A l’X, les Jaunes ne brisent pas les grèves, ils les font !

Publié le 30 mai 2014 par Allo C'Est Fini

Les rouges également, me direz-vous…

par Serge Delwasse, X1986

Le point de départ de ce billet est un vieux souvenir : la grève à laquelle j’ai participé quand j’étais à l’école. L’envie de raconter, puis d’étoffer un peu. Un coup de Google avec les mots-clef « polytechnique AND grève », quelques emails, et voici un billet qui prend forme, et qui me permet de promener mon lecteur au cours des années 70, celles de l’antimilitarisme, des maoïstes et des cheveux longs.

Caveat : dans la mesure du possible, je m’efforce de garder à mes billets un format raisonnable, entre 5000 et 10000 signes. Ce billet, enrichi au fur et à mesure par les contributions des témoins et les coupures de presse, est un peu plus long. J’ai délibérément choisi de ne pas le couper en plusieurs épisodes, afin d’en conserver la logique.  Je prie mon lecteur de bien vouloir me le pardonner et j’espère que cela ne le découragera pas d’aller au bout.

Convention de lecture : les textes en noir sont de moi, ceux en rouge les témoignages de nos camarades – que, pour simplifier, j’ai tous anonymisés. en bleu sont les extraits de la presse.

La grève de 1986: un bran de potaches, mais qui fut pris au sérieux ou « les ennemis de mes ennemis sont mes amis »

Ceux de nos camarades qui ont entre 45 et 50 ans s’en souviennent probablement : comme à plusieurs reprises depuis 1975, cette période était celle d’une réelle tension entre les élèves et la Direction de l’Enseignement. La tension s’est cristallisée sur deux jours de vacances de Toussaint que ladite direction prétendait supprimer. quelqu’un (qui ? pourquoi ? comment ? la mémoire est assez lacunaire…) eut l’idée d’une grève… avec occupation du Boncourt. La sono du ∑tyx, les flippers du Binet loisirs, une voiture radiocommandée, et l’atmosphère feutrée des hautes sphères laissait place à une ambiance plus festive. Mes cocons se souviennent :

  • « Je me souviens que quelqu’un avait suggeré lors de l’amphi Kes qui avait precedé qu’ « il faudrait prevenir la presse ». Cela m’avait semble tout a fait déplacé compte tenu des avantages dont nous beneficions. »
  • « pour moi la cause de la grève, c’était une semaine de congés en moins, sans concertation ni même semblant de consultation préalable. Après la nuit d’occupation, et une matinée ? j’ai été poussé par XXX, pour faire partie des « délégués » envoyés à la rencontre du LCL Montels (nous étions 2 ? 3 ? 4 ?). NdDlw : Le regretté Christian Montels, malheureusement décédé une dizaine d’années après notre sortie, était notre Commandant de Promo, très aimé des élèves; Il avait été pitaine de compagnie de la 68. C’est dire qu’il avait appris à manipuler des carvas en guerre contre l’autorité… Ils nous avait fait le grand sketch jusque là on vous a protégés, mais maintenant on va plus pouvoir… » ( ?????). Par contre je n’ai pas de souvenir d’une menace d’assaut de militaires… Je pense qu’il était resté flou : moins la menace est précise, plus elle laisse imaginer…. Certains auront imaginé la « charge des mili ». J’avoue que je suis « bon public » et, pas fier, qu’il m’avait fait peur. Donc je suis d’accord pour « fin manipulée par les militaires ». Au retour au Boncourt, j’ai donc pris un mégaphone, et dis dedans « il faut aller au Point K », et commencé à avancer. A ma grande surprise, un peu près tout le monde a suivi. J’en suis encore surpris aujourd’hui. Et c’est une bonne leçon sur le caractère imprévisible des mouvements de foule… Au point K on avait dû débattre, et voter, et décider d’arrêter, sur la base d’une promesse de « commission de dialogue ». Le soir même, au sortir de sa Pâle, [le Kessier 85] m’avait remonté les bretelles d’avoir accepté d’arrêter, ce qui va dans le sens d’une forte influence de la 85 sur le mouvement… La commission de dialogue avait bien eu lieu environ un mois après, après le retour des vacances. On nous avait écoutés, et puis surtout rien fait… Et la dynamique était suffisamment ancienne pour qu’on ne se remobilise pas. Une leçon en règle sur la façon d’émousser un mouvement. Il faut dire que dans la commission, on avait en face, entre autres, Jean Peyrelevade, qui avait déjà négocié pas mal de choses dans sa vie, dont des Airbus. Peu de chance de faire le poids… J’ai essayé de l’ouvrir deux fois et à chaque fois il m’a démoli proprement mais nettement. Ca m’a calmé. Je me souviens aussi de l’ interview téléphonique du [Directeur de Etudes] par [une Xette], qui s’était faite passer pour une journaliste de Libé. Ca nous avait procuré une bonne tranche de rire, [le DER] essayant de noyer le poisson. Mais c’est là que l’on voit que les temps ont changé. Je ne sais pas si vous avez suivi, mais il y a quatre cinq ans, il y a un élève de Normale qui a fait un canular à mon avis comparable : envoyer un mail au nom de la directrice. Non seulement il a été viré, mais il a écopé d’une condamnation pénale. [Xette qui se fait passer pour une journaliste], te rends-tu compte à quoi tu as échappé ? »
  • Cette grève a été un grand moment de manipulation de notre promo par son entourage. Ainsi : qui a eu l’idée de la grève ? La promo 85 et en particulier sa Kès. Il nous avait été fixé une date de pale à gros coeff. l’après-midi du jour de départ en vacances de je ne sais quelle période de congés (probablement février, puisque pour Noël, c’était a priori trop tard). L’administration avait voulu leur faire le coup l’année précédente, mais la 85 avait vaillamment résisté (en tout cas, c’est ce qu’ils nous disaient), et elle voulait qu’on ne lâche pas. Point cocasse : pendant que nous étions « en grève » (ou plus précisément en occupation du Boncourt), la 85 était en pal, nous ayant elle lâché en rase campagne. Si je me souviens bien, j’avais eu une présentation de la « cause » par [le Kessier 85] sur le chemin de sa pale. Deuxième manipulation : tout d’un coup, la rumeur a couru que « les bazoffs allaient charger le Boncourt » et qu’il fallait évacuer (je rappelle qu’on parlait là de nos profs de sport, et qu’il n’y en avait pas tant que ça en mesure de charger quoique ce soit ; et les autres étaient plutôt à se refaire sur l’échauffement qu’à charger des officiers..). Toujours est-il que le Boncourt s’est vidé très vite (pour l’amphi (!)), et que mon ami XXX et moi-même nous sommes retrouvés bien seuls le temps de finir une partie d’un jeu de société. Inutile de vous dire qu’on a pas vu un bazoff arriver. Je crains qu’on se soit fait là aussi un peu manipuler, et que globalement nous n’ayons pas eu une grande conviction sur le bienfondé de cette occupation… J’ai juste compris qu’il y avait eu un semblant de négo avec Montels. En tout cas, j’ai un souvenir très net que Montels avait tenté (un vieux surmoi de militaire à la mode Egypto-Thaïlandaise peut-être) d’influer sur l’élection Kès qui se profilait en poussant en avant XXX, qui n’était surtout pas candidat (particulièrement dans ces conditions). En conclusion, j’ai trouvé ce moment globalement un peu pathétique (même s’il était amusant dans ses détails), assez révélateur sur certaines individualités (pour le meilleur et le pire), et m’a convaincu que les mouvements de groupe étaient très peu fiables, puisque même une population en théorie plus maligne, réfléchie et au top de sa forme physique que la population moyenne se faisait balader par ses « anciens » et par la première rumeur de violence venue ! Il n’en demeure pas moins que c’est le seul mouvement réellement collectif et non contraint de la promo de 1986 à nos jours.
  • Le Kessier 85, interrogé,
    • confirme avoir organisé et animé l’amphi kès qui avait valeur d’Assemblée Générale,
    • prétend qu’il ne l’a fait qu’en qualité de kessier en fonction
    • nie farouchement la manipulation – entre nous, je n’ia jamasi vu un manipulateur admettre la manipulation, même 30 ans après
    • confirme néanmoins le concept de « sales gosses qui se plaignent alors qu’ils ont, somme toute, la belle vie

