pourquoi les dentistes défendent-ils le plombage avec un tel acharnement ?
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