Michel Cloup trouve que l'année 1988 est la plus essentielle de l'histoire du rock (indé?). Pourtant, à y regarder de plus près, l'année 1987 contient aussi son lot de brillantes réussites. Sonic Youth y a sorti pour moi sa grande oeuvre, encore plus forte que le suivant "Daydream Nation", car plus concise, directe, jamais ennuyeuse. Les Smiths y tiraient déjà leur révérence en gardant jusqu'au bout cette constance dans l'excellence. Même chose pour les Housemartins, même si leur influence est restée plus aléatoire, mais c'est ce qui en fait aujourd'hui un groupe unique. Pulp annonçait une couleur bien plus sombre mais à peine moins passionnante que pour la suite de leur carrière. Les écossais régnaient en maîtres sur le rock indépendant avec les Wedding Present, les Pastels, les Jesus and Mary Chain ou encore les trop méconnus Close Lobsters. Dead Can Dance, l'une des rares formations des années 80 capables de plaire à tous les publics, sortait son disque le plus homogène et indispensable. Enfin le très doué songwriter anglais Paul Roland sortait à la chaîne des disques de haute tenue dans le plus grand anonymat. Comme un résumé de cette décennie décidément honnie à tort.
10- Dead Can Dance - Within The Realm Of A Dying Sun
Je suis pas un grand fan de la musique à tendance new age de Dead Can Dance mais ce disque de 87 a quelque chose de plus que les autres. Une atmosphère sombre se rapprochant en cela du "Closer" de Joy Division. D'ailleurs, s'il ne fallait garder que deux disques de ce qu'on a appelé la new wave gothique, ça serait sans doute ceux-là. Pénétrant et totalement hors norme.
9- Close Lobsters - Foxheads Stalk This Land
Ils étaient présents sur la mythique compilation C86 qui a donné naissance à un mouvement du même nom : C86 ou le rock indé écossais des années 80 qui, avec le recul, a été à l'origine de beaucoup de vocations. L'histoire a oublié les Close Lobsters et pourtant ce disque sonne encore comme s'il venait de sortir. L'histoire est injuste parfois.
8- Paul Roland & Hellfire Club - A Cabinet Of Curiosities
Voilà un autre songwriter dont le nom n'est connu que d'un cercle restreint. Moi même, je viens à peine de le découvrir. En 1987, cet anglais produisait un pop brillante, lettrée et riche, aux thèmes victoriens et aux mélodies inspirées des Zombies. On se demande bien comment le nom de ce Roland n'ait pas circulé davantage.
7- The Wedding Present - George Best
Oui, je sais ce classement est rempli de groupes écossais. Mais force est de constater qu'ils savaient y faire à l'époque. "George Best", du nom du célèbre footballeur anglais, sorte de Eric Cantona des années 70, est le premier album des Wedding Present. Si le groupe de David Gedge court toujours, cet essai est l'un des seuls qu'ils ont transformé pour moi. Ils adopteront ensuite un son plus lourd auquel j'adhère moins.
6- The Pastels - Up A Bit With The Pastels
Ecosse toujours avec les initiateurs du mouvement. Ce n'est que leur premier album mais la formation de Stephen McRobbie oeuvre depuis quelques temps déjà, avant même les Jesus and Mary Chain. On attribue volontiers à ces derniers la paternité de ce son si caractéristique : les mélodies des Ramones avec le mur de guitares du deuxième Velvet. Mais les indispensables Pastels auraient aussi mérité de tels lauriers.
5- Jesus and Mary Chain - Darklands
Deuxième disque des frères Reid justement, qui adoucissent le ton et restent scotché à ce qu'ils savent faire le mieux : des ballades midtempo avec ce "Wall of Sound" inspiré de Phil Spector. Ça donne "Darklands" un album presque aussi excellent que le précédent.
4- Pulp - Freaks
Jarvis Cocker n'était pas encore devenu ce qu'il est. Il ne maniait pas vraiment l'ironie et les paroles étaient sombres. Le son était aussi plus minimaliste. Même s'il est en opposition totale avec la suite de leur carrière, "Freaks" reste une indéniable réussite : étonnamment flippante.
3- The Housemartins - The People Who Grinned Themselves To Death
Les Housemartins eurent une durée de vie pour le moins limité et pourtant leur talent fut inversement proportionnel à leur influence. C'est bien simple, on n'avait jamais entendu ça avant et on n'a pas encore entendu ça depuis. Leur pop sautillante, enjouée, et qui jouait brillamment du second degré, nous manque cruellement.
2- The Smiths - Strangeways Here We Come
Ce disque, le mieux produit des Smiths marque aussi la fin du groupe. Ils ont réussi l'exploit à garder une discographie parfaite presque de bout en bout. Difficile en effet parmi tous les titres écrits par la paire Marr/Morrissey de trouver un seul titre faible. "Strangeways Here We Come" est un magnifique baisser de rideau, pas facile d'assurer la relève.
1- Sonic Youth - Sister
Le meilleur Sonic Youth ? Pour moi, oui. "Sister" est un incroyable maelstrom sonore, mélangeant des mélodies immédiatement sifflables sous la douche, des guitares tranchantes comme des rasoirs et une expérimentation de tous les instants. Le disque oblige l'auditeur à rester attentif, car rien n'y est prévisible. Une claque, une vraie.