Je vous avouerai que, lorsque j'ai su il y a quelques années que la fille de Françis Cabrel suivait les traces de son père et se lançait elle aussi dans la chanson, ma réaction fut des plus perplexes: oh non, encore une fille de qui réussit grace à ses connexions alors que tant d'autres artistes galèrent à côté?
Et, à l'écoute de ce premier album sorti en 2011, et intitulé assez intelligement Oserais-je?, mes doutes ne s'étaient pas vraiment éteints : sans grande aspirité, avec une voix jolie mais un peu monorde, et des recherches musicales allant de l'éctro au rock, ce premier album manquait de cohérence et d'unité musicale, et ne faisait pas vraiment taire les sepctiques un peu irrités à l'idée qu'une nouvelle fille de vienne truster la scène musicale.
On devinait que la demoiselle de 25 ans avait un potentiel, notamment dans l'écriture de ses textes, mais elle cherchait tant à prouver qu'elle pouvait vivre sans l'ombre de son père que ses propositions musicales laissaient un peu l'auditeur de coté.
Trois ans après, Aurélie Cabrel a désormais 28 ans (logique, non?) et elle revient avec un album "A la même chaine", cette fois-ci entièrement dédié aux sentiments amoureux. Et là, pour avoir écouté l'album qui est sorti hier (grâce à l'agence Rise Up), je dois dire que j'ai largement révisé mon jugement tant cet opus fait bien plus maitrisé aussi bien vocalement que musicalement ou au niveau des textes.
Enregistré sous le label Sonymusic et tout proche de sa ville natale, A la même chaîne est, encore une fois, l’œuvre d’une collaboration entre Aurélie et son ami le musicien belge Esthen qui a composé douze morceaux.
Dans ce second album, Aurélie assume beaucoup plus sa veine variété française et assume surtout beaucoup plus l'influence paternelle, tout en s'en démarquant également. Un père qui lui a écrit d'ailleurs trois très beaux textes, à commencer par le single "Bref s'aimer" pour des chansons qui arrivent totalement à se fondre dans l'univers d'Aurélie Cabrel, un univers plein de sensibilité et de douceur.
Un père à qui elle lance un vibrant hommage, pour le dernier morceau de l'album Je ne suis pas jalouse, coécrite avec Oliver Béranger et dans laquelle elle dit son acceptation de partager son père avec le public. Un recul et une maturité qui l'honore pour une artiste toute en humilité et en franchise, comme l'entrevue de plus d'une demi heure que j'ai eu avec elle au téléphone la semaine passée le laisse largement entrevoir.
Aurélie Cabrel est une artiste simple et attachante, avec au bord des lèvres un léger d'accent du Sud Ouest qui a rendu cette conversation si agréable ...
Elle avait passé l'après midi à répondre au téléphone aux journalistes, a du entendre 1000 questions, mais n'a éludé aucune des miennes , même celles sur son père qui doivent un peu lui gaver à force de les entendre)... Sans plus attendre, je vous livre le compte rendu quasi intégral de cette longue entrevue téléphonique
Rencontre exclusive avec Aurélie Cabrel, pour son nouvel album A la même chaine:
Baz'art : Tout d’abord, quelle est pour vous la signification pour vous du titre de l’album « à la même chaine »…Dans une première approche, certes un peu négative, j’avais tendance à penser que vous vouliez dire quemême les plus libres d’entre nous sont enchainés les uns avec les autres, mais en écoutant le titre du morceau éponyme de l’album, vous semblez opter pour une version plus positive, qui implique la nécessité d’être solidaires les uns aux autres ?
Aurélie Cabrel : Oui, effectivement, vous n'êtes pas bien optimiste comme garçon, j’espère que toutes vos questions ne seront pas aussi sombres que celles ci (rires)…Non, évidemment, c’est bien plus la seconde approche que j’ai voulu dire avec ce titre, c’es l’idée qu’on est rien les uns sans les autres…Dans cette société où tout va à 1000 à l’heure, ou on n’a plus le temps de souffler, c’est important il me semble de se dire qu’on peut encore compter les uns sur les autres et qu’on fait tout partie de la même chaine de la vie..
Baz'art : L’album sort d’ici quelques jours (au moment de l’itw)…et j’aimerais connaitre votre état d’esprit à cette veille de sortie… est ce que au jour d’aujourd’hui vous vous êtes fière du résultat et vous assumez à 100% le travail ou bien vous regrettez les quelques concessions incontournables que vous avez forcément du réaliser?
Aurélie Cabrel: Ah oui, je suis très très fière de cet album, je l’assume à 100%, bien plus que le premier, et j’en suis très heureuse…De plus, jusqu’à présent, je n’ai eu que des retours très positifs- bien meilleurs que pour le premier album justement- de tous ceux qui l’ont écouté, et notamment des médias, et forcément cela donne confiance.