A cette époque, l’X était une machine beaucoup moins grosse qu’aujourd’hui, et deux jours sans activité sérieuse au Boncourt passaient totalement inaperçus. Toujours est-il qu’il faut savoir finir une grève. La sagesse était, comme souvent, du côté des vieux, et le Général, au fond pas mécontent de donner tort au corps professoral, nous rendit nos deux jours de vacances, non sans avoir eu l’idée, pour le moins saugrenue, de nous retirer deux jours de solde – en fait, un seul – au prétexte que l’on ne payait pas les ouvriers en grève. J’ai donc le plaisir de vous informer que, via la promo 86, le Général Paul P. a officiellement accordé le droit de grève aux militaires !

En remontant les années 80 et la fin des années 70, je passe sur le combat pour la suppression de l’uniforme d’intéreur, la « BD », finalement obtenue pas les 85, pour remonter directement à la promo 75.

La grève de 1977 : quand un kessier utilise des méthodes de missaire !

Il me faut tout d’abord replanter le décor. 3 décors en fait :

  • Le platâl : la promo 75 a essuyé les plâtrals – vous noterez le niveau du calembour – arrivant seul sur un plâtal désert et absolument pas adapté à une vie estudiantine. De quoi agacer…
  • L’antimilitarisme : nous arrivions à la fin du maoïsme et des comités de soltats, mais l’ambiance était encore franchement anti-milis / cheveux longs/ peace & love : Hair…
  • enfin, je rappelle que la Kès n’avait pas son pendant clandestin qu’est la Khômiss. ce n’est pas un hasard si tous les mouvements révolutionnaires ont une vitrine politique et un bras armé militaire officiellement distincts.  Par exemple Sinn Fein et IRA.

Le Monde du 2 décembre 77 rapporte ainsi les faits : « Les élèves de l’École polytechnique, à Palaiseau (Essonne) ont décidé, mardi 29 novembre, dans leur quasi-totalité, la  » suspension des activités « . Ce mouvement fait suite à des sanctions pour infraction au port de l’uniforme. Des sanctions, pour le même motif avaient été prises en octobre (le Monde du 22 octobre). Ce mercredi, après une assemblée générale, la grève a continué.

