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La magie des mots, par Francesca Tremblay…

Publié le 31 mai 2014 par Chatquilouche @chatquilouche

J’étais arrivée, enfin.

Le travail, le quotidien, la vie qui battait son plein avaient fait que je m’étais éloignée de mon sanctuaire.

Ta venue_1
Ce jour-là, le soleil inondait de larmes dorées le feuillage de cette forêt séculaire. Je respirais à présent. Mes poumons remplis de cet air pur, différent, j’empruntai le sentier de pierres plates, sautillant à quelques endroits, sachant très bien lesquelles n’étaient pas stables. J’étais légère, l’oiseau fragile en quête de liberté, un bref instant. Les lièvres avaient empreint de promesses les tapis de mousse verte. Ces saints suaires spontanés figeaient dans le temps, les allers-retours des hardis rongeurs, comme les constellations marquaient le ciel de la nuit.

Le feuillage d’un arbre caressait celui de l’autre, tout près, et ainsi de suite jusqu’à ce que dans l’élan, leur tête se balance dans un sens et dans l’autre. Ils communiquaient entre eux et s’échangeaient des murmures dans le bruissement de leurs feuilles bientôt trop sèches pour tenir au bout de leurs branches. Jamais commérage n’aura été aussi doux à mes oreilles.

Assise sur le grand rocher, entourée de ces seigneurs, je ressentis l’approche d’un imminent bonheur. Les arbres me le chuchotaient et, jeune femme que j’étais, les bras autour de mes genoux repliés sur mon cœur, je penchai la tête en arrière et fermai les yeux. J’étais témoin d’un discours merveilleux. Le bonheur viendrait parce qu’ils me le chantaient.

Heureuse et émue, en regardant la cime des arbres qui me pointaient le ciel, je me suis promis d’ouvrir mon cœur à ce bonheur inconnu, peu importe ce qu’il m’en coûterait. Les arbres m’avaient annoncé ta venue. Je le ne le sus qu’après.

Ta venue_3
Sur le chemin du retour, épanouie et ressourcée, c’est là que je t’aperçus. Debout, un calepin à la main, tu semblais absorbée par ta découverte. Tu regardais l’oiseau sur la branche quand soudain, tu sursautas à ma vue. L’oiseau s’envola et l’esquisse se figea. Tu avais été surprise par mon apparition, et moi, par la tienne. Tu me souhaitas le bonjour, timidement, et tu m’expliquas, en reprenant ton souffle, que tu étais heureuse que ce ne soit que moi. Tu avais peur des loups, m’avouas-tu. Je te répondis que c’était une peur vaine puisqu’ils avaient disparu des bois, ici.

C’est à ce moment précis qu’une feuille de chêne se déposa sur tes cheveux. Je m’approchai pour la saisir, car mon ami l’arbre me présentait à toi. Tu étais si belle. Radieuse et souriante. Les rayons du soleil se glissaient à travers les feuilles pour dessiner dans tes yeux, des éclats chatoyants. Tu m’as dit « merci », et lorsque tu voulus saisir cette feuille aux doigts étendus, que je te montrai en souriant, c’est alors que ton regard croisa le mien. Puis, l’amour déferla comme le vent qui embrasse tout sur son passage. Les tapis de mousse seraient empreints de nouvelles promesses dont les êtres des bois seraient les seuls témoins.

Quelques fois, il m’arrive de retourner à ce rocher, au cœur de la forêt, pour m’y asseoir et y contempler

Ta venue_2
la vie. J’écoute ces vieux esprits me raconter toutes sortes d’histoires. Quand le vent siffle fort et que le tronc des arbres craque, je sais qu’un malheur n’est pas loin et je ne reste pas longtemps. Cependant, une chose demeure…

Les jours où tout est calme et serein, ils ne se lassent guère de me rappeler que ce bonheur me suit toujours et que j’en resplendis comme l’écoulement brillant du ruisseau où la lumière se baigne. Tes esquisses ont figé mon sourire, dans le vol de cet oiseau.

Les arbres m’enveloppent de cette joie qu’ils ressentent et je leur raconte comment est ma vie avec toi. Et dans ces instants étonnants, ils se mettent à danser et à faire bruire leur feuillage. Ma joie devient la leur, et mes amours, de délicieux soleils qui se partagent.

 Francesca Tremblay

(Nous avions déjà eu le plaisir de publier occasionnellement des textes de cette auteure.  Nous sommes aujourd’hui heureux d’annoncer que dorénavant elle sera chroniqueuse régulière au Chat Qui Louche.   Bienvenue à bord, Francesca ! AG)

NOTICE BIOGRAPHIQUE

Francesca Tremblay_auteure
En 2012, Francesca Tremblay quittait son poste à la Police militaire pour se consacrer à temps plein à la création– poésie, littérature populaire et illustration de ses ouvrages.  Dans la même année, elle fonde Publications Saguenay et devient la présidente de ce service d’aide à l’autoédition, qui a comme mission de conseiller les gens qui désirent autopublier leur livre.  À ce titre, elle remporte le premier prix du concours québécois en Entrepreneuriat du Saguenay–Lac-Saint-Jean, volet Création d’entreprises.  Elle participe à des lectures publiques et anime des rencontres littéraires.

Cette jeune femme a à son actif un recueil de poésie intitulé Dans un cadeau (2011), ainsi que deux romans jeunesse : Le médaillon ensorcelé et La quête d’Éléanore qui constituent les tomes 1 et 2 d’une trilogie : Le secret du livre enchanté.  Au printemps 2013, paraîtra le troisième tome, La statue de pierre.  Plusieurs autres projets d’écriture sont en chantier, dont un recueil de poèmes et de nouvelles.

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)


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