"JE DEMENTS’’
Nous avons reçu de M. Alassane Ag Baille , élève au Lycée Askia-Mohamed, un article concernant «l’affaire des Touaregs». Cet article était destiné à la revue «Mali-Magazine», mais étant donné le démenti cinglant qu’il apporte aux affirmations de certaines populations étrangères sur ce «problème», et compte tenu de la personnalité de l’auteur qui est originaire du cercle de Kidal et plus précisément membre de la tribu incriminée, il nous a paru intéressant de publier également dans «l’Essor-Hebdomadaire».
"AWATAY WA SADIDEN " : L'année maigre
" Il (Alhassane Ag Baille) aimait beaucoup prendre des notes et rédiger au sujet de thèmes plutôt ponctuels. C'est ainsi qu'lil a produit au Niger, un écrit de cinq pages, non daté et non signé, intitulé : " La sécheresse vue de l'extérieur ". Il y disait notamment, à propos des nomades :
" On les voit revenir par toutes les pistes chaque année, se faire arracher honteusement leurs quelques bricoles, et aller quand même, les mains vides, le coeur saignant, donner de la tête contre le pays natal, qui soutire le dernier poste-radio, la dernière montre "
(...)
En même temps que se précisait sa passion pour l'histoire des Touareg se cristallisait davantage sa compassion pour les conditions de vie du monde pastoral malien. Le 18 juin 1978, il a adressé au général Moussa Traoré, chef de l'état malien, une véritable lettre prémonitoire où il disait notamment :
" Jusqu'à présent le Nord est resté une zone meurtrie et qui ne se relève pas vite de ses blessures. Sur place, vous pouvez montrer à ces malades que vous vous préoccupez sérieusement de leur état.
Leur état est d'abord économique... Leur état est ensuite psychologique et politique. Au sommet du Sahara à Bamako, il est impératif d'ouvrir les frontières d'avec l'Algérie, la Libye, le Niger. Voyez l'avenir : il est lourd de nuages. En ouvrant les frontières, vous supprimerez du coup toutes les haines accumulées, tous les tracas et violences que vous connaissez, tous les extrémismes que vous savez en train de se préparer et qui ne feront que plus de mal à tous.
Ambéïri Ag Rhissa
Extrait de la biographie publiée dans " L'année maigre "
Les grandes sécheresse au Mali
AWATAY WA SADIDEN Extraits
" Une semaine plus tard, toutes les vallées étaient envahies de larves. Les criquets allaient ensemble vers l'ouest, descendant les oueds ; leur passage ressemblait à un coup de rasoir dans la tignasse d'un jeune berger. Les herbages étaient grignotés jusqu'à la base et les arbres, envahis par cette vermine capricieuse, étaient livrés sans écorce aux rigueurs du désert.
Certains dire que cette calamité était envoyée à dessein pour rappeler aux hommes qu'ils ne sont pas grand-chose, qu'ils ne peuvent pécher impunément, qu'un rien du tout peut les perdre, que la parcimonie peut se généraliser, surtout que le mois d'août, le ghouchet, la période habituellement la plus pluvieuse, n'apporta aucun bienfait. Un vénérable marabout qui avait observé les astres propagea que l'année serait maigre. "
Touareg : victimes de la sécheresse .... et du gouvernement ?
" Tard dans la nuit, à près d'un kilomètre de la frontière, Ngodi vit deux personnes qui venaient dans sa direction, devant lui. Il s'arrêta, parvint à faire comprendre aux derniers de ses hommes de se détacher et retourner un peu en arrière, afin qu'ils prirent une autre voie. Comme les deux torches avançaient toujours, Ngodi et son amajagh n'eurent pas le temps de s'échapper. Perchés sur leurs chevaux, les douaniers exultaient.
- Tas de voleurs ! allez ! Demi-tour, et en route. Vous croyez que nos braves paysans produisent et suent toute l'année pour vous ? C'est vous qui avez amené la sécheresse à notre pays.
L'amajagh donna un coup de fouet à sa monture, qui ne portait que deux sacs moyens, et fila en direction de la frontière, suivi, presque sous lui, d'un cavalier.
Ngodi, son fils et l'autre douanier restèrent quelques secondes à observer la course nocturne.
- Celui qui bouge, je le tue tout de suite, menaça le cavalier, dont la bête montrait des signes d'impatience ou de fatigue.
- Mais, écoute, je vous ai laissé mes taurillons, je vous ai payé les taxes de marché, j'ai enrichi un logeur de votre ville, où j'ai payé vos marchandises au double du prix, je vous ai laissé l'argent que vos compatriotes ont daigné me donner à la place de mes bovins, et vous voulez reprendre le peu de mil que j'ai acheté pour enrichir vos braves paysans ! Vous pensez que c'est juste, votre justice ?
- Hey, fils de Bella, tais-toi.
- Moi, je suis un paysan aussi, j'ai une femme, des enfants, des parents en charge. Que vont-ils devenir si je ne me présente pas dans quelques jours ? Je vais te le dire, ils vont tous mourir, et vous serez responsables de leur disparition, parce que vous pensez que trois sacs de mil, ça appauvrit un pays qui en a déjà récupéré le double. "