Lors du bal de l’X, le 25 novembre à l’Opéra de Paris, un élève  » en tenue débraillée  » – selon les militaires –  » ayant ouvert le col de sa veste  » – selon ses camarades, a été rappelé à l’ordre par le général [...], directeur de l’École polytechnique. La réponse de l’élève, M. [...], a été jugée  » insolente  » et celui-ci a été mis aux arrêts de rigueur pour un mois, c’est-à-dire enfermé dans un  » local de travail « . Il s’agit d’une petite pièce en sous-sol, éclairée par un soupirail. Selon les élèves, le général [...] aurait interpelé [...] en le prenant pour un autre.  » Cela ne vous a pas suffi quinze jours de trou ? « , lui aurait-il dit, alors que M.[...] n’avait, jusque là, pas été puni. Il s’agit même d’un  » bon élément  » puisque, toujours selon les élèves, il a été classé premier à l’issue de sa période d’été au camp du Larzac. Il aurait seulement répondu au directeur de l’École :  » Quand on danse il fait chaud. « 

Cette décision a entraîné, le 29 novembre, le boycottage d’une épreuve de mathématiques par la promotion 1975, et une assemblée générale. Une élève qui circulait alors avec un uniforme  » panache  » (jupe militaire et chemise indienne) a été interceptée par le colonel [...], chargé des relations entre l’administration militaire et les élèves, qui lui a infligé quinze jours d’arrêt simple – c’est-à-dire que l’élève doit rester dans sa chambre lorsqu’elle ne va pas en  » amphi « .

L’administration militaire de l’École se défend de procéder à la moindre reprise en main.  » Nous ne faisons qu’appliquer les règlements militaires qui régissent l’École depuis toujours.  » Les officiers qui administrent l’X font valoir que tous les élèves de l’École – élèves-officiers ayant grade d’aspirant ou de sous-lieutenant et percevant une solde d’officier – se sont engagés à respecter la discipline militaire, qui les oblige à rester en tenue  » pendant les heures de service « , c’est-à-dire de 8 heures à 18 heures.

L’administration considère que cette discipline fait partie de la pédagogie de l’École.  » Ce sont des jeunes qui n’ont jamais rencontré la moindre résistance, explique le colonel [...]. Tout leur a réussi jusqu’à présent. Ni la société ni leur famille ne leur ont jamais rien refusé. Il faut bien que cela commence un jour. « 

Certains vont même jusqu’à dire :  » Nous leur rendons service en les punissant : quand ils sont aux arrêts, au moins ils travaillent.  » L’administration militaire ne semble nullement intimidée par les tentatives de résistance.  » Des punitions, il y en aura d’autres « , a prévenu le colonel [...].« 

Le lendemain ; « La grève se durcit à l’École polytechnique de Palaiseau (Essonne), où les élèves ont cessé toute activité depuis le mardi 29 novembre à la suite des sanctions infligées à deux de leurs camarades (le Monde daté 1er et 2 décembre). En plus des deux élèves mis aux arrêts pour infraction au port de l’uniforme, quatre  » kessiers  » (élèves chargés des relations avec l’administration militaire et responsables de l’animation) de la promotion 1975 ont été consignés.

La quasi-totalité des quelque six cents élèves de l’École participent matin et soir à des  » amphis  » (assemblées générales) depuis mardi, pour réclamer la levée des sanctions.

L’élève délégué au conseil d’administration, M. [...], a été mandaté par ses camarades pour effectuer une démarche au ministère de la défense, l’administration de tutelle. Mais on lui a répondu lors de sa démarche, jeudi 1er décembre, que sa demande était  » irrecevable  » et qu’il lui fallait passer par  » les voies hiérarchiques normales « .

Ce vendredi matin, les élèves ont décidé de continuer le boycottage des cours et de rester cette fin de semaine à l’École, par  » solidarité avec les camarades aux arrêts « . Quant à l’administration militaire, elle déclare que  » les élèves vaquent à leurs occupations « .

Et le 5 décembre « La crise de l’École polytechnique / Le directeur général adjoint ne sera pas renouvelé dans ses fonctions / La grève des élèves continue à Palaiseau. La situation à l’École polytechnique de Palaiseau (Essonne), où la quasi-totalité des élèves sont en grève depuis mardi 29 novembre pour protester contre des sanctions disciplinaires, est toujours bloquée. Les élèves ont décidé de passer tous le week-end à l’École et ont invité la presse à venir dialoguer avec eux. Un élément, qui n’est pas de nature à apaiser leur mécontentement, vient d’intervenir avec la décision de ne pas renouveler, à dater du 1er décembre, M.[...], directeur général adjoint de l’École, dans ses fonctions. »

Vous noterez qu’une petite affaire (il semblerait néanmoins que le camarade cranté pour « tenue débraillée », pas très frais à 4 heures du matin, ait répondu assez vertement au général. D’un autre côté, quand on est général, on quitte le bal de l’X vers 1 heure du matin au plus tard…) prend rapidement des proportions importantes. On passe de deux élèves aux kessiers puis à la promo. On passe de l’uniforme à la pâle de maths, puis au directeur de l’enseignement.

L’animateur de la grève, LE kessier qui aurait été GénéK s’il avait vécu 10 ans plus tôt ou plus tard, dont je ne garde l’anonymat que par souci d’homogénéité avec l’ensemble du texte, car il assume très bien, donne sa version des faits :

  • L’élève puni – donc j’ai masqué le nom par égard pour ne pas empêcher ses petits enfants d’entrer un jour à la grande Ecole – était plutôt antimilitariste et le Général l’avait « dans le nez »
  • LE kessier,du fond de son micral – qui ne s’appelait plus micral, et qui était situé sous le bureau des pompiers – animait les AG en amphi, grâce à un ingénieux système de sonorisation
  • Il garde d’ailleurs un bon souvenir de cette semaine au fond de son micral… La rumeur veut queles jolies Xettes du platâl se soient relayées pour lui tenir compagnie. Il dément vigoureusement.
  • In fine, « il faut savoir finir une grève », les arrêts ont été levés, et les X ont repris une vie normale. Il a totalement oublié le Directeur de l’Enseignement, bouc émissaire de l’affaire

Peu de gens connaissent l’existence des locaux disciplinaires sous le PC sécurité. Le Règlement de Discipline Générale a été modifié par Charles Hernu en 81 ou 82. es arrêts de rigueurs ont été supprimés. Le micrla également. Il sert maintenant de locaux d’astreinte aux pompiers.