C’est un album plus réfléchi que le premier, aux mélodies certainement plus abordables et aux textes plus travaillés avec bien plus de matière… Sincèrement, j’y ai beaucoup plus trouvé l’identité musicale qui me corresponde, donc tout cela fait que, même s’il y a un stress inhérent à toute sortie d’album, je suis plutôt confiante et fière du travail que nous- mon réalisateur et compositeur Esthen et moi- avons accompli sur cet opus…
Baz'art : "A la même chaine" aborde pratiquement, dans tous les morceaux, le thème du sentiment amoureux …alors même qu’il y a trois ans lors de la parution de votre premier album vous proclamiez ne surtout pas vouloir que faire des chansons d’amour…pourquoi un tel revirement ? Parce que ce thème est très présent dans votre vie actuelle ? Ou bien est ce du à l’influence de votre père qui a souvent abordé ce thème dans ses chansons et qui vous a d’ailleurs écrit 3 chansons d’amour ?
Aurélie Cabrel: En fait, cette phrase que j’ai prononcée sur le fait que je ne voulais pas faire qu’un album sur des chansons d’amour, c’était plutôt une boutade que j’ai sorti lors de la promo de mon premier album, mais c’était effectivement un peu pour dire que mon père avait tellement écrite de si jolies chansons d’amour que je voyais mal aller le concurrencer sur ce terrain là..
Et puis, finalement au fil des années, des expériences passées, on change, on murit, on a sa propre vie d’être humain, et forcément l’amour, le couple est des composantes essentielles de cette vie, et les chansons d’amour viennent forcément en correspondance avec ce que je vis…
Cependant, je ne suis pas totalement d’accord lorsque vous prétendez que l’album n'est composé uniquement que de chansons d’amour…il n’y en a finalement pas tant que cela, et je le verrais en fait plus comme un album sur les relations humaines, l’amitié, et également un album qui reflète la société actuelle, le terme chansons d’amour me parait vraiment trop restrictif
Baz'art : Vous avez déclaré avoir enregistré votre second album « en chaussons et pyjama »… est ce que cela signifie que vous n’aviez aucune pression parce que vous enregistriez à Agen tout proche de chez vous, comment se manifestez concrètement cette simplicité que vous revendiquez totalement ?
Aurélie Cabrel:Je l’ai dit car cela est la stricte vérité… littéralement, cet album a été enregistré de cette façon (rires).
Et au delà de la formule, je ne revendique rien du tout, mais je tenais vraiment à ce que cet album soit enregistré effectivement chez moi, dans mon Sud Ouest, et la pré production carrément dans ma petite maison, donc je voulais insister sur le fait que tout s’était déroulé dans la joie et la bonne humeur, sans contraintes d’horaires ou d’apparence, si le brushing était pas totalement nickel, c’était pas bien grave, ce n'est pas cela du tout qui important mais bien de créer l'ambiance idéale pour enregistrer dans les meilleurs conditions possibles ce disque…
Baz'art : On a l’impression que par rapport à votre premier album, qui cherchait plus à vous démarquer de votre héritage paternel, vous vous posez moins de questions sur votre légitimité en tant qu’artiste et que vous vous assumiez plus ? Qu’en pensez-vous ?
Aurélie Cabrel: Oui, totalement, j’assume totalement beaucoup plus cet album que le premier… pour le premier, après avoir passé plusieurs années à manager un groupe et à vivre dans l’ombre des groupes j’avais forcément quelques interrogations sur ma légitimité en tant qu’artiste et j’avais l’impression de plus prouver quelque chose aux autres et de moi penser à moi…
Désormais, je possède plus d’expérience- que ce soit expérience par rapport aux médias, à la scène ou autre..- je pense avoir trouvé mon identité musicale, j’ai plus « roulé ma bosse », tout cela fait que je m’assume pleinement en tant qu’interprète.
Baz'art : Tous les morceaux ont été composés par le musicien Esthen, un artiste belge qui avait déjà collaboré sur le premier et avec qui vous êtes très proche ? Qu’est qui vous rapproche dans vos affinités artistes et comment concrètement se déroule la collaboration ?
