Une phrase courte, isolée
dans un paragraphe, ouvre chaque roman de Grégoire Delacourt. L’écrivain de la famille lui avait donné
une petite réputation: « A sept ans, j’écrivis des
rimes. ». La liste de mes envies
lui avait valu un énorme succès:
« On se ment toujours. »La première chose qu’on regarde
s’annonçait comme un best-seller avant même un procès dont on reparlera le 2 juillet : « Arthur Dreyfuss aimait les gros seins. »Si l’incipit
ne suffit pas pour faire un livre, il peut aider à y pénétrer, l’air de rien,
comme par inadvertance. Au risque cependant de se faire une idée trop rapide de
cet Arthur Dreyfuss, vingt ans, garagiste à Long, dans la Somme, l’air de Ryan
Gosling. « En mieux »,
ajoute volontiers Eloïse, la nouvelle serveuse chez Dédé-la-Frite. Quand Arthur
l’a vue, il n’a pas regardé ses seins. L’obsession n’était pas irréversible.La grande affaire de sa
vie ne sera pourtant pas Eloïse, la faute au routier trapu qu’elle a déjà
choisi comme amoureux. Elle s’appellera Scarlett Johansson, le jour où elle
débarque chez lui sans prévenir, désireuse, dit-elle, d’échapper quelque temps
à sa vie frénétique de star. Arthur n’en revient pas de la chance qui lui est
offerte : il s’agit quand même de la femme qui a été élue plus belle
poitrine d’Hollywood devant Salma Hayek et Halle Barry : l’obsession
n’était pas morte…L’histoire est bien sûr
trop belle pour être vraie. Scarlett s’appelle Jeanine et ne doit qu’aux
caprices de la génétique sa ressemblance avec l’actrice. Après avoir utilisé
son sosie pour entrer dans la vie d’Arthur, Jeanine comprend les limites d’un
amour dirigé vers une autre et souhaite redevenir elle-même. Arthur n’a rien
contre mais, les habitudes étant ce qu’elles sont, tous les éléments sont en
place pour engendrer un drame annoncé plusieurs fois.Grégoire Delacourt sert le champagne, fait
observer la légèreté des bulles grâce auxquelles on flotte agréablement dans
son roman. Mais la boisson est pleine de traîtrises et l’amertume est au bout
de la dernière gorgée.