Alors que les élections Européennes ont livré leur verdict et que beaucoup de choses se sont passées depuis dimanche soir sur la scène politique, il est temps de tirer un petit bilan de ces élections et d'essayer d'apercevoir les conséquences possibles sur l'avenir du paysage politique français.
Les résultats
-Source : L'internaute-
Un Front National très haut
Avec presque 25 pour cent des suffrages exprimés, le Front National est au plus haut de son histoire. La formation de Marine Le Pen est donc la grande gagnante de ces élections et a réussi son pari de sortir en tête. 24 députés lui sont attribués pour le parlement européen.
UMP : l'essai non transformé
L'UMP souhaitait s'appuyer sur son succès aux municipales pour gagner les européennes et infliger une deuxième sanction au gouvernement. Cependant, les 20 pour cent (diminution de 8 points environ par rapport à 2009) montrent un échec. Et c'était prévisible : la ligne de l'UMP n'était pas claire sur l'Union Européenne et la campagne menée par le parti de droite prenait beaucoup trop en compte les enjeux nationaux par rapport aux enjeux européens. Cela va réanimer sans doute la guerre de novembre 2012, ce qui à terme pourrait faire exploser un parti qui n'est plus le premier dans l'opposition (nous en reparlerons plus loin). Mais cet échec est limité à côté de la déroute du Parti socialiste.
PS : la déroute confirmée
Déjà perdant lors des municipales, le Parti Socialiste a subit une véritable déroute lors de ces européennes avec moins de 14 pour cent, un score historiquement bas, moins que Rocard en 1994 ! C'est encore moins important que la déception d'il y a 5 ans. C'est là essentiellement une sanction à l'égard du gouvernement et un score significatif de la popularité de la majorité actuelle. C'est aussi un désaveux partiel de la propagande très européiste du Parti Socialiste qui s'est beaucoup appuyé sur Martin Shulz. Les sondages qui prévoyaient cette défaite avaient toutefois légèrement surestimé le score des socialistes. Réaction obligatoire pour les socialistes : Manuel Valls puis François Hollande ont parlé (il s'agissait de montrer leur présence) mais dans le vide, pour réaffirmer l'inquiétude, réaffirmer la république, mais sans apporter de décisions concrètes alors qu'un conseil européen s'est rassemblé cette semaine.
Les autres dont on parle moins
Parlons maintenant des autres partis. Derrière le PS se retrouve les centristes de l'alliance UDI-MODEM : ceux ci ont en effet réalisé autour de 10 pour cent ce qui est assez bon et dans les scores prévus. Un résultat légèrement mieux qu'en 2009 et qu'aux présidentielles 2012. Cette alliance du centre-droit avec le MODEM plutôt qu'avec l'UMP a fait mal à cette dernière : le centre peut-il être l'arbitre d'une éventuelle recomposition de la droite ? C'est ce que semble dire Alain Juppé qui voudrait une alliance droite-centre droit, mais rien n'est moins sûr.
Après les centristes se placent les écologistes d'EELV : leur score d'environ 8 pour cent ne leur permet pas de réitérer leur exploit de 2009 où ils talonnaient le PS avec environ 16 pour cent. Il faut dire qu'entre temps, Eva Joly avait réalisé à peine plus de 2 pour cent aux présidentielles de 2012. Il a fallu reconstruire après cet échec cuisant.
Le Front de Gauche est sans doute une des plus grande déception de ces élections. Relativement inaudible pendant la campagne, Jean-Luc Mélenchon a montré toute son émotion le soir du 25 mai sur France 2, déplorant le score élevé du Front National. Son score d'à peine plus de 6 pour cent est sensiblement le même qu'aux européennes de 2009 et la bulle de 2012 s'est dégonflée. Le poids de JLM semble se dégrader au profit de Marine Le Pen. Le Parti de Gauche est désemparé : que doit-il faire pour remonter cette pente d'ici à 2017 ?