Le micral

Le couloir d’acès au micral de Palaiseau, sous le PC sécurité

1975 : Le chant du cygne du Parti communiste

Le Monde écrit le 22 mai 75 « Pour protester contre les sanctions infligées à quatre élèves/  » GRÈVE DE L’UNIFORME  » à L’ÉCOLE POLYTECHNIQUE/ Ces sanctions font suite à la distribution par la Kes (le bureau des élèves) aux candidats qui subissaient les épreuves du concours d’entrée à l’école, jeudi 15 mai, à la sortie du centre de Vincennes, d’un tract critiquant la réforme du service militaire des polytechniciens, qui entrera en vigueur pour la promotion 1975. Ce tract ne mettait donc pas en cause le statut militaire de l’école, comme nous l’avions indiqué par erreur (le Monde du 21 mai), mais s’inquiétait de l’obligation faite aux  » X  » d’accomplir leur service militaire avant leur entrée définitive à l’école et des pressions qui pourraient être exercées sur eux à cette occasion s’ils manifestaient une  » insuffisance d’esprit militaire « .La plupart des élèves de la promotion 1974 de l’École polytechnique observent depuis mardi 20 mai une  » grève de l’uniforme  » pour protester contre les sanctions infligées par le commandant militaire de l’école à quatre de leurs camarades, MM. [suivent les noms des 4 kessiers 73]  Un sit in a été organisé, mardi 20 mai, sous les fenêtres du bureau du général Briquet, commandant de l’École, par ailleurs démissionnaire (le Monde du 30 avril). Les quatre élèves ont été mis aux arrêts de rigueur pour dix jours, les deux premiers à la caserne Dupleix, en qualité de  » récidivistes  » (ils avaient déjà signé au début de l’année une pétition où ils se déclaraient solidaires de  » l’appel des Cent  » (voir le Monde du 7 janvier 1975), et les deux autres à l’École polytechnique elle-même.

M. Daniel Dalbera, député (communiste) de Paris, demande, dans une question écrite au ministre de la défense,  » quelles mesures il compte prendre pour faire lever les sanctions et respecter la liberté fondamentale des élèves de l’école « .

Comme on dit « même motif, même punition » : vous crantez nos cocons, nous on fait la grève de l’uniforme. les prétextes ne changent pas, et les modes d’action non plus.

