LA PARURE (d'après Maupassant)
Jeanne, une grande et jolie fille, était née,
Hasard du destin, dans une famille ruinée.
Elle se laissa épouser
Par Paul Mabille, un petit fonctionnaire
Brave, mais casanier et effacé.
Elle aurait aimé sortir, danser, plaire,
Assister à des spectacles d’opérettes
Mais son mari n’avait pas les moyens
De lui offrir les bijoux et les belles toilettes
Qui permettent de fréquenter les beaux salons
Et les théâtres parisiens.
Un jour, Paul Mabille
Accepta une invitation
Au gala de l’Hôtel de Ville.
-« Mais je n’ai rien à me mettre pour aller là ! »
Paul n’y avait pas songé. Il balbutia :
-« Une robe couterait combien ? »
-« Je n’en sais rien…
Peut-être quatre cent francs. »
Paul, ayant fait des économies
Pour s’acheter un fusil, répondit :
-« Soit. Je te donne ces quatre cent francs. »
-« Cela m’ennuie de n’avoir aucun bijou.
J’aurai l’air misère comme tout. »
-« Demande à ton amie Mme Forestier.
Elle te prêtera sûrement un de ses colliers. »
Jeanne y alla et revint chez elle
Avec une rivière de diamants fort belle.
Au bal, Jeanne eut un grand succès.
Tous les hommes voulaient lui être présentés.
Elle dansa toute la nuit.
Rentrée à l’aube au bras de son mari,
Elle s’aperçut au moment de se déshabiller
Qu’elle avait perdu la rivière
De Mme Forestier.
Les Mabille la cherchèrent.
Sans succès.
-« Si tu l’avais perdue
Dans la rue,
Nous l’aurions entendue tomber.
Toutefois, je vais refaire le trajet. »
Une heure après, Paul revenait
Sans avoir retrouvé le collier
Et déclarait :
-« Dis à ton amie que tu l’a fait réparer
Car tu en avais brisé la fermeture
Cela donnera le temps de nous retourner. »
Avant de rejoindre son bureau,
Paul passa à la Préfecture
Déclarer la perte du joyau.
Huit jours plus tard,
N’ayant plus aucun espoir
De retrouver la parure de son amie,
Jeanne dit à son mari :
-« Il faut la remplacer.»
Dans la vitrine d’un bijoutier,
Elle vit un chapelet de diamants
Qui ressemblait tout à fait
À celui de Mme Forestier.
Il valait cinquante mille francs !
Les Mabille durent prendre des engagements
Auprès d’un prêteur
…Sans même savoir comment
Ils pourraient y faire honneur.
Épouvantée par les années de misère
Qu’ils devraient endurer pour rembourser,
Jeanne se rendit chez son amie
Et lui remit la rivière
Qu’elle venait d’acheter.
Toute émue,
Elle lui dit :
-« Ton collier, ma vieille,
Je l’ai perdu.
J’ai dû en acquérir un autre tout pareil.
Et pour le payer, il nous faudra sûrement
Travailler jour et nuit plus de quinze ans. »
-« Oh ! Comme je te plains, ma pauvre fille ;
Mais mon bijou… était une pacotille ! »