A l’occasion du Festival du MOT, un jury – présidé par Alain REY* – et les Internautes désignent leur MOT DE L’ANNÉE**.
Le jury a choisi TRANSITION pour illustrer l’année écoulée, tandis que SELFIE a remporté 29,38% des voix du public.
Les Internautes se sont fortement mobilisé avec près de 100.000 votants grâce à la participation de France Inter, France Télévisions, 20 Minutes et TV5 Monde dans l’organisation du scrutin, ainsi qu’au soutien actif de M Le Magazine du Monde.
Pourquoi un vote pour le MOT DE L’ANNÉE ?
En préfiguration du Festival du Mot qui fête cette année sa 10ème édition, les organisateurs de l’événement mobilisent chaque année des amoureux de la langue française de tous horizons, à l’image du Festival qui accueille le Mot sous toutes ses formes à la Charité : conférences, expositions, théâtre, chant, etc.
En parallèle, le public est fortement associé à cette élection grâce à la mise en place d’un site dédié pour l’occasion : www.motdelannee.fr
Le vote du MOT DE L’ANNÉE a pour objectif de sélectionner un mot caractéristique de l'état d'esprit en France.
Pour le jury de spécialistes, linguistes, sociologues, observateurs journalistes, auteurs, éditeurs, Il s'agit donc de choisir un mot, soit nouveau, soit ayant acquis une fréquence importante, de façon à traduire un "air du temps".
LE MOT DE L’ANNEE DU JURY
Le jury, présidé par Alain REY, a choisi après un long débat le mot, TRANSITION.
"L’histoire du mot transition, explique Alain REY, commence classiquement en latin. Pour les antiques Romains, transition est clairement un dérivé du verbe transire « aller (ire) au-delà (trans). C’est un passage, un franchissement.
Mais ce verbe latin, sous l’influence de l’obsession chrétienne de la damnation et du salut, s’est mis à désigner le grand passage, celui qu’exprime le verbe trépasser, la mort. De là vient que les transis furent des cadavres avant d’être, moins sinistrement, la proie d’un saisissement amoureux, autrement dit d’être en transe, comme les amoureux transis.
Heureusement, la Renaissance a repris le mot de manière plus aimable pour exprimer la manière habile de passer d’une idée à une autre. Apparemment, cet art du passage harmonieux manque à nos modernes télévisions, où le sans transition règne trop souvent.
Le mot est ensuite passé de la rhétorique et de l’art aux choses de la nature et de la société humaine, à propos d’une évolution graduelle menant à une situation nouvelle, qu’elle soit meilleure ou pire.
Les sociétés humaines, aujourd’hui, frisent la catastrophe. Les dire en transition fait renaître un espoir, celui d’ « aller au-delà ». Faute d’une stabilité heureuse, un état de transition correspond, pour citer Leibniz, au « meilleur des mondes possibles », qui n’est certes pas le meilleur des mondes imaginables…
Nous tous, pauvres humains, sommes tous en transit ; donc, de la transition, soyons les amoureux transis. Le mot de cette année nous aidera peut-être à l’être !"
LE MOT DE L’ANNEE DU PUBLIC
Les 98.491 internautes qui ont participé au vote ont en revanche préféré le mot, SELFIE, avec 28.946 voix, soit 29,38% du total. VAPOTER : 28,93% et MATRAQUAGE : 9,83% des votes.
Pour Alain REY, "cet anglicisme récent, promu mot de l'année par le célèbre dictionnaire d'Oxford, est plus superficiel. Il concerne une distraction innocente, liée à ces téléphones portables devenus de véritables ordinateurs de poche et par surcroît excellents appareils de photographie numérique, et aussi à un certain narcissisme qui conduit à se prendre en photo dans un contexte valorisant.
Le SELFIE est devenu un indice de modernité branchée. La majorité des internautes a aimé l'idée de se photographier soi-même (him ou her-self), mais ils ont été nombreux aussi (11.197) à voter pour cette habitude nouvelle de remplacer la fumée nocive du tabac par une vapeur présumée plus saine: le verbe "vapoter" et ses dérivés ont en effet marqués l'an 2014. Ce néologisme bien français montre que l'emprunt n'est pas toujours nécessaire pour nommer une réalité nouvelle ".
"Ce choix des deux mots de l'année , conclut Alain Rey, nous convie à réfléchir sur la mentalité collective, et aussi sur un aspect de l'état de la langue française, qu'on aime même en la malmenant".
*Le jury est composé de journalistes, écrivains, spécialistes de la langue française : Alain Rey, président ; Jean-François Barbier-Bouvet, sociologue ; Olivier Barrot, écrivain, journaliste (France TELEVISIONS) Roland Cayrol, politologue ; Jean Loup Chiflet, écrivain, éditeur ; Mariette Darrigrand, sémiologue ; Philippe Delerm, écrivain ; Laurence Devillairs, éditrice (Belin) ; Michèle Gazier, écrivain, journaliste ; Gaëtan Gorce (Président CITE DU MOT) ; Michèle Jacobs, Dir. Francophonie (TV5MONDE) ; Marc Lecarpentier (Festival du Mot) ; Marie Leroy, éditrice (Points Seuil) ; Pierre Lepape, écrivain, journaliste ; Xavier North (DGLFLF) ; Erik Orsenna, académicien, Président d’honneur du Festival du Mot ; Stéphane Paoli, journaliste (France Inter) ; Acacio Pereira, Dir. Rédaction (20 Minutes) ; Frédéric Pommier, journaliste (France Inter) ; Didier Pourquery, (Le Monde) ; Vincent Roca, artiste, humoriste ; Olivier Salon, écrivain, oulipien ; Henri Valés (Maire / La Charité sur Loire).
**Rappel des mots proposés par ALAIN REY, Président honoraire du Festival et Directeur éditorial des éditions le Robert : ABSTENTION-CONNECTÉ-CRISPATION-DETRESSE-EMPLOI-FAMILLE-IMPATIENCE-MATRAQUAGE-PACTE-SANCTION-SELFIE-TRANSITION(ENERGETIQUE)-VAPOTER, et CONNECTÉ, le Mot des Collégiens de la Nièvre.