Je laisse la place aux souvenirs des acteurs

  • les 74, tout d’abord. ce sont bien eux les grévistes, beaucoup ne s’en souviennent pas.
    • Franchement, je n’ai aucun souvenir de cet épisode (plusieurs fois)
    • En effet, il y a eu un sit-in auquel j’ai moi-même participé, ce qui m’a valu une convocation personnelle chez le Général Briquet pour remontrance, mon rang d’entrée imposant selon lui un comportement exemplaire… J’avoue ne pas bien me souvenir des tenants et des aboutissants de l’affaire. Vu de loin, tout ce qui s’opposait à la « Mili » avait la faveur des élèves et c’est dans ce contexte de fin d’époque post soixante huitarde sur la Montagne que s’est déroulée cette histoire !
    • c’est en effet un événement qui avait marqué les deux promotions présentes sur la Montagne ! 
    • le souvenir que j’avais était plus radicalement celui d’un appel à la démilitarisation de l’école (mais je n’ai pas le tract), la modification des modalités de la période militaire à partir de la promo 75 (12 mois dès l’intégration, alors que nous avions sept mois à l’intégration et cinq mois en fin de scolarité) n’était qu’un corollaire du transfert de la Montagne Sainte-Geneviève à Palaiseau. L’action dont j’ai le souvenir s’est terminée par une convocation des promos 73 et 74 dans l’amphi Foch et l’annonce de l’éventualité de leur dissolution si la grève se poursuivait. La grève a cessé quelques heures plus tard.
    • Je pense que cela a debuté par un sit-in dans la cour principale, sous l’egide de quelques « meneurs » qui etaient membres de l’UGE (Union des Grandes Ecoles). Je me rappelle avoir participé a ce sit-in, au cours duquel les adjudants de compagnie « prenaient des noms ». Les slogans scandes etaient du genre « liberez nos camarades ».  C’est apres ce sit in que la greve de l’uniforme a commence, avec des consignes du genre : ne desobeissez pas a un ordre direct de remettre l’uniforme, agissez en groupes, etc… Nous allions donc en classes en groupes, en civil. Le general Briquet convoqua un amphi de toute la promo, ou nous etions en uniforme. Il y prononça les mots  » mais l’UGE, c’est communiste », qui lui valurent quelques quolibets anonymes, fort peu appreciés par les militaires… Dans les heures ou jours qui suivirent, il y avait une rumeur que la promotion entière allait etre envoyée en manoeuvres au Larzac. 
  • Certains se doutent néanmoins que l’affaire est plus compliquée qu’il n’y paraît, ils ont, en particulier, compris qu’il y avait eu manipulation :
    • Je pense que les raisons de ce mouvement etaient multiples: l’UGE voulait de l’agitation, nous étions heureux d’être en plein air, à Paris , au printemps, après cinq mois de service militaire, et comme le dit si bien Brassens, « Sous tous les cieux sans vergogne,…., tout le monde se réconcilie. »
    • Le commandant de promotion, X 57, essayait de négocier une solution pour sauver la face. Et il eut l’idee suivante: amnistie des Kessiers pour la Sainte Barbe, patronne des artilleurs et de l’X, contre fin de la grève de l’uniforme. C’est ainsi que la greve se termina, mais les rapports entre la promo 74 et l’encadrement militaire sont restés tendus après ces événements…  Je me souviens très bien de l’histoire de la Sainte Barbe. il me semble qu’il y ait eu une manoeuvre habile, de la part [le mili]: la patronne des artilleurs est fêtée le 4 Décembre. Ce sont deux autres saintes Barbes qui sont fêtées le 27 Mai, aux alentours de la fin de la grève!
    • Je me souviens d’un article plein d’erreurs dans Paris Match, qui me montra pour la première fois comment un événement dont j’étais très familier pouvait être distordu dans sa relation par une certaine presse.
    • les agitations de la 74 étaient (essentiellement ou toutes ?) liées au transfert à Palaiseau que nous refusions. Le transfert à Palaiseau était décidé et devenu inévitable. Jusqu’à la 74, le service militaire se faisait 5 mois en début de scolarité et 7 mois en fin. Les quelques retards des travaux rendaient impossible un accueil correct des élèves dès janvier 76. Il fut donc imaginé par les autorités de modifier les conditions de service militaire en faisant accomplir celui-ci entièrement la première année. Cela retardait donc l’arrivée des 75 à Palaiseau à septembre 76. Cela rendait également difficile le contact entre 75 et 76 avant cette date et donc rendait difficile de s’opposer au transfert à Palaiseau. Si l’on considère également que le dernier semestre de scolarité est consacré à un stage, on prévoit une situation où les 75 arrivent à Palaiseau alors que les 74 y sont peu présents. La mili en profita d’ailleurs pour laisser les 74 à Paris , limitant ainsi leurs contacts avec la 75, calmant un peu leur grogne contre le déménagement puisque la 74 en était exemptée, et évitant une contagion de la 75 par la 74. Le flambeau des traditions en a été plus difficile à passer, mais l’isolement de Palaiseau a beaucoup aidé. C’est dans ce contexte que quelques élèves on voulu prévenir les futur 75 dès les concours. La réaction du général Briquet fut effectivement quelques arrêts de rigueur, ce qui se traduisit par une grève de l’uniforme des autres élèves en guise de protestation. Le principal reproche fut que le problème avait été rendu public en étant publié dans le monde qui fut à cette occasion traité de torchon par le général. Aussi le journal des élèves fut-il désormais renommé « Le torchon » (en lettres gothique, comme le titre du Monde). Finalement, le Monde n’avait identifié que le côté superficiel de débat ; le changement des dispositions relatives au service militaire. Le problème de fond était le déménagement à Palaiseau. En définitive, la 74 a mené un combat d’arrière garde qui n’a pas empêché le déménagement. 
    • Les élèves concernés étaient des élèves de la promo 73 qui ont effectivement été sanctionnés pour la diffusion d’un tract avant les épreuves du concours d’entrée. Je n’ai pas ce tract, mais de mémoire, il avertissait que le statut militaire de l’école n’était pas simplement du folklore comme on le présentait assez souvent dans les prépa, mais une certaine réalité qu’on ne pouvait ignorer. Et nous mêmes avions quelques déboires sur le sujet. Après nos 5 mois de service, nous étions revenu à Paris en février 75 et découvrions par exemple que l’on nous demandait de faire nos lits en batterie tous les jours, et autres bricoles de ce genre. Donc la sanction de ces élèves pour avoir prévenu les candidats de ce que nous avions nous même désagréablement constaté a frappé nos esprits. Nous avons démarré un mouvement de grève de l’uniforme (et je pense que c’était essentiellement sinon uniquement le fait de la promo 74). En tout cas, je ne me souviens pas d’une quelconque connexion avec la promo 73 sur cette affaire. Cela a assez rapidement dégénéré en bras de fer, l’administration militaire mettant en place des plantons à l’entrée des amphis pour n’autoriser que les élèves en tenue. De ce fait, la grève de l’uniforme s’est transformée en grève tout court. ​Il y a eu un moment des sanctions contre les meneurs de notre promo. De mémoire, ils étaient 4 à être sanctionnés (10 jours de mémoire, mais à vérifier). Un par compagnie. Au fil des jours (quelques jours en tout, moins de 10 en tout cas), les choses s’envenimaient et la pression montait. Notamment des rumeurs sur l’avancement de notre deuxième période militaire, voire sur la dissolution de notre promo, se faisaient insistantes. Nous nous sommes donc réunis en amphi, décidant de quitter au plus vite l’école pour ne pas risquer de devoir céder à la pression. Et au plus vite, voulait dire immédiatement. Remonter prendre ses papiers et un blouson et quitter l’école. L’amphi devait être écouté par la hiérarchie puisque, avant même que nous arrivions aux portes de l’école (j’ai du mettre moins de 5 mn), un ou deux camions militaires déversaient des soldats qui se sont mis aux portes en ayant reçu l’ordre de ne pas laisser sortir les élèves. Ce fut le baroud d’honneur; nous étions pratiquement à la fin des 10 jours.
  • les 73 sont un peu plus cyniques
    • Mon seul souvenir marquant de cette époque est une « AG » au cours de laquelle a été instruite la question : « que fait-on pour les kessiers ? » Ca merdoyait jusqu’à l’intervention d’un capitaine de compagnie qui a suggéré (habilement) que nous utilisions la possibilité offerte à tout officier de demander le rapport du ministre. Après passage par cette porte de sortie la pression est retombée jusqu’à d’autres épiphénomènes de moindre ampleur.
    • Il y avait concomitance de la volonté de la direction de profiter du déménagement de la 74 à Palaiseau pour couper les liens entre les promos et un directeur aussi fait pour le management que moi pour garder les chèvres.
    • Déjà lors de notre incorpo la mili avait cherché à nous couper du monde et la Kes 72 avait dû intervenir fermement à notre profit.
    • « Briquet, la goutte d’eau qui a mis le feu aux poudres »: notre nouveau général était visiblement mal préparé aux talents diplomatiques dont il aurait dû faire preuve, et lui-même cyrard avait une méconnaissance, une incompréhension totale de la mentalité X
  • Et puis il y a celui qui SAIT. X73, Il était délégué au Conseil d’Administration :
    • Il est important de rappeler le contexte dans lequel la grève de l’uniforme est intervenue en 1975. Ma promotion ( la 73) était l’une des dernières à résider sur le Montagne Sainte Geneviève et lorsque nous avons découvert, en y arrivant, que les générations futures de polytechniciens seraient exilées sur un campus éloigné de Paris, nous avons été très opposés à ce déménagement. Nous avons même pensé, un temps, être en mesure de faire reculer le CA et les autorités de tutelle sur ce projet. Cette opposition s’est révélée vaine : le projet était déjà très avancé, même si tous les bâtiments n’étaient pas encore construits – notamment pas les chambres des élèves – et surtout il résultait d’une décision prise au plus haut niveau, que le président du CA de l’époque (André Giraud) et le Délégué Général pour l’Armement tenaient à mettre en œuvre. L’idée courait parmi les élèves que ce projet était une réaction aux évènements de mai 68 et manifestait le désir d’éloigner les X du foyer d’agitation toujours possible qu’est le Quartier Latin … mais les autorités de l’Ecole n’ont cessé de se justifier en expliquant qu’ils souhaitaient donner à l’X un campus  » à l’américaine », un lieu vaste où toutes les activités – notamment sportives – pourraient être exercées ( alors que sur la Montage il fallait prendre des cars, pour des trajets parfois très longs, pour accéder aux différents stades). Nous n’étions guère convaincus et voyions surtout que nos camarades du futur n’auraient plus la merveilleuse vie que nous avions la chance de vivre : les bistrots du quartier, les cinémas, les sorties le soir – un grand nombre d’élèves faisant régulièrement « le mur »- voire pour les plus entreprenants les petites copines qu’ils allaient rejoindre fréquemment (pas excellent pour les études, certes…). Quel que soit l’habillage qu’on lui donnait le déménagement était une façon d’éloigner les élèves de la vraie vie… de les maintenir encore un peu dans le tunnel qu’ils avaient traversé en classes préparatoires. Notre opposition était donc résolue mais résignée à son échec . Tout cela créait un sentiment général de malaise, et de très mauvaises relations avec les autorités militaires – et notamment le général commandant l’école . L’annonce de la modification à venir, avec le déménagement , dans l’organisation de la période militaire a été un bon prétexte pour manifester cette opposition latente à tout ce qui nous était imposé: d’où les tracts, la grève de l’uniforme, et l’agitation à laquelle nous avons eu soin de donner les plus d’impact médiatique possible… Mais encore une fois nous savions que tout cela était vain et avons fini par « rentrer dans les rangs » avec un peu d’amertume mais le sentiment que nous étions allés aussi loin que nous le pouvions pour manifester notre désapprobation au projet de déménagement.

