Une hydratation quotidienne trop importante et c’est le risque de distension vésicale. Les conséquences possibles d’une distension vésicale ou d’une « vessie distendue » sont nombreuses, hypo-sensibilité et hypo-contractilité de la vessie, incontinence urinaire d’effort, instabilité vésicale, rétention urinaire vésicale, infections urinaires et inconfort hypogastrique. Or le diagnostic de distension vésicale ou de « vessie distendue » peut être évoqué facilement dès lors que les Apports Hydriques (AH) sont supérieurs à 2 litres par 24H. Tous les liquides doivent être comptabilisés : eau, boissons, café, thé, soupe, potage, etc. Un point sur les conséquences, le diagnostic et le traitement de la vessie distendue.
Les conséquences d’une distension vésicale sont multiples :
· Hypo-sensibilité : la vessie ne perçoit plus le besoin mictionnel et se laisse distendre.
· Hypocontractilité : la vessie distendue se contracte mal, ce qui induit une dysurie.
· Incontinence urinaire d’effort : la sensation de vessie remplie étant absente ou retardée, lors d’effort le patient ne pense pas à verrouiller l’urètre. La pression abdominale se transmet à la vessie qui fuit.
· Instabilité vésicale : une fois la vessie distendue, elle ne perçoit plus les besoins modérés B1 et moyens B2. Brutalement survient l’envie impérieuse B3 avec des contractions vésicales anarchiques qui entrainent des fuites.
· Rétention urinaire vésicale : la vessie devenant hypercompliante se laisse distendre, le détrusor distendu n’a plus la force de se contracter pour assurer la miction, d’où le diagnostic de rétention d’origine vésicale par défaut de contractilité du détrusor et non par blocage urétral.
· Infection urinaire : par stagnation des urines dans la vessie, avec le risque de reflux par les uretères avec pyélonéphrite.
· Inconfort hypogastrique : par étirement des parois de la vessie, ou lors des mictions par hypertonie urétrale (qui a pris l’habitude de se retenir).
Le diagnostic commence avec l’évaluation des apports hydriques. Si ces apports sont supérieurs à 2 litres de liquides quotidiens, on tente alors d’évaluer la fréquence mictionnelle ou l’écart entre 2 mictions appelé : Ecart Inter Mictionnel (EIM) qui est nettement supérieur à 2 heures. En cas d’infections urinaires récidivantes associées, les 2 phénomènes sont augmentés : apports liquidiens et diminution de la fréquence mictionnelle du fait des douleurs.
Le diagnostic est suspecté également à partir de la typologie de la patiente, généralement sportive, active, ayant recours à une hydratation importante et peu de mictions. Le registre du réseau Périnice, l’un des principaux réseaux de prise en charge transversale des troubles de la statique pelvienne et de l’incontinence urinaire et/ou anale de l’adulte (Nord-Pas de Calais), montre que 35% des patientes souffrant de troubles mictionnels ont une distension vésicale avérée.
Quelques examens simples pour confirmer le diagnostic :
1. Le Calendrier Mictionnel (CM) renseigné sur une semaine va confirmer les mauvaises habitudes mictionnelles avec un EIM supérieur à 2 heures et des apports hydriques (AH) supérieurs à 2 litres. La patiente devra noter l’heure à laquelle elle urine et la quantité de tous les liquides ingurgités sur 24 heures. La norme mictionnelle et hydrique est de 2 heures pour l’EIM et de 2 litres pour les AH. Ainsi, le CM appuie le diagnostic en renseignant sur :
· les apports hydriques (AH) ;
· l’écart inter mictionnel diurne (EIM) ;
· le nombre de levers nocturnes ;
· le nombre de fuites urinaires ;
· le nombre de protections nécessaires.
On s’attend aux résultats suivants: AH > 2 litres par 24H et EIM > 3 Heures.
