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Le Juif Süss

Publié le 29 mai 2014 par Olivier Walmacq

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genre: propagande
année: 1940
durée: 1h40

L'histoire: L'ascension politique de Süss Oppenheimer, riche francfortois devenu ministre du Duc Charles Alexandre.    

la critique d'Alice In Oliver:

Contrairement à ce que l'on croit, le cinéma n'est pas seulement un outil de divertissement. C'est aussi un outil de propagande. Hollywood nous le rappelle régulièrement avec ses blockbusters qui font généralement la promotion du soldat et/ou du super héros américain.
Certes, ce genre de propagande n'est pas bien méchante. On préfère en rire et qualifier ce genre de divertissement de nanar. Par le passé, et plus précisément dans les années 1930, au moment de la montée du nazisme, Adolf Hitler et Joseph Goebbels prennent conscience de l'immense potentiel du cinéma comme machine de propagande nazie.

Cela commence par des documentaires réalisés par Leni Riefenstahl, notamment Le Triomphe de la Volonté et Les Dieux du Stade. Ces deux films remportent un succès inattendu. A l'époque, les deux longs-métrages rencontrent même un succès critique.
Encore aujourd'hui, Le Triomphe de la Volonté et Les Dieux du Stade suscitent la polémique. Certes, l'idéologie prônée est au mieux abjecte et franchement gerbante. Pourtant, la réalisation, les moyens mis en place et les qualités techniques sont au rendez-vous. Hitler et Goebbels ne veulent pas seulement se contenter de documentaires réalisés à la gloire de la race aryenne.

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Désormais, il est temps de passer à la vitesse supérieure avec des "vrais" films. Le cinéma doit délivrer un messsage à des fins de propagande clairement antisémites. C'est ainsi qu'à partir de 1938, quatre films authentiquement antisémites sortent des studios : Robert und Bertram de Hanz Heinz Zertlett en 1939, Die Rothschild Aktien von Waterloo d'Erich Waschneck,Der ewige Jude de Fritz Hippler et Le Juif Süss de Veit Harlan en 1940. C'est de ce dernier film dont il est question dans cette chronique. Ce long-métrage est également l'adaptation de l'oeuvre du même nom de Lion Feuchtwanger. 
Le livre a remporté un grand succès littéraire, succès dont Goebbels compte utiliser (encore une fois) à des fins de propagande raciales.

Dès l'été 1939, toute une équipe travaille à l'écriture du script. Eberhard Wolfgang Möller, un nazi travaillant au ministère de la propagande, renforce le caractère antisémite du scénario. Veit Harlan est contacté par Goebbels pour participer à l'écriture du script et réaliser le film.
Le scénario est finalisé dans un contexte historique particulier. En septembre 1939, l'Allemagne a envahi la Pologne où vivaient des millions de Juifs. Le but est aussi de contrer l'impact du film Le Dictateur de Charlie Chaplin. Pour Hitler, sa politique est claire: il faut exterminer les juifs. Et c'est exactement le message véhiculé par Le Juif Süss.

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Le film bénéficie d'un gros budget, 2 millions de reichsmark, et d'excellents techniciens. Le film porte donc la marque directe de l'idéologie nazie. Goebbels insiste sur le fait qu'il est inspiré d'une « histoire vraie ». Ce qui est évidemment faux. Aussi est-il nécessaire de rappeler les grandes lignes du scénario. Attention, SPOILERS ! À Stuttgart en 1733, un juif ambitieux, Süss Oppenheimer, devient le ministre des Finances du faible duc de Wurtemberg.
Il parvient à s'infiltrer dans l'État grâce au prêt usuraire. Les notables refusent au duc les financements d'un opéra, d'un corps de ballet et d'une garde ducale et c'est Süss qui avance l'argent nécessaire.

