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Baromètre Harris Interactive / Délits d’Opinion : l’exception Valls

Publié le 23 mai 2014 par Delits

Interview de Jean-Daniel Lévy, Directeur du Département Politique-Opinion de Harris Interactive

Délits d’Opinion : Près de deux mois après, quel bilan le Président de la République peut-il établir du remaniement qui a suivi les élections municipales ?

Jean-Daniel Lévy : Déjà, que le regard porté par les Français sur son action et son attitude ne s’est pas amélioré. La confiance à son égard poursuit sa baisse et il ne profite pas, par capillarité, de celle concernant Manuel Valls. L’arrivée d’un nouveau Premier ministre, populaire et, dans une certaine mesure, attendu par les Français, n’est pas mise au crédit de François Hollande. La nomination de Manuel Valls apparaissant comme la résultante d’une double contrainte (résultat des élections municipales et popularité de l’ancien ministre de l’Intérieur), le Président de la République semble avoir plus adopté une posture de réaction qu’opéré une prise de décision.

Qui plus est, le Président peut être préoccupé de voir la confiance exprimée de la part des personnes issues des catégories populaires atteindre un niveau bas inégalé (18%) et d’observer que jamais si peu de sympathisants socialistes n’ont exprimé une opinion positive (71%).

Délits d’Opinion : La confiance dans tous les ministres baisse ce mois-ci : effet mécanique post-remaniement ou déception généralisée ?

Jean-Daniel Lévy : Il est frappant d’observer deux mouvements inverses : progression de la confiance en Manuel Valls, baisse de celle dans la totalité des Ministres. Rappelons nous, qu’après la formation du nouveau gouvernement, les ministres tenants d’un portefeuille dans celui de Jean-Marc Ayrault avaient tous vu leur niveau de confiance nettement progresser. Nous observons une forme de « retour à la normale » avec une hiérarchie somme toute assez inchangée. Notons que Ségolène Royal (qui a été présentée comme étant la première à être à l’origine d’un « couac » suite à son interview à Paris Match) voit la confiance à son égard baisser de 9 points. Il s’agit de la plus forte évolution. Jusqu’à présent le Premier ministre pâtissait des confrontations internes au gouvernement. Tel n’est pas le cas aujourd’hui. L’image Manuel Valls (rappelons qu’il sait faire preuve d’autorité pour 69% des Français [sondage LCP réalisé après sa nomination à Matignon]) l’emportant pour le moment sur ce phénomène souvent observé dans les différents exécutifs.

Délits d’Opinion : 5 des 6 personnalités en tête du classement des autres personnalités se distinguent par leur expérience politique importante : Juppé, Bayrou, Sarkozy, Fillon, Aubry. En ces temps de crise économique et politique, existe-t-il une prime à l’expérience, qui pourrait servir à certains en 2017 par exemple ?

Jean-Daniel Lévy : La France est souvent décrite comme un pays ne valorisant pas la jeunesse en politique. Mis à part Manuel Valls (cinquantenaire tout de même), les Français font souvent confiance à des personnes qui apparaissent effectivement expérimentées. Tout se passe comme si l’on souhaitait bien connaître la personne, son histoire, son parcours, avant de lui accorder une forme de légitimité à prendre la parole, à proposer des solutions. On a pu voir, au cours des précédentes élections présidentielles, qu’aucune personnalité (mis à part Valérie Giscard D’Estaing) n’a réussi – comme aux Etats-Unis par exemple – à émerger dans les années précédant le scrutin. François Mitterrand était candidat pour la 3ème fois en 1981, comme Jacques Chirac en 1995, Nicolas Sarkozy exerçait des fonctions gouvernementales 15 ans avant d’accéder à l’Elysée, François Hollande était 1er secrétaire du Parti Socialiste alors même que Jacques Chirac n’entamait pas son deuxième mandat… Soulignons deux points : 1. Toutes ces personnalités donnent le sentiment d’avoir une forme de sens de l’Etat. Et Alain Juppé a la singularité d’avoir profité pleinement de son Ministère des Affaires étrangères lui conférant, pour les Français, une stature particulière ; 2. La confiance ne constitue pas un potentiel électoral assuré. Dans le cadre de cette enquête, les Français se prononcent sur la capacité à pouvoir faire des propositions qui vont dans le bon sens. Et l’aiguillon n’est pas toujours le bon décisionnaire aux yeux des Français.

Délits d’Opinion : Après une première échéance électorale intermédiaire qui a tourné à la déroute pour la gauche en mars dernier, que doit-on attendre des élections européennes de dimanche ?

Jean-Daniel Lévy : Nous entamons les dernières heures pré-électorales dans un environnement teinté de désintérêt et d’une désaffection à l’égard du « projet européen ». Les intentions de vote laissent entrevoir une forme de persistance des élections municipales, notamment du point de vue de la participation : forte résistance électorale des sympathisants et électeurs de Droite et d’Extrême-Droite, « désertion » de ceux de Gauche sans que nous n’assistions à une forme de redistribution des voix au sein des différentes formations politiques de cette partie de l’axe. Le Front National pourrait bénéficier d’un positionnement clair – et ancré – à l’égard de l’Europe, et ce dans un climat marqué par une forte défiance des institutions.

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