Au mois de mars, j'ai fait une belle rencontre, celle avec le maestro vetrai Giovanni Nicola.
Lors d'une petite soirée improvisée, nous avons fait connaissance et j'en garde un excellent souvenir.
À l'issue de ces moments de découvertes, à discuter de son art, Giovanni m'a invitée à venir le voir
à Murano, dans sa fonderie.
Le verre naît de la fusion d'un mélange à base de silice (sable de Fontainebleau, quartz, grès ou autre) et d'alcalis (soude et potasse).
Après avoir cherché un peu mon chemin à travers les bâtiments, je pénètre dans la salle des fourneaux.
Il me faut un peu de temps pour habituer mes yeux à la pénombre, j'aperçois Giovanni qui travaille
avec son équipe. Une lueur filtre à travers les hautes fenêtres ornées de vitraux colorés, le lieu ressemble à une cathédrale envahie de fours, d'outils rangés et luisants sur de petites tables.
Il fait chaud aussi, le fornace a sa gueule ouverte et je ne vois plus que lui !
L'ambiance est fascinante.
Hypnotisée par le ballet incessant de la pièce façonnée par l'un ou par l'autre, j'admire la précision des gestes de Giovanni jonglant avec elle, la précipitant dans le feu pour obtenir le résultat désiré.
J'en oublie presque de faire des photos, heureusement qu'il y a une autre paire d'yeux qui suit le spectacle.
Merci à toi Cleia.
Giovanni, dès son plus jeune âge, a appris le métier, comme son père et son grand père avant lui,
des gestes hérités de son Maître Archimede Seguso, avec qui il a travaillé jusqu'à la mort de celui-ci.
Aujourd'hui c'est aux côtés d'Antonio Seguso, le petit-fils, qu'il poursuit cet art magnifique.
Tous mes remerciements à Giovanni qui m'a fait un grand honneur en m'invitant au fornace.
quelques sources :
MANUFACTURE VETRERIA ARCHIMEDE SEGUSO (1946 –)
Fils du maestro Antonio Seguso (1884-1965), et descendant d’une famille active dans le travail du verre depuis le XVIe siècle, Archimede Seguso (1909-1999) fait lui-même ses débuts dans la profession à l’âge de treize ans. En 1933, il participe avec son père à la fondation de la firme Barovier Seguso & Ferro (devenue Seguso Vetri d’Arte en 1937), et y officie en tant que maître verrier de 1933 à 1942.
En 1946, il prend son indépendance et ouvre la Vetreria Archimede Seguso, dont il devient le principal designer, tout en conservant son activité de maître verrier. Sous son impulsion, la fabrique produit des sculptures de verre (modelées à chaud) et des pièces soufflées très raffinées. Remettant au goût du jour d’anciennes techniques vénitiennes (comme le filigrane et les baguettes zanfirico), ses modèles rencontrent immédiatement un vif succès (Merletto, 1951 ;Composizione lattimo, 1954 ; Piume, 1955 ; etc.). Bien qu’auteur de la plupart des modèles de la société, Archimede Seguso accueille aussi volontiers des designers indépendants (tels que Ricardo Licata, Giuseppe Santomasso, ou encore Charles Lynn Tissot), et ce, dès les années 1950. Durant les années 1960, la fabrique produit principalement des pièces de couleurs vives. Dès 1973, elle est cependant durement touchée par la crise, et doit restreindre pendant quelques années ses expériences créatives au profit d’objets plus classiques.
Archimede Seguso a participé à un grand nombre d’expositions (Biennales de Venise, Triennales de Milan et Liège, etc.). Plusieurs lui ont aussi été consacrées de son vivant : Il Maestro dei Maestri (1989), New York (Tiffany & C.), exposition organisée par l’association américaine Save Venice ; Archimede Seguso, Musée Otaru (1990, Japon) ; et I Vetri di Archimede Seguso (1991), Venise (Palais des Doges).