Derrière le Front de Gauche arrive le parti Debout La République (Nicolas Dupont-Aignan) avec un peu moins de 4 pour cent : plus du double de ses résultats en 2009 et 2012, mais bien moins que son allié britannique Nigel Farage (United Kingdom Independance Party) qui a gagné outre-manche. Malgré la poussée du FN, DLR a réussi à augmenter son score mais n'a pas d'eurodéputé. L'enjeu sera pour les souverainistes de se démarquer du FN pour ne pas se faire aspirer.
Derrière encore, nous avons le nouveau parti Nouvelle Donne, créé par Pierre Larouturrou, ancien du PS et d'EELV. Recueillant 2,9 pour cent des suffrages exprimés, il s'agit d'un premier test électoral concluant pour cette scission du PS qui a probablement participé à la déroute du grand frère. Est-il une ressource pour le Front de Gauche ? Nous verrons cela ultérieurement.
Enfin, les habituels des européennes ont retrouvé leurs scores : Lutte Ouvrière est à environ 1 pour cent, tout comme l'Alliance Ecologiste Indépendante. Nous Citoyens est à un peu plus de 1 pour cent, Corinne Lepage (Europe Citoyenne) et Force Vie (Christine Boutin) ne dépassent pas les 1 pour cent. A noter la déroute du NPA qui fait 0,4 pour cent alors qu'il avait réalisé un score honorable en 2009 : 4,9 pour cent. L'Union Populaire Républicaine (François Asselineau) se contente de ses 0,41 pour cent qu'elle attribue à juste titre à une très faible exposition médiatique.
Des recompositions avant les prochaines élections
L'UMP de nouveau en difficulté
Dès le soir des résultats, les deux cadors de l'UMP ont parlé et exprimé des visions différentes : François Fillon souhaite qu'on s'interroge à l'UMP et qu'une rupture soit proposée, alors que Jean François Copé pense que le score du FN révelle la mauvaise gestion du pays. La guerre des chefs pourraient reprendre car le score de l'UMP fait du parti le second parti d'opposition et non plus le premier. Mais ce n'est plus 2 chefs qui s'affrontent mais plus encore. Alain Juppé se place également, prônant une alliance avec le centre plutôt qu'une droitisation. En effet l'ancien ministre a rappelé qu'il ne fallait pas que le président de l'UMP se présente aux présidentielles de 2017 et qu'il ne souhaitait pas devenir président de l'UMP en 2015. Une façon élégante et dire qu'il souhaite se présenter en 2017. Il souhaite aussi une plateforme commune entre l'UMP, l'UDI et le MODEM. De quoi faire grincer des dents Rachida Dati et rappeler qu'une telle alliance est difficile, notamment au regards des positions européennes. C'est peut-être une sage posture quand on entend Eric Zemmour rappeler que les alliances entre le centre et la droite n'ont que très rarement fonctionné sous la Vème République (seulement dans les années 1970 avec Giscard, mais l'extrême droite n'était pas si haute).