Ce n’était donc qu’un prétexte ? Et les communistes ? il n’aurait pas mis un peu d’huile sur le feu ? Je ne sais pas qui a fait le battage médiatique mais ce mouvement n’est pas passé inaperçu. Cela devait être en relation avec l’UGE, syndicat qui avait recueilli pas mal d’adhésion dans notre promo (une quarantaine ?). J’ai notamment participé à une conférence de presse où nous étions cagoulés pour ne pas subir de sanctions. Je n’ai plus trop la chronologie de la période médiatique. Il y a eu notamment un tournage pour les infos de TF1. L’équipe de TF1 était en effet accompagnée d’un photographe qui a pris beaucoup de photos. C’était en réalité un photographe de Paris Match qui a fait tout un article sur le sujet. Je me souviens également d’un titre (du Figaro je crois) qui était choquant : l’Ecole Polytechnique envisage de marcher sur l’Elysée. Nous avions peut-être évoqué une manif mais probablement pas vers l’Elysée. Et cela nous choquait car cela donnait une tournure de tentative de coup d’état. 

Ce qui est également intéressant, c’est la façon dont le député Dalbéra récupère l’affaire. Je vous mets ici une copie intégrale du Journal Officiel. c’est instructif :

j’ai bien l’impression que les kessiers 73 se sont fait un peu instrumentaliser…

La grève des 71 , la grève du mythe

Grève du mythe parce que la 71 a eu droit à une belle photo dans Paris Match, mais surtout parce que, à mon sens, c’est une grève réellement politique, très bien gérée par l’Astra (pour une fois)

Qu’en dit le Monde ? 29/9/72 : « Après une journée de  » grève de l’uniforme « / Les élèves de Polytechnique ont repris les cours/ 

Les cours ont repris normalement, jeudi 28 septembre, à l’École polytechnique, après la  » grève de l’uniforme  » effectuée la veille par les élèves de la promotion 1971 (le Monde du 28 septembre).

