Les Wallabies et les All Blacks sont les deux seules nations de l’hémisphère Sud à ne sélectionner que des joueurs évoluant au pays, les Springboks ayant décidé de changer cette règle d’éligibilité après l’exode d’un bon nombre de leurs cadres. Dans l’hémisphère Nord, seule l’Angleterre applique cette règle, se permettant ainsi le luxe de se priver de Steffon Armitage voire de son frère Delon. Les Pumas ambitionnent eux de ne sélectionner que des joueurs évoluant en Super Rugby dès 2016 et la création d’une franchise Argentine au sein de cette compétition. Alors pourquoi les Australiens pourraient remettre en cause ce système d’éligibilité censé préserver la qualité de leurs franchises? Explications…
Digby Ioane, aujourd’hui au Stade Français depuis 2013
Vu de France, on peut se demander comment les Wallabies peuvent se passer de Drew Mitchell ou Matt Giteau, étincelants avec Toulon en cette fin de saison. Mais c’est oublier un peu vite que s’ils sont partis d’Australie, c’est bien parce qu’ils avaient perdu leur place en équipe nationale! Leur niveau de jeu a considérablement augmenté depuis leur arrivée en France contrairement aux nombreux anciens Wallabies arrivés en Europe pour une pré-retraite dorée. Mais ce constat qui était valable pour les Mark Chisholm, Dean Mumm, Chris Latham voire Morgan Turinui a pris du plomb dans l’aile ces dernières années et pourrait motiver la fédération Australienne à revoir ses règles de sélection. Les Australiens, malgré leur égo, se rendent désormais compte qu’ils ne possèdent pas le réservoir des All Blacks et que le rugby à XIII sera toujours la destination préférée des jeunes licenciés “rugby” du pays. Et même si la création du National Rugby Championship est censée élever le niveau de joueurs plus habitués aux compétitions amateurs, il sera difficile de constituer rapidement un réservoir de joueurs. Aujourd’hui, plusieurs anciens internationaux appellent Bill Pulver, le président de la fédération, à remettre à plat le système de sélection à cause de deux événements plutôt récents.
DÉPART DE JOUEURS CADRES
Belle réussite pour Salesi Ma’afu devenu titulaire avec les Northampton Saints
Le nœud du problème reste le départ récent et en nombre de plusieurs cadres de l’équipe nationale. Rejeté par Robbie Deans qui lui préférait Quade Cooper et Berrick Barnes, Matt Giteau a été le premier à s’expatrier en 2011 après sa non sélection pour le Mondial. Drew Mitchell l’a rejoint sur la rade en début de saison après avoir perdu sa place en équipe nationale ainsi qu’aux Waratahs suite à de nombreuses blessures. Les deux joueurs ont cependant retrouvé leur niveau d’antan et aujourd’hui les Australiens se mordent les doigts de les avoir laisser partir. Ils se rendent également compte qu’il est possible de progresser à l’étranger, ce qui peut être un atout pour l’équipe nationale. La saison dernière a vu également le départ de Digby Ioane, qui semble traîner son spleen du côté de Jean Bouin, de Sitaleki Timani à Montpellier, de Peter Kimlin à Grenoble voire de Salesi Ma’afu, aujourd’hui titulaire avec les Saints de Northampton, finalistes de la Premier League anglaise et lauréats de l’AMLIN Cup. Ces cinq joueurs auraient à coup sûr leur place dans le squad actuel d’Ewen McKenzie qui s’apprête à recevoir le XV de France.
Nommé capitaine en 2013, Ben Mowen s’est engagé avec Montpellier et tire une croix sur les Wallabies
James O’Connor, s’il règle ses problèmes de discipline, ne doit pas être oublié. A cette liste de joueurs va se rajouter Ben Mowen, capitaine des Wallabies la saison dernière qui, lassé des nombreux déplacements qu’engendre le statut d’international, a souhaité se mettre en retrait en s’engageant avec Montpellier. Il sera rejoint en Europe par Kane Douglas, régulièrement titulaire avec les Green and Gold depuis deux saisons, qui s’envolera pour Dublin où il portera les couleurs du Leinster. Deux décisions étonnantes à seulement une saison du Mondial en Angleterre. Enfin la Top League Japonaise est à tort considérée comme un championnat médiocre, même si Fourie du Preez, Jaque Fourie et JP Pietersen ont prouvé l’inverse en novembre dernier avec les Springboks. Et Berrick Barnes, aujourd’hui chez les Panasonic Wild Knights, a été élu meilleur joueur du dernier tournoi.
DÉPART D’ESPOIRS NATIONAUX
Kieran Longbottom, dernier espoir à avoir annoncé son départ. Il quittera la Force pour les Saracens
Outre le départ de joueurs confirmés et possédant le statut d’internationaux, l’expatriation d’espoirs nationaux est l’autre soucis majeur de la fédération Australienne. A l’instar de certains Néo Zélandais lassés d’attendre d’avoir une chance d’évoluer pour les All Blacks, les jeunes Australiens perdent également patience. Même si les blessures ont gâché sa saison, le départ de Dan Palmer pour Grenoble l’an dernier a été le premier warning reçu par l’ARU. La mêlée Australienne étant souvent moquée, Palmer aurait du faire ses débuts internationaux en 2013. Il prendra finalement sa retraite cette année à cause de ses soucis physiques. Les résultats étonnants de la Western Force laissaient à Kieran Longbottom l’espoir de devenir international cette année. Il partira finalement pour les Saracens la saison prochaine. Enfin Hugh Pyle, lassé d’attendre sa chance depuis deux saisons, s’est lui engagé avec le Stade Français. Le stock de seconde ligne expérimentés devient très maigre en Australie!
Nathan Sharpe propose d’autoriser les joueurs ayant plus de 40 sélections à s’expatrier tout en demeurant sélectionnables.
Pour le moment, difficile d’imaginer que la fédération Australienne accepte de changer sa politique à un an de la Coupe du Monde 2015. Toutefois, si l’infirmerie vient à être pleine en fin de saison comme c’est souvent le cas depuis quelques années, il pourrait être tentant de “piocher” parmi les réserves évoluant en Europe. Il en était déjà question en novembre dernier… L’ARU craint en effet un exode massif si cette réforme voyait le jour. Sa politique économique de plafonnement des salaires étant déjà décriée en interne, les joueurs n’auraient plus à faire d’efforts financiers pour rester internationaux même si le niveau des franchises Australienne serait forcément impacté. Autre possibilité avancée par Nathan Sharpe, autoriser les joueurs ayant plus de 40 sélections à partir tout en restant sélectionnables pour “services rendus”. Une éventualité intéressante qui permettrait ainsi à Matt Giteau (92), Drew Mitchell (63), Berrick Barnes (51) ou James O’Connor (44) de relancer leur carrière internationale.
Mais les clubs Européens (en particulier ceux du Top 14), si prompt à stigmatiser le manque à gagner que représentent les internationaux Argentins depuis l’introduction des Pumas au sein du Rugby Championship, verraient ils d’un bon œil l’absence de recrues Australiennes jusqu’à fin novembre? Pas sûr…