Il existe une ambiguïté depuis longtemps entretenue dans les rapports entre l’espace et la géométrie, laquelle est chargée de décrire les propriétés des objets s’y logeant. Quand on parle d’espace à 1, 2, 3, N dimensions ou d’espaces courbe, convexe ou autres, il s’agit simplement de représentations utiles du réel. L’espace « en tant que tel » n’a strictement aucune dimension, aucune forme, c'est un cadre de projection d’une infinité de géométries comme un écran de cinéma où se visionne les films.
L’espace « en tant que tel » est aussi le lieu où se positionnent les objets et où s’effectuent leurs mouvements. Cependant, nous rencontrons un abus de langage lorsque par exemple il est fait mention d’un espace courbe : il s’agit essentiellement de la mesure d’un mouvement courbé d’un objet et non de l’espace « en tant que tel ». De même, les espaces 1D, 2D n’ont aucun sens puisque tout objet physique pour exister doit occuper un volume. Pareillement, lorsque les théoriciens du big bang parlent d’expansion de l’espace, il s’agit d’une avancée des corps astraux qui s’éloignent les uns des autres. L’espace ici est ce « rien » qui se mesure entre deux objets, leur distance conceptualisée. Sur une feuille de papier, par les calculs d’ordinateurs, on peut imaginer, représenter une infinité de types d’espace, mais cela « ne mange pas de pain », il ne faut pas confondre la carte et le territoire.
Ainsi insidieusement, nous assistons à un subtil échange de propriétés, l’espace empruntant certains caractères de l’objet et inversement la géométrie comme représentation de l’espace faisant surgir le réel.
Ces jeux souvent imaginaires (mais pouvant aboutir à des résultats très pratiques) ont une seule cause : l’inexistence de l’espace comme objet physique. Puisque l’espace est vide, sans réactivité, il s’offre comme une fille de joie à tous les phantasmes et discours, à toutes les manipulations, à tous les desseins et dessins des géomètres qui peuvent donner « corps » à leurs rêves.
De fait, les représentations de l’espace « en tant que tel » sont assez limitées puisque sans forme ni dimension. Nous pouvons simplement le considérer comme fini ou infini, créé ou incréé, composé d’une substance ou totalement vide. Dans nos prises de positions, nous sommes immédiatement stoppés par certaines apories : un espace fini suppose un bord le délimitant du néant, s’il est créé on doit justifier la nature de l’état « pré-natal » où la matière se tenait en réserve, s’il est vide, nous devons expliquer certains phénomènes très physiques qui s’y déroulent.
La définition d’un espace infini, incréé et plein lève nombre d’ambigüités et d’interdits logiques. Infini, il est sans bord, incréé il ne surgit pas du néant, plein il faut simplement définir la nature de sa substance constitutive pour expliquer certains phénomènes internes.
En définitive, l’approche géométrique n’est d’aucune utilité pour analyser la nature ontologique de l’espace. Avant toute échappée vers des traductions mathématiques ou interprétations de résultat des observations et d’expériences, il s’agit de prendre position initialement sur cette « ontologie de l’espace ». Celle-ci met en jeu des conceptions philosophiques profondes, des structures presque inconscientes de la pensée et pour tout dire des traditions métaphysiques, pour user d’un terme en abomination chez certains scientifiques.