Comme si cela ne suffisait pas, s'ajoute à cela une nouvelle affaire qui risque de faire vaciller l'UMP : l'affaire Bygmalion. Cette histoire nous ramène en 2012, dans les coulisses de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy. La société Bygmalion a en effet organisé des meetings pour l'ancien président lors des présidentielles de 2012 et il faut ajouter qu'elle est dirigée par des proches de Jean-François Copé : Bastien Millot et Guy Alvès. Le problème est que cela aurait été l'occasion de faire de fausses factures aux sommes astronomiques pour contourner le plafonnement des dépenses de campagne qui était fixé à 22,5 millions par candidat et donc pour mener une campagne encore plus intensive mais aussi parfois pour des événements fictifs. Il faut aussi ajouter que l'argent gagné par la société Bygmalion a été dispersé dans diverses filiales. Dans cette histoire, Jérôme Lavrilleux (directeur adjoint de la campagne de 2012) a déjà assumé sa part de responsabilité et affirmé que ni Jean-François Copé ni Nicolas Sarkozy n'étaient au courant des fausses factures. Cependant, les liens entre le président de l'UMP et la société existent et ont d'ailleurs poussé ce dernier à démission de son poste de président mardi. Et si Nicolas Sarkozy est évoqué, il réussit toutefois bien à se défendre par personnes interposées qui affirment qu'il n'était pas au courant et en restant relativement silencieux sur le sujet. C'est sans doute cette attitude qui est la meilleure s'il veut revenir en politique, ce qui semble être de plus en plus plausible puisqu'il s'est prononcé juste avant les européennes. Christian Estrosi semble en tout cas prêt à soutenir l'ancien président lors du moment de son retour. Cette affaire peut aussi décevoir les militants de l'UMP d'autant plus que les comptes de campagne avaient déjà été invalidés en 2013, amenant une collecte de fond pour renflouer les caisses du parti à hauteur de 10,6 millions d'euros.
FN : en avant pour 2017
Malgré son score de 25 pour cent le destin du FN n'est pas tout tracé vers une victoire en 2017. D'abord parce qu'il lui faudra concrétiser cela par une influence plus grande en France et en Europe. La poussée d'autres partis eurosceptiques ne sera pas forcément d'une grande aide pour Marine Le Pen car l'alliance sera difficile au parlement européen. L'isolement du FN se transpose des institutions françaises aux institutions européennes. Aussi il faudra faire ses preuves dans un scrutin avec moins d'abstention et surmonter l'isolement français ce qui semble difficile. Enfin, il faudra tenir compte de l'évolution de l'UMP qui à défaut de résister à une crise latente depuis novembre 2012 sera peut-être remplacée par un autre parti qui tentera probablement de chasser sur les terres du FN sur certaines thématiques politiques. Pas sûr que le FN profite tant que cela d'une explosion de l'UMP qui ne serait peut-être pas si mauvaise si Sarkozy réussit à sortir de ses affaires et à créer un rassemblement autour de lui.
La gauche passera t-elle son tour en 2017 ?
Eric Zemmour pense que la gauche a poursuivi sa tendance à nourrir le FN pour casser l'autre parti de droite comme c'était déjà le cas dans les années 1980. Sauf que cette fois-ci, le jouet s'est cassé et a explosé à la figure du PS qui s'est prit de plein fouet la poussée frontiste. Et le Parti Socialiste n'est pas le seul à en faire les frais : les verts ont perdu en influence et le Front de Gauche et revenu à la case départ. Tout est à reconstruire pour un PS mais le contexte n'est pas favorable : François Hollande est toujours plus impopulaire et le "retournement" se fait attendre. Difficile de croire que le Front de Gauche lui viendra en aide, lui qui s'est constitué essentiellement par rejet du PS et qui pour se reconstruire ne peut faire grand chose étant de plus en plus rongé par des divisions internes. Est-il possible de trouver un terrain d'entente avec Nouvelle Donne ? Le PS ne peut pas non plus compter sur les verts qui sont maintenant critiques du gouvernement et ne sont plus vraiment dans la majorité. Le PS ne peut que compter sur une défaillance de la droite et une amélioration de fin de mandat pour espérer un second tour en 2017.
Pour conclure, on peut dire que ces résultats, additionnés à un contexte difficile pour les deux principaux partis de gouvernement ont eu un retentissement symbolique important dans l'opinion : le Front National se revendique comme le premier parti de France. Même si rien n'est fait et s'il faut rappeler que l'abstention était très importante, il faut être conscient des conséquences possibles de ces élections sur le paysage politique français qui pourrait bien évoluer d'ici à 2017... Une année d'élections présidentielle et législative qui pourrait bien ressembler à 2007... ou 2002.
Sources :
Agoravox TV
Huffington post
Nouvel Obs
France TV Info
Vin DEX