Un texto que m'envoyait une jeune femme qui me tient à cœur, le 25 février dernier :
Dans la brume de Quiberon...
Deux gamins boules de glace...
Le port déserté, un couple se meut difficilement au bout d'une laisse.
Ce Silence... Entre deux langues d'écume vorace...
Entends-tu ?
La bateau glisse à présent vers ce camaïeu.
Il n'y a plus d'horizon ici, c'est à en faire mal aux yeux...
On le voit, le "petit nègre" n'est pas une fatalité SMS : il est tout à fait possible d'écrire, et de bien écrire, coincé entre les 160 signes (caractères + espaces) maximum généreusement accordés. Les contraintes, si fortes soient-elles, n'ont jamais empêché l'intelligence de s'exprimer que chez les personnes qui en sont vraisemblablement le moins dotées.
"Il n'y a plus d'horizon ici, c'est à en faire mal aux yeux..."
Une des conséquences des acouphènes et de l'hyperacousie (je ne citerai pas ici la surdité, qui ne me concerne strico senso que très peu) est de réduire l'horizon auditif à quelques mètres, quelques centimètres, parfois même de l'anéantir purement et simplement : un effort de concentration devient nécessaire pour entendre au-delà de cette cage. On ne perçoit plus alors qu'une réalité si proche, si vulgaire, qu'il devient impossible de se projeter.
Un tunnel. Long, sombre, et suintant d'une humidité grinçante. On ne sait plus par où l'on y est entré et l'on sait encore moins si l'on en sortira un jour. Car rien d'autre ne semble exister, sinon dans nos livres et nos souvenirs.
Expulser cette tension, cette oppression, briser ce carcan... Pour retrouver une absence. Une absence de son. Le Silence.
Ce Silence que je n'entends plus, Manon. Ce Silence que tu entends à nouveau après l'avoir perdu pendant deux longues années.
(Bateaux dans la brume à Quiberon, Jean Montemont. Huile sur toile. 50x65. 1952. Musée de Remiremont)