Les résultats des élections européennes sont sans appel, la France traverse actuellement une grave crise démocratique. Résignés, en colère, 27 millions de français n’ont pas jugé utile de se rendre aux urnes et près de 550 000 n’ont porté leurs suffrages sur aucune des listes qui leur étaient proposés. De son coté, le Front national est arrivé en tête avec 24,95% des voix soit 4,71 millions d’électeurs (1). Les raisons, nous les connaissons toutes: chômage, précarité, multiplication des scandales politiques, défiance envers l’Europe, dédiabolisation du Front national… L’heure n’est cependant plus au constat. La question sociale est une priorité. 69% des chômeurs et 65% des ouvriers ne se déplacent plus pour voter (2). Comment donc replacer le peuple au centre de notre démocratie?
L’abstention, ennemi N°1 du peuple
Résigné, je ne le suis pas, car des leviers existent aujourd’hui pour redonner vie à notre démocratie. Bien évidemment, les priorités sont économiques et sociales. Il ne faut cependant pas négliger, qu’au vu du profil sociologique des abstentionnistes, les classes populaires perdent, élections après élections, toute influence politique. Loin d’être une arme contre le Front national, l’abstention est aujourd’hui l’ennemi du peuple.
Il est donc temps, de renouer le lien entre le citoyen et le bureau de vote, car il est le seul garant de la démocratie. Certains militent pour rendre le droit de vote obligatoire. Je dois bien avouer que ceci me questionne aussi beaucoup depuis dimanche. Présentée de but en blanc, une telle réforme ne parait pourtant pas bien populaire.
En effet, à elle seule, elle ne peut être une solution envisageable. Elle doit nécessairement s’accompagner, comme en Uruguay, de la reconnaissance du vote blanc comme suffrage exprimé (3). Actuellement, en s’abstenant, le citoyen résigné ne fait que laisser les électeurs décider à sa place. Il subit la décision de la majorité des votants. L’association entre le vote obligatoire et le vote blanc redonne la possibilité à tout un chacun d’influer réellement sur le cours des choses.
Permettant, sous certaines conditions (4), d’invalider une élection, le vote blanc devient ainsi une véritable épée de Damoclès sur les épaules de tous les partis politiques en lice. En effet, il dote l’ensemble des citoyens d’un pouvoir semblable au droit de veto. Il impose donc une véritable pression sur les partis et leurs candidats, qui à l’heure actuelle se moquent bien de ne plus voir les citoyens se rendre aux urnes.
Le but n’est bien évidemment pas de favoriser ce vote blanc. Ainsi, pour que le choix des électeurs est un véritable impact et que nos élus soient réellement représentatifs de la volonté du peuple, il apparaît indispensable de rétablir la proportionnelle à toutes les élections. Favorisé par l’actuel mode de scrutin, le bipartisme est un fléau contre lequel nous nous devons de lutter.
Cette disposition ne fait cependant l’unanimité. Certains ont en mémoire 1986 et l’entrée de 35 députés FN à l’Assemblée. Résumant la proportionnelle à l’opportunité pour l’extrême droite d’entrer en masse dans l’hémicycle, ils empêchent ainsi toute réflexion constructive sur le sujet. Un tel raisonnement est particulièrement hypocrite, car si le Front national est dangereux pour la démocratie, pour la République, pour les droits de l’Homme, pourquoi l’autorise-t-on encore aujourd’hui à se présenter aux élections ? (5).
Redonner le pouvoir au peuple
Il est aujourd’hui essentiel de redonner le pouvoir aux citoyens. Pour cela, la mise en place d’un référendum révocatoire de mi-mandat, comme c’est actuellement le cas au Venezuela, est un formidable outil. Il donne lui aussi aux électeurs un pouvoir de contrôle sur l’action de leurs représentants. En effet, il permet, sous certaines conditions (6) de destituer un élu en cours de mandat. Avec une telle disposition, fini les promesses de campagne enterrées au lendemain de l’élection !
Dans le même ordre d’idée, il est nécessaire de mettre fin à l’opacité de l’attribution de la réserve parlementaire. En effet, députés et sénateurs disposent chaque année d’un budget destiné au subventionnement d’associations et de collectivités. Ce sont par exemple plus de 90 millions d’euros qui ont été distribués en 2013, soit 130 000 euros par élu. Cependant, ceci s’est fait dans le flou le plus total, facilitant allégrement conflits d’intérêts et clientélisme. Ainsi, afin de replacer l’intérêt collectif au centre de l’action politique, il apparaît primordial de confier la répartition de la réserve parlementaire aux citoyens (via les conseils de quartiers…).
Le renforcement de la souveraineté populaire passe aussi par une véritable association des citoyens à la chose publique. Là encore, des solutions existent. Il s’agit tout d’abord de la limitation du cumul des mandats en nombre et dans le temps. Un représentant du peuple ne doit plus être un élu "à vie", comme c’est aujourd’hui trop souvent le cas. Le renouvellement de la classe politique est une exigence démocratique fondamentale afin de favoriser l’implication et la représentativité des citoyens.
Localement et plus particulièrement dans les quartiers populaires, où se concentre une grande partie des populations étrangères et où les bureaux de vote sont désertés, il apparaît enfin comme fondamental de faire revivre la démocratie. Dans ce contexte, l’instauration du droit de vote pour les étrangers aux élections locales est un impératif.
Vote obligatoire, reconnaissance du vote blanc, proportionnelle, referendum révocatoire, attribution de la réserve parlementaire par les citoyens, interdiction du cumul des mandats ou encore droit de vote pour les étrangers, tant de dispositions que les gouvernements qui se succèdent au pouvoir enterrent les uns après les autres faute d’envie et de courage (7). Face à un tel état des choses, il apparaît nécessaire de changer de République.
Il y a un an, à l’initiative du Front de gauche, une manifestation pour la VI république rassemblait plus de 100 000 personnes à Paris. Une base populaire est donc prête aujourd’hui à se mobiliser pour cela. Les résultats des élections de dimanche dernier nous ont montré l’urgence de la situation. Nous devons aujourd’hui, mener une campagne de terrain sur ce sujet. Organiser des actions, des ateliers citoyens, des pétitions, des référendums, faire pression sur les élus, demander à ce que la réserve parlementaire soit confiée aux conseils de quartiers ou à des jurys citoyens (8)… Des solutions viables et applicables existent pour redonner vie à notre démocratie, à nous de nous en munir.
(1) Contre 6,4 millions en 2012.
(2) Dans ce contexte faire du FN le parti des classe populaires est une absurdité.
(3) 550 000 votes blancs aux européennes de dimanche dernier.
(4) Dans certains pays d’Amérique du Sud comme le Brésil, lorsque les deux tiers des suffrages sont blancs, l’élection est annulée.
(5) Dans les années 90, la question de l’interdiction du Front national traversait tous les courants de la gauche.
(6) Une pétition appelant au référendum doit au préalable recueillir un nombre minimum de signatures.
(7) On retrouve la plupart de ces propositions dans le programme du Front de gauche, l’Humain d’abord.
(8) Certains élus le font déjà aujourd’hui !