Invités  » fermement  » par l’administration – dirigée depuis le 1er septembre par le général Briquet – à se présenter au cours de chimie  » en uniforme « , mercredi 27 à 13 h. 30, les élèves avaient procédé à un vote et refusé – par cent quatre-vingt-huit voix contre quatre-vingt-onze – cette décision. L’administration répliquait alors en demandant à chaque élève de signer individuellement, avant 17 heures, un texte par lequel il s’engageait à observer le statut de l’école. ä nouveau réunis, les élèves décidèrent de signer le texte qui, a déclaré l’un de leurs représentants,  » ne remet nullement en cause notre action « . Il s’agissait pour nous, a-t-il précisé, de faire une fournée de grève de l’uniforme pour protester contre le durcissement du règlement et, en particulier, contre les sanctions frappant deux de nos camarades. Le mouvement a eu lieu, et c’est ce qui importe. Quant à remettre en cause le statut (militaire) de l’école, c’est un problème que notre action de mercredi ne soulevait pas. C’est l’administration qui, par le texte soumis, a voulu le poser en ces termes « .

Il apparaît donc que si l’incident de mercredi est terminé, ses causes profondes ne sont pas supprimées pour autant. La promotion 1971, rentrée depuis le 1er septembre seulement, paraît vouloir  » faire le point  » sur l’ensemble de la question avant d’affirmer ses positions. On sait que la  » journée de grève de l’uniforme  » avait été décidée en particulier à la suite de sanctions prises contre deux élèves qui avaient refusé de faire couper leurs cheveux. Aux arrêts de rigueur pour vingt jours, tous deux doivent comparaître devant le conseil de discipline.« 

Qu’en dit l’huma ?

je vous propose de laisser la paroles aux acteurs de la 71. Pour mémoire, j’ai reçu une vingtaine de témoignages :

  • Je ne me souviens de rien (30%)
  • Sur les causes
    • Très honnêtement, aujourd’hui, je ne me souviens plus vraiment des motifs invoqués.
    • Oui, notre promotion était bien turbulente…
    • cette histoire de longueur de cheveux invraisemblable après 68, la manière dont les militaires ont géré le truc, avec des symboles forts comme des jours de forteresse, complètement décalés pour des élèves qui se sentaient très peu militaires et imprégnés de l’esprit libertaire de l’époque.
    • Il y avait donc dans cette promo une fraction importante « antisystème » plus ou moins politisée. Cela s’est vu dès l’élection du représentant des élèves, où le major d’entrée [...] s’est fait battre par [...] puis aux élections par matière, où les candidats traditionnels ont souvent été battus par des candidats présentés plus ou moins officiellement par l’aile gauche si il faut lui donner un nom.
    • Le conflit entre élèves et direction de l’Ecole portait sur un sujet d’une importance autre que la longueur des cheveux de quelques individus. Il portait sur les missions de l’Ecole qui ne pouvaient qu’être mise en question. En fait,  une crise que ni le rappel au règlement, ni quelques tentatives de maintenir les traditions ne  pouvaient masquer.
    • ce n’est pas pour avoir refusé de se faire couper les cheveux qu’ils y étaient, mais parce que, en tant que délégués des élèves au CA de l’école, ils avaient fait un compte rendu assez persifleur d’un CA, qui s’était « plus occupé des bacs à fleurs du bâtiment du général que des chercheurs des labos de l’école » (je cite approximativement, de mémoire, je pourrai essayer de retrouver le tract de l’époque et te le scanner).
  • Sur le déroulé
    • Je me souviens de l’amphi qui a « voté » la grève. Les agitateurs étaient à la tribune, et ils ont demandé que l’on vote en se déplaçant : les pour à la gauche de l’amphi, les contre à droite. Tout le monde s’est levé, et comme il y avait une majorité de déplacements vers la gauche, j’ai senti une grande montée d’adrénaline… Je n’ai pas eu le courage de partir à droite, et je suis monté en haut comme beaucoup d’autres. Un seul a eu ce courage, et je peux attester que c’était [suit le nom d'un ci-devant], qui a fait face stoïquement aux huées des élèves massés à gauche.
    • Je me souviens aussi que le matin de la grève, on a vu arriver beaucoup d’élèves habillés… en tenue de sport, ce qui était une façon de ne pas prendre position (je revendique le fait que j’étais en uniforme). Quelqu’un a allumé une radio, et on a entendu un bulletin d’information évoquant notre grève, ce qui a provoqué des hourras.
    • Par contre, à l’époque, j’avais trouvé que le capitaine commandant la Nème compagnie avait un peu paniqué. Mais c’est sans doute subjectif, je n’avais pas tous les éléments en main.
    • Puis la convocation un à un chez le commandant Grillot et le discours: « on sait bien que vous êtes sérieux et que vous vous êtes laissé entraîner par vos camarades, etc.. Maintenez vous votre position?… ». Ma motivation n’était pas très forte. Je faisais partie d’un groupe d’amis beaucoup plus motivés que moi. J’ai donc cédé. Eux aussi d’ailleurs.
    • j’ai voté pour, puis signé les desiderata militaires, ayant compris depuis un moment déjà que le dialogue était impossible.
  • Sur les conséquences
    • Grand moment  et beaucoup d’agitation que je n’ai pas toujours bien compris sur le moment !
    • Je me souviens d’un sit-in sur la pelouse du général, qui donné lieu à un reportage photo dans Paris-Match et à un tirage au sort d’élèves blâmés (par le général) dont j’ai fait partie.
    •  Si tu cherches tu devrais trouver un article dans Paris Match, avec photo… [Ndlw : le texte intégral de l'article de Paris Match est ici Paris Match no 1249 du 14 avril 1973 – article concernant les filles à l’X] Je suis de ceux qui jouent au bridge au premier rang, c’est dire le sérieux de l’affaire.
    • Le lendemain, dans un quotidien (Le Monde ?), j’ai vu une caricature qui nous ridiculisait : on voyait 3 ou 4 « jeunes cadres dynamiques » tous habillés pareil en costume-cravate et criant d’une même voix « Grève de l’uniforme ! ».
    • Je n’ai aucun souvenir précis de cet incident, qui pour moi relevait du non-évènement. Des gamineries de pseudo-antimilitaristes bien contents par ailleurs de bénéficier de tous les avantages de l’X.
    • J’ai vraiment suivi cela de loin, sans intérêt particulier. Comme vous le savez bien, je ne partageais absolument pas le point de vue des grévistes. Je souhaitais intégrer l’armée après l’X. C’est d’ailleurs ce que j’ai fait.
    • cette grêve a ete un non-evenement, ainsi que le laisse transparaitre l’article du Monde. Ce dont je me rappelle est d’avoir, ainsi que les autres grevistes, comparu devant le General pour une remontée de bretelles. Le carcan militaire etait un peu pesant pour une generation post-68 mais nous n’etions pas prets a sacrifier nos avantages pour cela….
    • Ne donnons pas trop d’importance à cette médiocre péripétie.
    • Je les avais alors ressenties comme un mouvement de gosses de riches, mal dans leur peau.
    • En ce qui me concerne, je n’etais donc pas gréviste, mais un peu récalcitrant à l’autorité, et l’ai payé d’un prix excessif…  j’ai eu droit à la sollicitude de l’administration militaire, qui m’a taxé de 20 jours d’arrêt de rigueur pour avoir envoyé paitre un adjudant qui voulait me sortir du lit de façon un peu rude… L’époque était donc assez tendue (on était 4 ans après Mai 68, les « Mao » jouaient les gros bras…) et il était clair que les blagues de potaches n’étaient pas toujours prises comme telles par une Direction qui y voyait de la subversion politique…ce qui était peut etre un peu vrai pour certains, mais certainement pas pour la majorité.
  • Et puis il y a ceux qui tiraient (ou s’efforçaient de tirer) les ficelles
    • Nous étions un groupe proche du PCF, assez nombreux. On devait être aux jeunesses communistes, je crois. Au moins certains d’entre nous puisqu’il existait un cercle « Max Barrel » en l’honneur de Max Barrel. D’ailleurs, je me souviens qu’avait été constituée à l’X une section secrète du syndicat UGE (Union des Grandes Ecoles), en contravention flagrante avec le règlement militaire qui interdit l’appartenance syndicale.
    • Côté organisation, il y avait une cellule syndicale clandestine et  active, le GAS, groupe d’action syndicale, qui se réunissait dans le plus grand secret dans la tour um, au dessus de la rue des écoles. J’y participai, je me souviens de [censuré...] également

