Le jardin d’Ottilia Iten se trouve sur une île située, près des cantieri, dans la zone la plus occidentale de La Giudecca, que l’on appelle Palanca, du nom de cette monnaie qui servait autrefois à payer le passage en traghetto depuis Venise.
C’est le dernier d’une série de jardins cachés derrière des murs, qui se succèdent le long de l’étroite calle qui, aujourd’hui, commémore l’Accademia dei Nobili, juste avant de buter contre les chantiers qui font face à la lagune sud.
La construction de brique était autrefois un atelier où l’on fabriquait des cordes pour les embarcations.
Le petit jardin a une apparence de végétation spontanée, mais en réalité, il est construit patiemment en fonction des besoins et affinités des plantes, dans le respect de leur biodiversité. Les allées qui serpentent dans le jardin restent végétalisées, car la couverture du sol est primordiale pour l’équilibre de cet espace privilégié.
La recherche personnelle d’Ottilia a commencé en 1984, après la lecture du livre de Massanobu Fukuoka La révolution d’un seul brin de paille. Un livre culte pour Klod qui jardine selon les mêmes principes, autant dire que nos deux jardiniers ont parlé aussitôt la même langue…
Ce mode de culture qui veut que l’on ne laboure pas le sol, que l’on doive respecter la couverture végétale et que les végétaux se protègent et s’aident les uns les autres, est considéré comme "nouvelle". Klod pratique depuis 30 ans déjà cette manière plus que centenaire, hérité des savoir ancestraux que l’agriculture moderne et les marchands de pesticides avaient essayé de faire oublier.
Ottilia entretiens un rapport étroit avec son jardin, où, depuis 1996 "ne pénètrent plus que les plantes que le jardin accepte".
Le sol est partiellement couvert de lierre terrestre (Glechoma hederacea), potentilles, bugles (Ajuga repens), violettes, qui limitent ainsi l’action du vent et du soleil, l’érosion et l’évaporation. Les plantes comestibles voisinent avec les plantes ornementales, dans un savant désordre qui n’est qu’apparent.
Le trésor du jardin est la collection de roses, qui nous fait penser que, pas très loin d’ici, Frederic Eden avait, lui aussi réussi un jardin extraordinaire.
C’est donc en mai que la floraison des 130 variétés de rosiers rends spectaculaire le jardin d’Ottilia. Difficile de les noter toutes et même de s’en souvenir, quelques noms jetés au hasard : Madame Isaac Pereire, Chapeau de Napoleon, Alberic Barbier, Reine Victoria, Celestial, Emanuela de Mouchy, Madame Alfred Carrière, Complicata, Blairii 2, Archiduc Joseph,
Parmi les variétés botaniques : Rosa chinesis mutabilis, Rosa centifolia, Rosa multiflora nana, Rosa agrestis…