LE MONDE | 28.05.2014 Par Laurence Girard
Les produits bio gagnent du terrain en France. Selon les chiffres publiés mercredi 28 mai par l'Agence Bio, les achats des foyers ont progressé de 9 % en 2013, à 4,35 milliards d'euros. Mais ces produits, issus d'une agriculture qui se veut respectueuse de l'environnement, ne représentent que 2,5 % du marché alimentaire global.Le produit le plus plébiscité est sans conteste l'œuf, marqué d'un " 0 " sur la coquille pour le distinguer des autres modes d'élevage. En 2013, l'achat d'œufs bio par les foyers français a encore bondi de 8,7 % (les ventes d'œufs au total ont augmenté de 2 % l'an dernier). Une accélération, alors que les ventes avaient déjà gagné 6 % un an plus tôt. Désormais, selon le Comité national pour la promotion de l'œuf (CNPO), le bio a atteint la barre des 10 % sur ce marché en volume. En valeur, sa part est de 15 %.Le lait bio fait aussi une percée. En 2013, sur le segment des laits longue conservation, qui représentent l'essentiel des ventes en France, en recul de 2,5 %, le bio a progressé de 7,9 %. Il frôle la barre des 200 000 litres, après un bond de 37 % entre 2009 et 2013. Et s'arroge ainsi 7 % de la consommation globale, selon les chiffres du syndicat laitier Syndilait. En valeur, il représente déjà 10 % du marché.Puis viennent, selon l'Agence Bio, les fruits et les légumes, un rayon dans lequel le bio pèse 6 %, si l'on fait abstraction des bananes et des agrumes. Mais le plus fort taux de croissance sur les quatre dernières années est à mettre au compte des vins, dont les ventes ont bondi de 56 % sur cette période.Cette progression dans un marché alimentaire français plutôt morose s'explique, en partie, par un renforcement de la distribution et une présence accrue de ces produits dans les rayons des supermarchés. C'est le cas en particulier pour le lait, les produits laitiers et les œufs bio, dont les deux tiers des ventes se font désormais par ce circuit de distribution. Mais, s'agissant des fruits et des légumes mais aussi de l'épicerie, les enseignes spécialisées restent le lieu d'achat privilégié des foyers. Et c'est la vente directe auprès des producteurs qui progresse le plus. Elle bondit de 17,2 % en 2013. Elle est plébiscitée pour l'achat de fruits et légumes, de vin, sans oublier la viande ou le fromage. La recherche de produits de qualité bénéficie également au réseau de commerçants, dont les cavistes.Autre facteur de la progression du bio dans le panier de la ménagère : une augmentation très faible des prix. Elle serait limitée à 1 % en moyenne en 2013, selon l'Agence Bio. Certains tarifs ont même baissé. C'est le cas pour les œufs, dont les prix affichent un recul de 2 %, sur un marché pour l'œuf standard orienté à la hausse. De même pour le lait, en repli de 1 %, ou les jus de fruits (– 2 %). En revanche, les fruits et légumes affichent une hausse de 7 % en 2013, assez similaire à l'évolution des cours des produits conventionnels, et les viandes bovine et ovine de 5 %.La question de l'origine des produits bio se pose régulièrement. Surtout pour les Français, soucieux d'une consommation locale. En 2013, 25 % des produits bio qu'ils ont mis dans leur panier ont été importés. Un pourcentage qui reste stable. En parallèle, les exportations de produits bio d'origine française continuent à progresser pour atteindre 381 millions d'euros en 2013. Plus de 60 % de ce montant proviennent de l'exportation de vins bio.Le défi aujourd'hui pour la filière bio réside dans le renforcement de la production. Entre 2009 et 2011, une vague importante de conversions des agriculteurs vers cette agriculture plus respectueuse de l'environnement a permis de répondre mieux à la demande. En 2013, les surfaces certifiées bio ont progressé de 9 % pour atteindre 931 675 hectares. Et on a dénombré 25 467 producteurs engagés dans cette démarche. Un chiffre qui tient compte de l'adhésion de 2 000 nouvelles exploitations, mais aussi de l'arrêt d'un millier de fermes. " Depuis deux ans, nous notons un ralentissement du rythme des conversions ", constate Stéphanie Pageot, productrice de lait en Pays de la Loire et présidente de la Fédération nationale d'agriculture biologique (FNAB).C'est dans ce contexte que la FNAB tire la sonnette d'alarme. Dans le cadre de la future politique agricole commune qui entre en vigueur en 2015, les aides à la conversion sont bien en place, mais celles au maintien sont entre les mains des régions. Or, aujourd'hui, seules quatre d'entre elles les ont prévues dans leur budget. " Il y a un risque de déstabilisation de la filière bio avec de potentielles distorsions de concurrence. Et un risque de déconversion des agriculteurs bio vers le conventionnel ", explique Mme Pageot.Un signal considéré comme négatif alors que Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, avait lancé en 2013 un plan Ambition Bio, qui prévoyait un doublement des surfaces cultivées en bio en 2017 et une enveloppe moyenne pour la filière de 160 millions d'euros par an.
Laurence Girard