2. Le Bilan Uro-Dynamique (BUD) peut confirmer ensuite de façon objective le diagnostic. On notera 2 anomalies dans la vessie distendue. D’une part, une nette augmentation de la capacité maximale de la vessie qui normalement est autour de 350 ml. Et une tendance à la flacidité de la paroi de la vessie qu’on appelle hypercompliance. Dans une vessie en bonne santé, la pression qui règne à l’intérieur augmente progressivement avec la quantité d’urine contenue dans la vessie. Ainsi la pression en cm d’eau augmente d’environ 10 pour un remplissage vésical de 300 ml. Le BUD va permettre aussi de constater un retard dans l’apparition des besoins, au fur et à mesure du remplissage. Une débitmètrie faible peut traduire le défaut de contractilité de la vessie lors de la miction. Le muscle de la paroi vésicale, le détrusor, en étant distendu se contracte de façon moins efficace lors de la miction. D’où des mictions en 2 temps ou avec un débit faible. Ainsi, le BUD confirme le diagnostic en montrant une vessie :
- hypercompliante (faible augmentation de la pression intra vésicale lors du remplissage et DP<10cmH2O pour 300ml de remplissage)
- hyposensible
- une capacité vésicale largement augmentée (au-delà de 400 ml)
- Et également des signes associés (dysurie, instabilité vésicale et/ou hypertonie urétrale).
Traiter la distension vésicale : Quel que soit le trouble mictionnel en rapport avec la distension vésicale, il faut commencer par traiter en premier la distension. Que ce soit l’incontinence urinaire d’effort, les impériosités urinaires, les cystites, cystalgies, infections urinaires, la dysurie, il est absolument nécessaire de faire en tout premier lieu de l’auto-rééducation vésicale (ARV).
Pour ce faire la patiente doit retrouver les bonnes habitudes hydriques et mictionnelles.
· Réduire les apports hydriques de manière à ne pas dépasser 1,5 litre par 24 heures tout liquide confondu,
· veiller à uriner au moins une fois toutes les deux heures la journée, quitte à aller « uriner à la montre » même sans besoin,
· s’aider du calendrier mictionnel pour s’aider à aller uriner régulièrement la journée,
· prendre soin de rester suffisamment longtemps aux toilettes pour vider complètement sa vessie.
Après 2 ou 3 mois d’auto-rééducation vésicale, la sensibilité au besoin urinaire va réapparaitre et il faudra être à l’écoute des besoins urinaires sans différer les mictions. Progressivement la vessie va reprendre son volume normal et retrouver sa sensibilité avec une perception du B1 plus précoce. Lorsque la distension vésicale diminue voire disparaît, cela entrainera de facto une diminution des symptômes urinaires. Uniquement avec les mesures d’ARV seules on peut faire disparaitre la totalité des symptômes dans 40% des cas.
Dans certains cas, des troubles mictionnels persistent, malgré une ARV bien conduite. Il sera alors temps d’envisager les autres traitements en fonction des symptômes. Mais il est déconseillé de commencer un traitement des troubles mictionnels sans avoir au préalable traiter la distension vésicale. En effet ces traitements seraient peu efficaces, inefficaces voire délétères en cas de distension vésicale négligée.
Attention : On ne posera pas une bandelette sous-urétrale sans traiter la distension vésicale avant. La bandelette sous-urétrale risquerait d’aggraver la distension et entraîner une instabilité vésicale pouvant être très handicapante.
Eviter les erreurs thérapeutiques
· Ne pas donner d’anti-cholinergiques ou d’alpha-bloquants qui n’auront aucun effet.
· En cas d’incontinence urinaire d’effort sur vessie distendue la pose d’une bandelette sous urétrale (BSU) va accentuer le phénomène de distension par blocage urétrale. C’est seulement après au moins 3 mois d’ARV, que l’on peut envisager la pose d’une BSU qui devra être trans-obturatrice car moins dysuriante.
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Source/auteur: Dr Richard Matis, Gynécologue-obstétricien, Groupe Hospitalier de l’Institut Catholique de Lille (GHICL) et équipe de rédaction Santé log (Visuel© Chepko Danil – Fotolia.com)