Vous l’avez compris, la violence et l’antimilitarisme sous jacents étaient assez pregnants. Et le Parti tirait les ficelles…

C’était mieux avant

Néanmoins, tout ça ne vaut pas la grève de… 1889. La Croix écrit le 13 février : « GRÈVE A L’ÉCOLE POLYTECHNIQUE/ Les polytechniciens qui se sont consignés [NdDlw : en français, autocran] eux-mêmes pendant plusieurs semaines pour faire pièce au commandant de l’école, le néral Henry, viennent d’avoir un nouveau 
démêlé avec lui. Le général trouvait que les polytechniciens recevaient trop d’invitations à des soirées. Pensant que la danse nuisait aux études, il leur interdit toute soirée autre que celles de l’Elysée, de la Légion d’honneur ou des ministères. Quelques jours plus tard, il les invitait lui-même à une soirée qu’il donnait, mais les élèves s’abstinrent en masse. Le général, se jugeant personnellement offensé, a fait supprimer le congé de dix jours dit de fin d’examens, et il à prié les majors de promotion d’annoncer aux élèves que dorénavant il n’aurait plus que des rapports officiels avec eux et qu’il les invitait à ne lus saluer Mme Henry. Nous sommes curieux de savoir quel sera le dénouement de cet étrange conflit.« 

Ca c’est une punition ! Interdiction de saluer Madame la Générale…


Remerciements

  • Madame B., du journal le Monde, qui a eu la gentillesse de m’aider à plonger dans les archives du journal
  • Un Y85
  • Un Y75
  • le conscrit Nègre, Y12 – dont vous remarquerez qu’i n’a pas droit au titre de Monsieur, faut pas que déconner ! – qui a eu la gentillesse de me transmettre quelques photos
  • les 86, 74, 73 et 71 qui ont eu la gentillesse de creuser au fond de leurs souvenirs, et particulièrement ceux qui
    • m’ont scanné coupures de presse, photos, bulletin de solde, Règlement intérieur
    • m’ont consacré un peu de leur temps au téléphone
    • m’ont écrit quelques lignes

Next steps

  • La discussion continue,
    • sur la liste debatsATdebatsDOTpolytechniqueDOTorg
    • dans les commentaires du billet
  • Cette plongée dans les années 70 m’a donné par mal de matière et envie d’aller plus loin. Je projette pour l’automne plusieurs billets :
    • le déménagement
    • le PC et son action à l’X, 1955-1975
    • l’action politique à l’X entre 1968 et 1986
  • Je suis bien entendu preneur de tout toute assistance
    • témoignages écrits, entretiens téléphonique
    • documents, photos, coupures de presse, tracts
    • coécriture