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Joseph Macé-Scaron - Marianne |
Le score enregistré par le FN ne traduit pas un coup de sang. C’est un vote profondément politique. Cette poussée est d’autant plus spectaculaire que l’extrême droite a été contenue dans d’autres pays européens. Quant au Parti socialiste, il est là aussi l’illustration de cette exception française. Il est l’homme malade de la gauche européenne. Chapeau les autistes !Remy de la Mauviniere/AP/SIPACe 25 mai restera un tournant décisif dans l’histoire de la vie politique de ce pays : pour la première fois, un parti d’extrême droite caracole en tête d’une élection majeure. Pour la première fois, il n’apparaît plus seulement comme un parti protestataire, mais comme une formation aux marches du pouvoir. Pour la première fois la dynamique européenne est cassée — durablement cassée — dans un pays qui fut à l’origine de la construction européenne. Et pour la première fois, une telle secousse, une secousse tellurique, sonne non pas comme une surprise mais comme une victoire annoncée. Car ce vote est tout sauf un coup de sang, il est politique, profondément politique.
D’ailleurs, regardons les : ils sont tous KO debout sans même avoir combattu. Au fond, les responsables politiques de droite comme de gauche, avant même que soient connus les résultats de dimanche soir, avaient déjà accepté cette victoire frontiste. Sans doute parce qu’ils savent au fond d’eux-mêmes où il faut chercher les responsables de cette déroute absolue, conséquence de la décomposition politique dans laquelle nous sommes plongés.
Le séisme apparaît, aujourd’hui, d’autant plus fort que cette poussée spectaculaire a été contenue dans d’autres pays européens. Aux Pays-Bas, l’extrême droite que l’on paraît de tous les succès est en déroute. Même en Autriche, les futurs partenaires de Marine Le Pen au Parlement européen qui avaient autrefois montré la voie, doivent en rabattre. Alors, oui, s’agissant du Front national, il y a bien une exception française.
Bien sûr, nous allons entendre encore et encore et jusqu’à satiété qu’une élection ne fait pas un parti politique. Nous allons entendre qu’aux dernières européennes les souverainistes, les tapistes et les écologistes ont autrefois remporté des succès fracassants sans parvenir à les traduire par la suite en échéances électorales fructueuses. Illusoires consolations. Aussi illusoires que les pauvres argumentaires des dirigeants de l’UMP, se rappelant, d’un coup qu’il y avait des centristes et tentant pathétiquement de les rallier, dimanche soir, sous leur bannière trouée pour tenter de masquer l’échec de leur formation en voie d’explosion.
Quant au PS, il est là aussi l’illustration de cette exception française. Le Parti socialiste est l’homme malade de la gauche européenne. Et le terme malade est sans doute trop clément pour rendre compte de son état de coma politique. En appelant Manuel Valls à Matignon avant ce scrutin de tous les dangers, tout le monde avait souligné le risque insensé pris par le chef de l’Etat. Hollande a joué et perdu. Et l’on voit difficilement comment il peut encore jouer ainsi pendant trois ans. Chapeau l’autiste !
Car le discours de Manuel Valls : « On ne change pas de politique, on ne change pas de ligne », déjà inaudible ces dernières semaines, va devenir de plus en plus insupportable. Le problème est que ni le Premier ministre, ni le président de la République n’ont pas de politique de rechange : ils sont dans une impasse totale. La crise de régime qui s’ouvre, cette crise de confiance, cette colère bien plus forte que toutes les manifestations de rue et les démonstrations d’indignation, est une crise sans précédent. Il y a une vraie révolte dans notre pays. Pour y répondre, il faut des politiques mais aussi un projet à la hauteur de ce défi, un projet qui unisse comme le fut jadis celui du CNR. Et vite !