Aurélie Cabrel:Esthen, c’est une magnifique rencontre que j’ai faite en 2007 lors des rencontres d’Astaffort (qu’organise son père tous les ans)…c’est un auteur compositeur interprète belge effectivement pas mal connu la bas, et on s’est très vite aperçus en discutant ensemble qu’on était sur les mêmes longueurs d’ondes et qu’on était en totale fusion, musicalement parlant. Depuis 2007 on ne s’est plus quitté, il a réalisé et composé l’intégralité de mon premier album, et pour le second, il en a composé 11 des 12 morceaux…
Ce qui est génial avec lui, c’est à quel point on est complémentaires… on a des gouts musicaux a priori plutôt différents, il a une culture de chanson française et de pop française et anglo saxonnes) très pointue, alors que moi je serais, paradoxalement (vu mon pedigree), plus axée sur les musiques du monde ou le jazz…et du coup, on mélange nos goûts respectifs et il arrive, avec sa patte de réalisateur, à donner une couleur au projet qui nous corresponde à tous les deux …
Et, plus concrètement, par rapport à notre mode de fonctionnement, il faut savoir que je ne suis pas musicienne de formation, mais que 95% du temps je suis très sure de moi concernant mes envies au niveau des habillages musicaux de tel ou tel texte, donc, forcément il y a des discussions parfois enflammées entre nous mais on parvient toujours à un résultat final qui nous satisfait entièrement tous les deux.
Baz'art : L’album « à la même chaine » sonne plus variété que le premier (qui était un peu plus rock ou électro par moments), mais une variété de grande qualité…est ce que c’était aussi un choix pleinement assumé et là encore une volonté consciente ou inconsciente d’assumer votre descendance, vu que votre père est un des plus éminents ambassadeurs de la chanson française ?
Aurélie Cabrel : Non, je n’ai pas du tout raisonné de cette façon, je ne me suis pas dit, « je vais faire un vrai album de variété française car maintenant j’assume ma descendance »…
Ce qu’il faut savoir, c’est qu’on a écrit les chansons en guitare voix à chaque fois, et que contrairement au précédent, qui était plus construit sur mon identité musicale, ici il a plus été construit autour de mon identité vocale, avec une préoccupation importante lié au positionnement de ma voix… donc forcément, cela a impliqué des mélodies plus douces, moins rocks…mais franchement on ne s’interdisait rien ni l’electro ni le rock c’est juste qu’ils avaient moins leurs places dans les morceaux tels qu’ils avaient été construits…
Baz'art : Quelles sont justement vos références en matière de variété françaises…certaines chansons dans les textes et la voix peuvent faire penser à Zazie…est ce notamment une influence que vousrevendiquez ?
Aurélie Cabrel : On me pose souvent cette question des influences ( NDA: je suis pas original du tout, désolé), et à chaque fois je suis un peu embarrassée car j’ai tendance à dire que j’écoute de tout, ce qui est vraiment le cas.
Mais sinon, concernant Zazie proprement dite, oui, effectivement elle a beaucoup compté pour moi…j’ai découvert cette artiste pendant mon adolescence, et j’ai énormément écouté ses albums…j’ai énormément de respect pour cette artiste et pour elle en tant qu’être humain, elle donne l’impression d’assumer tout sans concessions et sans jamais se prendre la tête…donc forcément, j’imagine qu’elle a influencé inconsciemment mes textes et peut-être aussi certaines inclinaisons vocales, mais je n’ai évidemment jamais cherché à l’imiter..
Baz'art : Votre père vous a écrit 3 textes contrairement au premier album… est ce que vous qui lui avez demandé expressément d’écrire ces chansons pour vous ? Par ailleurs, est ce que dans ces trois textes, la vision que votre père a de vous et de votre sensibilité vous a-t-elle surprise ?
Aurélie Cabrel :En fait çela s’est fait de la façon la plus simple du monde…Non, je ne lui ai rien demandé expressement, ce n'’était pas du tout dans mes intentions, les amalgames sont si rapidement faits et j’étais vraiment partie pour suivre mon chemin toute seule comme sur le premier album, et puis un jour, sachant que je préparais un nouvel album, il m’a dit « écoute j’ai 6 chansons à te proposer, qui pourraient bien te correspondre, est ce que ca te dit de les entendre ou pas »…évidemment, j’ai dit oui, et de ces 6 j’en ai retenu 3 qui me parlaient le plus…. Et ensuite on en a plus reparlé et mon père a su seulement en pré production que j’avais retenu trois de ces textes… vous le voyez, c’était vraiment une relation d’auteur à interprète et non pas du tout de père à fille…
Quant à la surprise que je pourrais avoir en écoutant ces textes, disons qu’on se connait tellement intimement que la surprise n’est pas si énorme que cela, par contre, ce qui m’a vraiment surpris, c’est à quel point il a su se fondre dans mon univers… Quand on écoute « Bref s’aimer », le premier single de l’album qu’il a écrit, je défie quiconque de deviner qu’il s’agisse d’un texte de Françis Cabrel si on l’ignore, cela sonne bien plus comme du Aurélie Cabrel (ceci dit, en toute humilité), et cela, j’en suis évidemment ravie…
Baz'art : A propos de textes d’un auteur connu qui s’est parfaitement fondu dans votre univers, j’aimerais revenir sur « à quoi tu rêves » ?, le morceau que vous a écrit de Grand Corps malade est également très beau et éloigné de ses thématiques habituelles…et d’après ce que j’ai lu sur votre collaboration, vous vous êtes très rencontré avant, vous avez osé lui parler après un concert qu’il a fait aux rencontres d’Astaffort et lui demander en toute humilité s’il pouvait écrire pour vouset 3 semaines …comment a-t-il fait pour écrire un texte qui vous corresponde autant sans vraiment vous connaitre ?
