On entend souvent dire que les protéines animales sont supérieures aux protéines végétales. Mais est-ce vraiment le cas ?
Les protéines sont constituées d’acides aminés que nous utilisons
comme « blocs
de construction » de notre
organisme. Ce dernier les déconstruit
a n de recomposer les
acides aminés spéci ques à nos
besoins. Mais huit acides aminés
essentiels (isoleucine, leucine,
lysine, méthionine, phénylalanine,
thréonine, tryptophane et valine)
ne peuvent l’être et doivent donc
être apportés tels quels par nos
aliments. Pour être utilisés ef -
cacement, ils doivent se trouver
dans des proportions à peu près
semblables. On dit alors que la
protéine est équilibrée.
On constate que les protéines
des produits animaux (viande,
poisson, oeufs, fromages et laitages)
sont équilibrées en acides
aminés essentiels. En revanche, les
céréales se montrent dé cientes
en lysine et les légumineuses
en méthionine, ce qui pourrait
conduire à des carences protéiques
si l’on se nourrissait exclusivement
de l’un ou de l’autre de ces aliments.
Dans les faits, la
plupart des systèmes alimentaires
traditionnels combinent céréales
et légumineuses : riz et soja en
Asie, maïs et haricots en Amérique,
blé et pois chiches autour
de la Méditerranée, mil et niébé
en Afrique, etc.
La réalité est que, depuis le
Moyen Âge, les produits animaux,
et la viande en particulier,
ont été extrêmement valorisés
par rapport aux végétaux et sont
devenus symboles d’un statut
supérieur : quand on est riche,
on mange de la viande ; quand on
est pauvre, on « végète »… Et la
science du XIXe siècle s’en étant
mêlée, elle a fourni une justi cation
of cielle : « Si vous ne mangez
pas de produits animaux, vous aurez
une carence en protéines ! »
Pourtant les protéines existant
dans les parties vertes,
chlorophylliennes, des végétaux
sont parfaitement équilibrées
en acides aminés essentiels
– contrairement aux protéines
des organes de réserve que sont
les céréales et les légumineuses.
C’est ce qui ressort de l’étude
sur les « fécules » de plantes de
1733 du chimiste français Guillaume-
François Rouelle, puis
des travaux publiés en 1981 par
l’équipe du Pr Coste, de l’Institut
national agronomique sur l’extraction
de protéines foliaires
pour nourrir les animaux.
Ce fabuleux réservoir de
protéines est jusqu’à présent
inexploité, car on ne change pas
facilement ses habitudes. Il est
certain que les légumes cultivés,
sélectionnés pour leur taille et largement
arrosés, sont gorgés d’eau
et donc relativement pauvres en
nutriments. Leur teneur en protéines
serait sans doute trop faible
pour être prise en compte dans
l’apport alimentaire quotidien.
En revanche, les plantes sauvages,
qui poussent d’elles-mêmes aux
endroits qui leur conviennent le
mieux, présentent d’étonnantes
teneurs en protéines : 4,2 % pour
la bourse-à-pasteur et le chénopode
blanc, 4,5 % pour la mauve
et jusqu’à 9 % pour l’ortie – et la
liste serait facile à allonger.
En outre, ces végétaux,
véritables alicaments naturels,
apportent à notre organisme
toute la cohorte des nutriments
essentiels : vitamines, sels minéraux,
oligo-éléments, acides gras
oméga 6 et oméga 3, avonoïdes
et autres antioxydants… Bref,
nous sommes bel et bien faits
pour manger des feuilles.
François Couplan
Pour en savoir plus
« Guide nutritionnel des
plantes sauvages et cultivées »,
de François Couplan,
éd. Delachaux et Niestlé.
François Couplan est l’auteur
de nombreux ouvrages sur les
plantes et la nature. Il organise
des stages et des formations.
Infos : www.couplan.com