X-Men : Days of Future Past, de Bryan Singer

Par La Nuit Du Blogueur @NuitduBlogueur

Note : 3,5/5 

Mutants alternés 

Après The Amazing Spider-Man 2 (ou 5, ça dépend du point de vue), après Godzilla méta-reboot, X-Men : Days of Future Past ouvre définitivement la saison des blockbusters 2014. Il s’agit peut-être aussi du film qui la fermera, tant Bryan Singer pose sa science de cinéaste (entendre l’opposé de réalisateur non identifiable) et prépare savamment son kit de petit chimiste hollywoodien pour une potion au goût non seulement très divertissant, mais aussi incroyablement étrange et délicieux venant d’un homme qu’on croyait perdu à jamais dans les couloirs sans vision des studios.

© 20th Century Fox

Il faut tout de suite signaler que ce X-Men-là est la suite du presque brillant X-Men : Le Commencement, qui était lui-même un mélange entre suite, reboot et prequel. Ce détail est signifiant puisque Singer semble nous dire, dès ces séquences d’ouverture d’une dystopie noire et menaçante (comme on peut le voir tout le temps maintenant), qu’il s’en fiche radicalement. Pas de contextualisation autre que des noms de villes, pas d’argumentaire outrancier : juste une voix off kitch et sur-jouée revenue du début des années 2000, période des deux premiers X-Men réalisés par le même homme. Ce dernier préfère ouvrir avec une scène de combat des plus amusantes avec des mutants jamais vus auparavant (dont Omar Sy, très correct et crédible, vive la France) qui résistent tant bien que mal à des créatures mécaniques en utilisant feu, glace, transporteurs, et surtout voyage mental dans le temps. Car Days of Future Past, comme l’indique son nom qui ne veut rien dire, propose des allers-retours entre la fin de l’humanité et 1973, année du basculement, quand Mystique voudra assassiner le créateur de ces machines du futur, faisant de lui un martyr et visionnaire pour la race humaine.

Le premier piège évité gracieusement par Singer est de ne pas s’étendre dans une explication poussive du voyage dans le temps, qui aurait fait croire à son public qu’il vient voir un film d’auteur avec des effets spéciaux (Inception). Le cinéaste est très conscient de ce que veulent ses spectateurs et leur montre un respect de vieux guerrier japonais. Son intelligence réside ici : en ne s’attardant pas assez sur ce retour dans le passé, il ne laisse pas la chance aux possibles sceptiques de se désengager de l’histoire. Propulsés en 1973, avec Wolverine, nous entrons donc dans le vrai film, celui qui nous fait rester sur nos sièges. Voici donc le deuxième piège évité, Singer comprenant qu’une ambiance plus décontractée lui permettra aussi plus de libertés et plus d’audace. Il reste donc accroché, pendant toute la durée du film, à ces années 1970, sa funk, ses chemises à fleurs, ses jeans patte d’éléphant et ses vieilles « chevies », tout en accordant aux plus désireux des intermèdes ponctuels dans le futur.

© 20th Century Fox

Pourtant, ce qui marque le plus, ce ne sont même pas tous ces détails techniques et scénaristiques, ni même le talent de réinventer l’intrigue des deux premiers Terminator, ou le fait de mélanger ces temporalités antagonistes avec une désinvolture et une cohérence de ton déconcertantes. Ce qui marque le plus ici, et c’est bien par cet angle que Bryan Singer est un cinéaste, c’est qu’il est désireux de savoir comment ses propres personnages vont s’en sortir. Singer voue une réelle fascination pour l’univers des X-Men et aime profondément raconter la vie de ces anti-héros aux super-pouvoirs. Il suffit de voir cette scène où la fameuse Mystique plaque contre le mur et étrangle avec son pied bleu un officier vietnamien jusqu’à l’évanouissement. Une série de champs contre-champs, en très gros plans sur les yeux de chacun, l’un mourant, l’autre en train de donner la mort. Mais cette mise en scène d’une réelle (et pourtant simple) puissance formelle nous informe sur plus de choses qu’elle n’y paraît, notamment sur un personnage dont l’impassibilité légendaire craque à l’instant du meurtre pour dévoiler un être d’une colère et d’un désespoir immenses. L’étalement de ce passage est bien la volonté d’un Bryan Singer qui dévoile par ce fait sa préférence des personnages aux situations.

Et il montre cette préférence à chaque instant de son oeuvre, respectant ainsi la ligne scénaristique de l’épisode précédent et enfonçant un clou jamais assez long. L’une des plus belles séquences du film se passe avec le plus rapide des X-Men, Quicksilver, dont on épouse le point de vue l’espace d’une course, en pleine tension dramatique. Ralenti fois dix mille pour pouvoir apercevoir le mutant espiègle jouer et désarçonner ses ennemis du Pentagone. La douceur jouissive qui transpire à cet instant-là réaffirme la position de Singer : un amateur de comics, cinéphile et spectateur à pop-corn des autres super-productions/super-héros, qui veut prendre le temps de la pause pour délivrer un message à ses pairs.

© 20th Century Fox

Voilà là où Days of Future Past gagne sur le reste, c’est qu’intrinsèquement autant qu’historiquement, la véritable saga est à l’image de ses sujets : la différence (Usual Suspects est avant tout le film d’un auteur), la génétique (le format du premier X-Men a littéralement muté sur toute la décennie suivante en termes de gros budget), les pionniers d’un monde nouveau (la saga a ouvert l’ère du blockbuster contemporain). Ces thèmes évoqués et portés n’ont pas toujours été transposés fidèlement à l’écran (souvenez-vous le temps que vous avez perdu devant X-Men : L’Affrontement final et X-Men Origins : Wolverine) mais, après le virage entamé par Matthew Vaughn avec X-Men : Le Commencement, la suite qu’on nous donne à voir aujourd’hui n’en est qu’un très bon prolongement et résolument un excellent film d’anti-héros.

En attendant l’épisode qui clôturera la nouvelle trilogie, X-Men : Apocalypse, on se demande si cette dernière ne serait pas déjà l’une des plus réussies dans la catégorie poids lourds.

Larry Gopnik

Film en salles depuis le 21 mai 2014.