Devenu une véritable légende à Murano, Archimede Seguso a continué à pratiquer sa passion jusqu’à son dernier souffle (1999). Il n’avait pas manqué de transmettre son amour du verre autour de lui : son fils Gino (1938) est ainsi entré dans la société en 1959 comme administrateur ; son fils Giampaolo (1943) y a travaillé dès 1964, avant de la quitter pour fonder en 1993 sa propre entreprise (Seguso Viro) ; son petit-fils Antonio (1967) l’a assisté dès 1985 ; et son frère Angelo (1921), auparavant maître verrier chez Seguso Vetri d’Arte, l’a rejoint en 1988.
www.ville-ge.ch/musinfo/bd/ariana/catalogue/index.php
L'Art du verre
Pendant cinq siècles l'île de Murano a été le socle d'une industrie des plus florissantes, rivalisant avec les techniques du cristal de Bohême. Les fabriques de Murano, connues du monde entier, fournissaient à la Cour de France, à la Cour impériale d'Autriche, aux Cours des Duchés italiens, comme aux palais de Venise les plus beaux lustres de cristal polychrome ou les miroirs aux encadrements de verre taillé.L'art du verre fut pratiqué, en Europe, dès l'époque romaine. Il se développa sans doute à Venise vers le 10e siècle et y prit rapidement de l'importance, malgré le danger que représentait le fonctionnement des fours (fornace) dans une ville au tissu urbain très dense.
Le Natre
Il faut remonter vraisemblablement aux Egyptiens qui, par bateaux, transportaient le natre (natron) nom ancien donné au carbonate de sodium cristallisé servant à la conservation des momies. Ils l'extrayaient du lac de Natroun, en Basse Egypte, à l'état de dissolution.
En se trouvant sur une rive sablonneuse et en allumant un feu pour un repas ou pour la nuit, il a pu se faire incidemment qu'un contact se produise entre le natre et le sable et que les flammes favorisent leur fusion commune en une lave translucide se mettant à couler, avant de se solidifier en se refroidissant.
Le natre a joué le rôle de "fondant" à l'égard des composants du sable : silice, calcaire, potasse, soude.
Ainsi, des millénaires avant notre ère, la pâte de verre gagne peu à peu le Moyen-Orient, puis plus tard la Méditerranée et enfin Rome.
Au 10e siècle, Venise est à son tour conquise par l'expérience. Les premiers verriers s'installent dans la riche cité.
La qualité spécifique du sable de la lagune vénitienne, la qualité de l'air ambiant et le savoir-faire d'un peuple ingénieux et inventif ont pu donner naissance à un matériau prodigieux, mis au point pendant des siècles d'expérimentation qui a conduit à l'Art du verre.
Les techniques de production
Aux techniques de la création s'ajouteront la recherche à l'infini des formes, la recherche des colorations par les oxydes métalliques, les substances végétales, animales, et par les opacifiants.
Les couleurs et les pâtes célèbres sont pour quelques unes le rubis rouge sang, l'aigue-marine, la blanc de lait, l'aventurine pailletée de cuivre si difficile à réussir, le millefiori qui donne naissance aux perles.
Toutes les techniques atteignent la perfection : émail, gravure, filigrane, incrustation d'or, d'argent, de pierres précieuses.
Les matières premières, silice, soude, potasse, chaux, contenues dans le sable blanc, les opacifiants, les colorants, sont versés dans un creuset réfractaire déposé au centre du four, à la température de 1 400 degrés centigrades.
La boule incandescente, malléable, qui se forme est saisie à l'aide d'une canne creuse par le "cueilleur" ouvrier ou apprenti qui la passe au maître-ouvrier. En tournant la canne sur les bardelles, par torsion des poignets, avec des gestes presque sensuels, celui-ci façonne la masse vitreuse, l'étire à l'aide de pinces, la taille avec les ciseaux en éliminant les parties inutiles. Les outils sont restés les mêmes depuis des siècles.
Peu à peu l'ébauche prend forme. Il faut aller au four plusieurs fois pour maintenir la souplesse de la masse travaillée et soufflée par l'artiste.
A l'aide d'une truelle (paletta) l'objet, allongé, affiné par le soufflage se modèle, s'harmonise, s'unifie, se lisse dans une implacable précision de gestes, selon la volonté et l'imagination, jusqu'au résultat désiré.
Le savoir-faire des maîtres-ouvriers de Murano, transmis de père en fils fut de réputation unique au monde.
L'objet fini, refroidi, ira rejoindre les rayons d'exposition de la fabrique de verrerie.
Les chandeliers, vases, coupes, plats, gobelets, verres, pichets, ainsi que les petits sujets animaliers, les personnages colorés de la comédie italienne sont les représentants d'une fabrication banalisée de sujets stéréotypés dont les touristes sont friands. Les magasins sont nombreux dans les rues principales.
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