C'était tout noir. C'est tout clair. Le bar a migré sur le mur d'en face. Le chef, lui, ne changera pas. Il y aura toujours un espace au rez-de-chaussée, et le restaurant reste au sous-sol, sur les anciennes voies de chemin de fer de l'ex station Passy-La-Muette. La Gare n'a pas de gare que le nom.
Laura Gonsalez a créé son agence il y a 5 ans et ils sont 5 personnes à la faire vivre. Je me demande comment cette jeune femme parvient à être encore ultra souriante et sembler sortir d'un joli rêve avec tout le boulot qu'elle supervise.
Elle est "partout". C'est l'architecte qu'on s'arrache et on a bien raison. Après le Jules (certains trouveront un air de famille aux deux endroits), au Carreau du Temple, où elle est parvenue à conjuguer boboïsme et élégance, la voilà qui investit la Gare pour la transformer radicalement en à peine quatre semaines de travaux.
Certes elle a tout de même cogité deux mois pour tordre le cou aux contraintes qui lui étaient imposées. L'enjeu consistait à donner une nouvelle vie, et un aspect plus contemporain, à ce lieu qui devait malgré tout demeurer classique et dénoter une touche de contemporel. (tout le contraire d'intemporel)
Pour satisfaire les amateurs de classique, Laura a travaillé les matières. Le bois du plancher a été décapé. Le velours des fauteuils est jaune soleil. Des dorures ponctuent l'espace, avec discrétion cependant. Les rideaux sont grège.La première chose qu'elle a considéré est la situation dans le 16ème arrondissement, dans la verdure, à deux pas du Ranelagh. Il faut entendre les habitants du quartier dire : on habite à la campagne. Il était donc important qu'ils retrouvent cet état d'esprit en entrant dans le restaurant. Le côté végétal a été repris sur les murs par d'immenses fresques évoquant l'univers botanique du Douanier Rousseau. Il y aura plus tard des jardins extérieurs.L'équipe a travaillé en commençant par faire une planche en associant des couleurs, des matières. Le bleu de Prusse s'est vite imposé pour sa dualité de douceur et de force, jamais ostentatoire. La paille recouvre les murs.
Le résultat est harmonieux, déjà patiné (c'est un compliment). On se sent sur le pont d'un paquebot, d'inspiration "1930- colonies" et surtout pas dans un de ces spots à la mode, formaté années 40-50. Au final la Gare est un lieu éclectique.
Il reste encore un peu à agiter sa baguette magique : les toilettes ne sont pas encore refaites (mais elles sont très correctes en l'état), la terrasse non plus. Que les habitués se rassurent : tout cela est bel et bien prévu au programme. Les critiques sur ce sujet n'ont pas de sens.Laura n'a pas dormi pendant tout le chantier. Elle a dessiné elle-même chaque pièce du mobilier, les tables, chaises, poufs et tabourets depuis le motif du tissu qui recouvre les fauteuils jusqu'à la moquette qui descend à la salle de restaurant.La nature et la géométrie ont été ses sources d'inspiration.
Elle a travaillé d'arrache-pied pour en sortir lessivée, essorée, le jour de la livraison le 20 avril dernier. Ceux qui la connaissent s'accordent à dire que son style a évolué, ce qui est sans nul doute lié à la naissance de son premier enfant il y a trois ou quatre mois.
Elle continue à réfléchir sur de gros projets mais elle travaille aussi pour une clientèle de particuliers.Laura peut être fière d'avoir dessiné le mobilier en lui donnant des arrondis très doux. C'était pour elle une première et c'est très réussi. On a envie de s'installer dans les fauteuils comme sur les canapés. les petites tables sont élégantes. Bref, il n'y a pas un couac. On a l'impression que l'endroit a toujours été comme cela et c'est sans doute le plus beau compliment qu'on puisse lui faire en cette époque où règne trop souvent le bling bling éphémère ...
Ne reste plus qu'à descendre l'escalier pour vérifier si le contenu des assiettes satisfait comme on le suppose la promesse ...
La Gare, 19, chaussée de la Muette - 75016 - 01 79 97 31 59