This Is Not A Love Song - An II
Sans ma baaaaaarbe / quelle baaaaaaaaarbe ...
(op cit. François Corbier)
On le sait, et ça n'est plus une nouveauté : un groupe indé US sur deux a de nos jours une image de bouseux, et pour ce qui est du personnel de Midlake, un bon tiers pourrait jouer chez Grandaddy ou Fleet Foxes qu'on ne s'en offusquerait pas.Il se trouve que s'il est bien de concilier bonnes têtes et musique avenante, de plus en plus de groupes ou artistes de nos jours ont tendance à délaisser l'un des deux, et que ben......on privilégiera toujours la capillarité désordonné doublée d'un charisme de poulpe à un look de gravure de mode qui n'a rien à dire.
Cette remarque faite, penchons-nous plus avant sur cet énième orchestre texan (l'autre grande scène du moment après New York), et énumérons ses quelques caractéristiques à nos yeux rédhibitoires avant de les voir jouer live : albums (un peu trop) hâbités, morceaux quelque peu interchangeables, manque de peps etc....
Il se trouve que les 6 membres de la bande de Denton, à qui l'on prédisait mille maux suite à la défection de leur leader, constitue la première surprise lors de l'ouverture de cette deuxième journée du festival : morceaux impeccables, chants croisés superbes, un set qui prend de l'épaisseur dans son déroulé, et qui a le bon goût d'avancer avec des titres un poil (pas fait exprès !) plus enlevés, une grande musicalité - ces gars savent jouer de tout et bien ; mention spéciale aux soli de flûte traversière, instrument guère en vogue depuis Jethro Tull !
C'est surtout la sincérité de la démarche, le professionnalisme mis en oeuvre pour restituer des climats qui leur sont propres et nous avaient jusque là laissé de marbre, qui surprend : pas tant d'emphase que ça dans ce qu'on pouvait redouter comme une entreprise redondante, trop arrangée. En fait, plutôt que d'emprunter à la liturgie des assommants Fleet Foxes, c'est davantage à Sigur Ros, voire au post-rock enflammé de Godspeed You Black Emperor, auxquels leurs envolées instrumentales font penser. Bref, examen d'essai brillamment réussi pour le sextette.
Direction outside où les conditions de jeu se sont considérablement rafraîchies depuis la veille ; ciel de traîne, petites bourrasques, et des gouttes qui font leur apparition. Findlay, groupe en provenance de Manchester, est emmené par une drôle de chanteuse dans une drôle de robe chasuble façon Groupama, dont le chant étranglé rappelle parfois ....Zaz ! Sur le papier, rien de très affriolant donc : du rock speedé qui n'ignore pas les reprises un peu convenues ("I Wanna Be Your Dog"). Sympathique mais purement anecdotique.
Jusqu' Hobo de la nuit
Si l'absence de look était patent chez Midlake, il est carrément une profession de foi chez les revenants très cultes de Neutral Milk Hotel. Emmenés par l'omnipotent démiurge d'Elephant 6, soit Jeff Mangum (qui a également eu maille à partir avec quantité de groupes dont les feus et fantastiques The Olivia Tremor Control) et le ventripotent Scott Spillman (sorte de sosie du nain Potiron, compagnon de Oui Oui), et par une clique d'intervenants divers, tous aussi doués les uns que les autres dont une sorte de Simplet à bonnet Jamiroquai, le collectif NMH étonne et détonne : sa folk espiègle et parfois très émouvante met le feu. Ca joue superbement bien, très carré et l'orchestre bigarré convoque une foultitude d'instruments aussi divers que le tuba et autre section cuivre (trompette bouchée, trombone et cor), le banjo,la cornemuse...électrique, et tout un éventail (allant du baryton au soprano ?) de scies musicales !
La personnalité au demeurant peu accorte de Jeff Mangum, homme à qui vous laisseriez une pièce ou un ticket restaurant si d'aventure vous le croisiez dans la rue, se déride peu peu. En effet d'abord, sur la réserve, il balance de véritables hymnes dont la fièvre et les refrains fleurant bon l'unisson ne sont pas sans rappeler les ineffables Pogues d'antan, pour ce qui est de la ferveur suscitée.On s'en veut presque de ne pas reprendre en compagnie de son groupe des refrains qui exhalent la chopinette et le bourbon bu sec. Addictif et du coup difficile d'abandonner l'affaire avant la fin du set.
C'était pourtant la condition sine qua non pour avoir une chance de coincer l'excellent Rodrigo Amarante dans le club, dont les portes comme l'an dernier ne resteront qu'entrebâillées en raison de l'affluence. De l'avis général, notre homme aura fait honneur à sa réputation naissante, et le concert fut à l'avenant.
Le pouvoir de la chatte
Ce n'est pas tant le ridicule de son sobriquet, si bête gimmick datant des 90's qui a vu des Chauve Souris pour Cils, Tape dans Tes mains et Gueule Ouais ! surgir d'un peu partout, qui a dès le départ mal auguré de nos relations avec la troublante Chan Marshall. Pas plus (quoique...) le souvenir douloureux d'un vieux sampler des Inrocks rentrée 1996, où au sein d'une sélection en forme de best-of de la décennie, détonnait une sorte de Siouxsie jeune mal dégrossie, ("Nude for the News", le morceau qui la révéla).