Aurélie Cabrel : Alors cela, il faudrait plutôt le lui poser directement la question (NDA: j’aimerais bien :o), pour moi je considère juste que cela appartient à la magie des grands artistes…Grand Corps Malade possède cette fluidité d’écriture qui fait qu’il peut écrire pour quelqu’un juste avec l'image qu'il a de lui. Il a accepté très gentiment ma demande car il avait déjà enregistré un duo avec mon père- le très beau La traversée présent sur le dernier album de GCM- et qu’il considère que la musique est avant tout un échange…
En effet, le texte qu’il a écrit est effectivement très beau, je trouve la chanson vraiment géniale, elle véhicule une ambiance sombre, mais pas triste pour autant, et il était important de soigner son habillage musical avec un univers un peu à la Porthishead avec quelques grosses batteries en toile de fond…après, je ne le trouve pas si éloignée que cela des autres textes qu’il écrit, c’est juste qu’il n’y a pas son phrasé slam habituel pour la servir…
Baz'art : Vous parliez d’amalgame tout à l’heure que font les gens dès qu’ils entendent votre nom…et justement, votre père vous a écrit 3 chansons et vous allez chanter en première partie de votre père le 28 juin pour l’inauguration du centre des congres d’Agen… est ce que vous n’avez pas peur que cela va prêter le flanc aux critiques qui disent que vous devez avant tout votre carrière à Francis ?
Aurélie Cabrel : Oh ca, si vous saviez à quel point j’en ai marre de me battre contre des moulins à vents…c’est sur qu’il y a des commentaires désobligeants, notamment sur les réseaux sociaux; j’ai lu des trucs assez violents encore dernièrement, mais que voulez vous, si ces personnes ont du temps à perdre à dénigrer qu’elles le fassent, dans ces cas là je like leurs post pour leur donner un peu d’attention, mais je préfère largement passer mon temps à m’intéresser aux centaines de commentaires très encourageants que je lis à coté…
Si lors de mon concert du 28 juin les gens ne veulent pas me voir, qu’ils viennent seulement voir mon père en seconde partie, pas de problème… vous savez j’ai la chance d’avoir une vie à coté, donc les méchants et les aigris, franchement, j’arrive à avoir le recul nécessaire pour que cela ne me touche pas plus que cela.
Baz'art : A propos de la scène justement, est ce que c’est un milieu dans lequel vous êtes à l’aise et pensez vous que vous allez prendre plus de plaisir sur cette tournée la que sur la précédente ? Et question pour nos lecteurs lyonnais, des dates sont elles prévues sur Lyon ?
Aurélie Cabrel : Ah oui j’adore la scène, ma tournée commence après l’été, et je meurs d’envie d’y retourner…je fais ce métier avant tout pour la scène c’est cela qui me fait entièrement vivre, donc j’y prends un maximum de plaisir…
Quant aux dates prévues, tout n’est pas encore totalement fixé, c’est actuellement en cours de discussion, donc pour Lyon ou pour les villes qui vous inèeressent, je vous conseille d’aller voir régulièrement sur le site pour connaitre la date exacte de ma venue.
Baz'art : Dernière question, un peu plus personnelle… Vous avez deux autres sœurs cadettes, est ce qu’elles aussi marchent sur les traces de papa, et ont été prise également par le virus de la musique ou bien s’orientent-elles sur des chemins différents?
Aurélie Cabrel : Alors, en fait, la plus grande des deux n’est pas du tout dans le milieu, mais dans le tourisme et l’événementiel donc rien à voir…et l’autre par contre pourrait parfaitement prendre le virus de la musique vu qu’elle chante tout le temps mais elle n’a que 9 ans donc on va attendre un peu avant que cela ne se confirme ou pas… (Rires)
Merci beaucoup Aurélie pour votre franchise et votre disponibilité... et en espérant que cet album saura rencontrer le succès qu'il mérite, je vous laisse avec un autre extrait de l'album, un des morceaux dont Aurélie Cabrel est la plus fière- à juste titre, et qui résume parfaitement son état d'esprit et sa personnalité. Voici donc pour bien commencer votre mardi matin le très beau "C'est pourtant pas le paradis".