Lors de la présentation du prochain Parcours des Mondes la semaine dernière, la vue d’un masque insolite m’a interpelée.
Il y avait là un travail extraordinaire du métal, à la cire perdue ; des mains qui avaient su donner à l’expression du visage l’aspect d’une personne plus tout à fait humaine, peut être celui d’un médium déjà en route pour un voyage extatique.
La finesse et la richesse des parures conféraient à l’objet beaucoup de prestige alors que l’alliage probablement cuivreux le rendait intemporel et universel : vestige de royaume oublié ou trace d’une dynastie intersidérale. L’imagination est prompte à se saisir de ce type d’oeuvre pour prétexter explorer les confins temporels et spatiaux de notre humanité. Et c’est aussi ce qui me touche dans ces objets exprimant si intensément un pouvoir archaïque oublié.
Frédéric Rond (Galerie Indian Heritage), qui présentait ce masque, me donna des précisions : Issu du Tulu Nadu (état du Karnataka), celui-ci devait représenter un bhuta, mot sanskrit signifiant « esprit ».
Ses écrits précisent encore ses explications :
« Loin de l’adoration d’idoles animées, les cérémonies associées à ce culte, ou bhuta kola, se caractérisent par l’interaction des fidèles avec l’oracle qui reçoit le bhuta invoqué. Par l’intermédiaire de ce médium, le bhuta répond à des questions pratiques, règle des querelles et agit tel un juge dont le verdict rendu ne peut être contesté. L’usage de costumes métalliques (masque, plastron…) d’un poids très important vise à prouver l’état surhumain dans lequel se trouve l’oracle lorsqu’il réalise ses danses pour le moins aériennes.
Le médium bhuta est parfois soumis à de redoutables épreuves physiques (élévation par des crochets fixés dans la peau) pour prouver aux fidèles que, dans sa transe, il est habité par un être divin aux pouvoirs surnaturels.
L’origine totémique (tigre, sanglier, bufle…) de nombreux bhuta, plus tard réinterprétée par l’Hindouisme pour se l’approprier, est un argument tendant à positionner la naissance du culte des esprits avant la brahmanisation du Sud Ouest de l’Inde, soit plusieurs siècles avant notre ère… »
D’autres explications sont données dans ces documents de 2010 : Masques Bhuta et Masques Bhuta, de l’autel au piédestal écrits par Fédéric Rond.
Voir aussi la page : Asianart
Photos : Courtoisy @ Indian Heritage