Non, à la vérité ce qui a toujours bloqué avec Cat Power - et on peut d'autant mieux le clamer que la belle a toujours joui d'une crédibilité rock sans faille - ce sont sa voix geignarde, ses chansons peu amènes, une discographie dont une écoute attentive ne permettait pas de déceler des pics etc.
Il devenait pour le coup difficile pour qui n'était pas fan de s'enthousiasmer au révélateur sans fard d'un show solo et unplugged.
Dans une grande salle ralliée à la cause de la chanteuse, que dire de plus sinon que l'étincelle n'est toujours pas venue. Tantôt à la guitare, tantôt au piano mais semble-t-il trahie par un micro mal positionné, l'américaine a néanmoins ravi ses nombreux supporters (la salle était comble) ; et c'est bien là l'essentiel.
Tandis que Jungle, seul truc véritablement laid à avoir été entraperçu, en termine avec une sorte de muzak sortie de nos pires cauchemars 80's, il est temps de rejoindre -glagla- l'extérieur pour se réchauffer (?!)
Blagues Lips
En effet, c'est bien le moins que pouvaient nous offrir les impayables géorgiens mais résidents d'Austin de Black Lips. Déjà, un échantillon du seul Cole Alexander en train de régler une balance pour le moins approximative et de faire le pitre avait donné le ton : le groupe serait fidèle à sa réputation de trublions déconneurs.
En effet, humour potache est souvent le mot qui revient le plus quand il s'agit d'évoquer ces 4 lascars et leur irrésistible look de pistoleros du pauvre. Qu'attendre de Black Lips, sinon un grand moment de rigolade et de refrains power-punk envoyés à fond la caisse, façon Ramones qu'ils font plus que singer. Sa basse Höfner en bandoulière, Jared Swilley en fait des tonnes avec Cole Alexander, se partageant les harangues au public, la voix cassée, tout au long d'un show délicieusement bordélique.
Ces types semblent toutes proportions gardées un avatar moderne des Damned (ce qui dans ma bouche est un compliment), en ce sens où la démarche clownesque semble inévitablement prendre le pas sur les aptitudes musicales. Il va de soi qu'ici et contrairement aux Damned, c'est davantage le live qui rend justice à un quatuor qui n'est pas forcément connu pour ses hauts faits d'arme vinylique. D'ailleurs, et pour faire bonne figure et après avoir bien fait le job de réchauffer un public riche en slammeurs, tout cela se finira normalement et en toute simplicité par un montrage de culs !
On s'en jette un dernier derrière le Ty ?
Voici venu le temps de terminer en beauté en compagnie du nouveau petit prince de la pop garage, qui dans sa façon emballez-c'est-pesé, rappelle le show du Blues Explosion de la veille, une grosse vingtaine de chansons uppercuts (dont deux nouvelles vendues en single) toutes plus irrésistibles et trépignantes les unes que les autres. Comme lors d'une précédente venue en ce même Paloma, Ty est accompagné d'un trio, toujours pas ambassadeur chez L'Oréal dont l'indispensable Mikal Cronin à la basse.
Quasiment le même setlist, avec les titres enregistrés entre temps - mais pas d'extraits de Sleeper, comme on pouvait s'y attendre, pas le mood- mais avec quelques rajouts sympathiques, l'ultra réverbérée "Standing at the Station", hélas toujours pas la sublime "Lovely One" ; l'ensemble étant une nouvelle fois exclusivement dédié au rock garage le plus cru.C'est ainsi la seule réserve que l'on peut émettre concernant le set : c'est joué fort, très fort, la voix est souvent inaudible, et seulement identifiable par "ceux qui savent". Il faudrait parfois que notre blondinet joufflu et jovial baisse les potards pour qu'on puisse goûter encore mieux à ses délicieux vocaux et aun nombreux soli qu'il délivre.
A contrario, et puisqu'il semble qu'il s'agisse là d'un parti pris quasi unique pour les concerts en groupe, il est toujours très jouissif de s'abandonner à ces infernaux hymnes pop punk assénés à un rythme effrené par notre homme et son band. Et notre opinion sur Ty Segall n'a pas changé, renforcé par la démise de Jay Reatard et la mise en sommeil des Thees Oh Sees, et au-delà de la scène de Frisco : l'avenir appartient à ce mec qui semble pondre de nouvelles chansons quand bon lui semble, et dont on attend déjà la prochaine orientation musicale, après l'excellente parenthèse folk de Sleeper. Keep rollin '!
Dave nous le pardonnera (ou pas), mais la fatigue (nous sommes vieux, nous sommes fiers), le levage tôt du lendemain, ne nous inciteront pas à nous finir à la techno minimale qui clôture cette soirée, et nous tournerons ainsi lâchement le dos à Daniel Avery, reprogrammé pour la bonne bouche dans la grande salle.
Et c'est la fin pour ce qui nous concerne ; le festival se clôturant bien sûr ce soir par une soirée entièrement electro !
Mais à la lecture du programme alléchant que le Paloma semble programmer à l'automne 2014, nul doute que nous ne manquerons pas tantôt de regagner la désormais incontournable salle nîmoise ; quelques dates ont d'ores et déjà été cochées, mais chuuuuut, ce sera notre secret !