C’est avec un peu d’étonnement que j’ai appris que Hollande allait intervenir sur les médias, étonnement qui s’est rapidement mêlé de consternation en entendant ce que le président avait à dire. Cela méritait-il vraiment d’interrompre toutes les rotatives et tous les journalistes en radio ? Franchement, je me demande.
Après avoir passé un petit savon sur les électeurs du FN, qui n’ont vraiment pas été gentils, lui font mal à sa France et mettent ce beau pays, le phare de la Liberté et des Droits de l’Homme, dans une sale posture vis-à-vis des autres membres européens, Hollande a fermement décidé de faire porter le chapeau à son prédécesseur et à la conjoncture très difficile (mais surtout pas lui), puis s’est fixé comme mission de réformer la France et de réorienter l’Europe, parce que bon, ça suffit à la fin, maintenant, c’est décidé, il faut faire des choses.
Voilà donc le capitaine de pédalo qui annonce vouloir agiter ses petites cannes de serin pour draguer derrière lui tout le paquebot européen. On y croit très moyennement, d’autant moins que son frêle esquif a encore rétréci au lavage électoral, et ne mesure plus guère qu’un petit 15% (si on oublie l’abstention, et 6.1% sinon). Mais il y tient : avec sa nouvelle légitimité turgescente et vigoureuse, il va réorienter l’Europe, d’autant plus qu’il va mener une réforme du Tonnerre De Brest en France, vous allez voir, ça va cogner du chaton mignon.
Oui, vous avez bien lu (et pour les plus courageux d’entre nous, vous avez bien entendu), il entend réformer la France à grand coup de plans d’actions, de pactes trucs et de dépoussiérage institutionnel machin. Cette affirmation soudaine à vouloir changer les choses interroge. D’une part, on se demande pourquoi il ne s’y est pas mis plus tôt. Même en imaginant qu’il lui ait fallu un an pour prendre la mesure de l’ampleur de la crise, la deuxième année aurait largement dû être consacrée à mettre en place les réformes structurelles qui permettraient, justement, de relancer la croissance, ou, au moins, de stabiliser la situation, arrêter l’hémorragie d’emplois, de reboucher les paniers percés des administrations, bref, insuffler un vrai vent de réformes profondes.
D’autre part, on attend toujours les détails de ses pactes divers et variés, annoncés pour certains depuis la fin de l’année dernière. Si la mise en place des réformes demandera bien évidemment du temps, annoncer précisément de quoi il va retourner n’en prend guère, et composer des grandes lignes pour préparer l’opinion à ces réformes ne nécessite surtout que du courage. Les données, on les a depuis des lustres. Les domaines d’actions sont connus. Les méthodes ne sont, malheureusement, pas pléthore et les marges de manœuvre ont même tendance à se réduire, ce qui laisse peu de place aux tergiversations chronophages. Mais apparemment, l’actualité a été trop chargée ces derniers temps puisque nous n’avons eu ni les grandes lignes, ni le détail de ces réformes, juste leurs noms sous forme de slogans publicitaires et de jingles acidulés.
Et du côté européen, il prétend pouvoir réorienter tout le paquebot Europe. On se demande où il est allé pécher une idée pareille, mais deux petites secondes de réflexion montrent qu’il ne le pourra pas. D’abord, parce que le Parti Populaire Européen (la droite européenne, donc) a toujours la dragée haute. Ensuite, il faut bien admettre qu’actuellement, ceux qui ont le vent en poupe, ce sont largement plus les anti-européens que les pros, et certainement pas le PSE (parti socialiste européen) qui a perdu pas mal de sièges et n’a toujours pas la majorité au parlement. Et enfin, les récentes élections, toutes bleues marines furent-elles, n’ont pas changé la donne européenne : les équilibres sont identiques, les gugusses sont globalement les mêmes. Hollande n’a rien pu réorienter en deux ans d’Europe, on ne voit pas ce qui pourrait changer maintenant. Et ce n’est certainement pas avec sa nouvelle crédibilité qu’on n’aperçoit plus maintenant qu’avec un microscope à balayage électronique qu’il va pouvoir déclencher autre chose que des sourires amusés parmi ses collatéraux à Bruxelles.
Avant même d’avoir entendu le chef de l’Exécutif s’exprimer sur les résultats de campagne, il était légitime de se demander s’il y avait réellement matière à commenter de sa part.
Après tout, le peuple, souverain, a voté, et a mis une solide calotte aux partis de gouvernement : il n’y a guère à discuter. Après tout, l’élection implique des députés européens, et si elle est probablement un défouloir pour les électeurs, ne change pas l’équilibre des forces en présence dans le jeu national : il n’y a donc en France rien qui change fondamentalement. Après tout, le bonhomme est en place pour encore trois ans et peut, si cela sent vraiment le roussi, dissoudre l’assemblée ; moyennant le scrutin à deux tours, il aurait probablement une droite pas trop extrême en face de lui pendant le reste de son mandat, ce qui sera amplement suffisant pour la griller définitivement et être réélu quasiment dans un fauteuil. Bref : même un échec pareil ne le remet pas directement en cause.
Alors, sérieusement, pourquoi a-t-il pris la parole ?
Quel conseiller à moitié débile lui a proposé une manœuvre aussi délicate, et pire, quel hydrocéphale lui a pondu un texte à ce point navrant ? Prendre la parole devant le peuple à la suite d’une telle rouste demande effectivement du courage, mais cela se transforme en pure inconscience si c’est pour ensuite se placer, encore une fois, dans un nouveau piège rhétorique. C’est à se demander si Hollande, parfaitement conscient de son inamovibilité, ne se moque pas ouvertement du peuple français. Alternativement, il est totalement inconscient du décalage de son attitude par rapport à ce qui est demandé et ne comprend pas qu’ajouter une grosse louchée de langue de bois sur la débâcle de dimanche ne fait qu’attiser l’irritation générale, tant chez ses opposants que, pire, chez ses partisans (dont le nombre continue de diminuer).
De façon claire, prendre la parole pour un résultat aussi calamiteux laisse pour le moins perplexe. Si l’on écarte la possibilité qu’il ait lancé cette idée en l’air, pour rire, entre deux tartines au petit-déjeuner, et que tout son staff, aussi servile que perdu, ait embrayé aussi sec, on est forcé d’imaginer que cette prise de parole répond à une stratégie particulière. Bien évidemment, on en sera réduit aux pures spéculations, mais peut-être le message d’hier ne s’adressait-il finalement pas aux Français. Peut-être était-il plutôt dirigé vers l’extérieur, ce monde qui nous regarde un peu, consterné par les résultats, et que Hollande a bien maladroitement tenté de rassurer, tant sur le plan politique que sur le plan économique avec ses promesses de réformes, pour l’instant sans substance concrète. Peut-être aussi ce message s’adressait-il à ses propres troupes sur le mode « Tenez bon, j’ai compris qu’on barbotait dans le purin, on va s’en sortir », impossible à faire avaler.
Difficile à savoir. La seule impression qui surnage est que le chef de l’Exécutif semble s’être fait dicter sa conduite par un parti tiers, qu’il est balloté par les événements et ne montre aucun signe de savoir où il va… mais qu’il y va quand même, à tout hasard.
Vraiment, tout ceci n’est pas très rassurant.
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