Jeanne Benameur nous propose deux monologues de deux personnages, un homme et une femme, chacun retranché dans des situations délicates poussant au déséquilibre. Leur raison s’en trouve affectée au point de provoquer un mal être important.
Je vis sous l’œil du chien relate l’histoire d’un homme confronté à la mort et au meurtre. Mourir, n’est jamais anodin. Et lorsqu’on est professeur de philosophie et qu’on vient de perdre son père et de trouver une arme à son chevet, il semble finalement assez normal de se poser des questions… mais de là à aller jusqu’à tuer ?
L’homme de longue peine est celui qui se retrouve en prison et que vient visiter une femme, artiste peintre. Leur rencontre se fait en prison, dans le cadre d’une expérience pilote. Un pacte secret lie ces deux personnages, censé préserver leur jardin intérieur, l’un trouvant dans ces rencontres un moyen de sortir de l’enfermement, l’autre tentant trouver une source d’inspiration. Mais la question de la liberté et de sa privation crée un profond malaise chez cette femme artiste qui ne peut s’empêcher d’être en empathie avec cet homme de longue peine. Si bien que les rôles semblent inversés : l’artiste s’enferre dans un espace mental obtus où la liberté devient une chimère.
Deux textes aux implications philosophiques indéniables qui invitent le lecteur / spectateur à se poser de multiples question sur le libre arbitre et le poids des émotions sur nos décisions et actes.
Extraits :
Je vis sous l'œil du chien :
La langue du chien n'a pas d'os.
Les dents du chien font craquer l'air. Refermée, sa gueule de molosse. La langue là-dedans qui s'enroule, se déroule, cherche une pauvre place contre les gencives, contre les crocs.
Longtemps il a hurlé. Tourné sur lui-même. Et puis la gueule s'est rouverte d'un coup. Et la langue alors, la langue tout d'un coup molle, vulnérable, fine, contre l'herbe. Sans défense.
Je me suis couché par terre. Ma tête à hauteur de sa tête. Tout près. J'étais arrivé.
Dans la tête du chien.
L'Homme de longue peine :
J'avais peur, tu sais. Quand je suis entrée, la première fois, dans l'enceinte de la prison, on dit ça "l'enceinte" c'est fou, comme j'avais peur. Les portes, les papiers à montrer, les portes encore et encore… Je me disais Comment on peut mettre des gens derrière toutes ces portes ?
Et lui.
Il était là, très droit.
Il m'attendait.
Tu ne peux pas imaginer Marianne, l'intensité de son regard. J'étais clouée. A ma pauvre liberté, clouée. Oh oui je pourrai sortir et retourner dans la rue, moi. Et pas lui. Mais la liberté, où ?
'Je vis sous l'oeil du chien' suivi de 'L'homme de longue peine', de Jeanne Benameur
En même temps que Profanes, son dernier roman loué à juste titre par la critique,les éditions Actes Sud ont publié un petit recueil non moins magistral de Jeanne Benameur qu'il ne faudrait pas...
http://l-or-des-livres-blog-de-critique-litteraire.over-blog.com/article-je-suis-dans-l-oeil-du-chien-suivi-de-l-homme-de-longue-peine-de-jeanne-benameur-116025179.html
Jeanne Benameur Jeanne Benameur
Jeanne Benameur est née en 1952 à Ain M'lila, en Algérie, mais sa famille va rapidement s'installer à La Rochelle en raison des violences de la guerre d'Algérie. Sa triple origine, algérienne...
http://www.franceinter.fr/personne-jeanne-benameur
Je vis sous l’œil du chien, suivi de L’Homme de longue peine
Jeanne Benameur, Actes Sud – Papiers, 2013 – 13,50 €