Pour compenser ses dettes, le duc confie à Süss l'administration des routes du duché et les péages. Ceci provoque un renchérissement des denrées alimentaires, puis la spoliation directe des administrés parmi lesquels un forgeron du nom de Bogner.
Süss fait éventrer sa demeure qui gêne le tracé d'une route. Bogner est pendu pour avoir essayé de s'opposer à Süss. Les Juifs font ensuite leur retour dans la ville de Stuttgart
. Sous l’influence d’un rabbin, il fait du duché un paradis pour ses coreligionnaires. Pour faire face à l'opposition grandissante des habitants, il suggère au duc de supprimer la Diète du Wurtemberg. Il réunit pour cela une armée de mercenaires.

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On peut distinguer dans le film trois axes idéologiques majeurs : l'antisémitisme, l'antiféminisme, et une conception nazie de l'État et de la société civile. Toutefois, c'est vraiment le premier axe qui reste le message martelé en permanence par le film. 
A ce sujet, les insultes antisémites sont légion. Attention, je précise que les citations qui vont suivre sont celles tenues par le film et nullement mon propos. Des insultes telles que: "Sale juif !" ou encore "Vermine", pour ne citer que ces exemples, font partie du menu fretin. A juste titre, Le Juif Süss est souvent considéré comme l'une des descriptions les plus haineuses des Juifs dans l'histoire du cinéma.

Dire que ce film est profondément honteux, abject et haineux est un doux euphémisme. Pourtant, le long-métrage rencontrera un grand succès en Allemagne et à l'étranger, attirant au total plus de vingt millions de spectateurs en Europe. Après la guerre, le film est interdit dans tout le monde occidental. La plupart des copies sont détruites. Le réalisateur, Veit Harlan est jugé et se défend en argüant que les nazis contrôlaient son travail. Il s'en tire à bon compte malgré deux procès successifs.
En 1948, une commission de dénazification lave le réalisateur de toute culpabilité. Il peut recommencer à tourner à partir de 1950. Aucun membre de la production ou de l'équipe de tournage, aucun journaliste laudateur du film n'est inquiété.

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À partir de 1955, sa projection est de nouveau autorisée en RFA puis à partir de 1990 dans toute l'Allemagne réunifiée. Mais il est rare que le film soit projeté en dehors du cadre de colloques sur le national-socialisme. À chaque fois, sa projection soulève des polémiques et des protestations. Le film est toujours considéré comme le pire film raciste réalisé dans l'Allemagne nazie.
En l'occurrence, le propos du film est d'une violence inouïe. Süss et ses trois acolytes juifs sont sans cesse courbés. Il ont le teint mat et sont habillés en noir. Ce qui symbolise la fourberie. Ensuite, pour Veit Harlan, le juif est cupide, hargneux, nuisible, tricheur, manipulateur, menteur et même pervers !

Entre autres, Süss provoque ici la chute d'une communauté afin de servir ses propres intérêts, à savoir le retour des juifs sur la Terre Promise (ici Stuttgart). Pour y parvenir, il est prêt à utiliser les pires stratagèmes. Par exemple, il viole une femme encore vierge et fait chanter son père et son époux. Par conséquent, comme le juif est synonyme de malheur et de péché pour toute une communauté, le danger étant qu'il répande sa fourberie à travers le monde, il faut donc le chasser, le pendre et l'éliminer. Attention, encore une fois, et je le précise à nouveau, ce n'est absolument pas mon propos, mais celui du film. Je n'ose même pas le qualifier de gros navet.
Certes, au niveau des tags, vous trouverez l'expression "honte absolue", mais elle est encore trop faible pour qualifier ce "film". C'est un bien grand mot pour qualifier cette véritable "merde" (oui je sais, je suis encore trop élogieux) filmique. En l'occurrence, ce "film" montre à quel point le cinéma peut servir une idéologie dangereuse, néfaste et profondément antisémite.
Et encore, j'ai volontairement zappé dans cette chronique les aspects antiféministes du film, ainsi que sa conception nazie de l'Etat. Ce serait beaucoup trop long et finalement sans grand intérêt. Pas de note donc. Ce serait faire trop d'honneur à ce "film".


2/2 - Jud Süss - Le juif Süss - Français par confiteor-II


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