Wam, jeune homme du 9-3 est fier comme tout, il a trouvé un job...un job pas comme les autres, il part à Miami sur un bateau en tant qu'assistant-serveur. Wam en veut, Wam est un gagnant, Wam arrive avec les règles de sa banlieue en tête mais Wam va devoir mettre sa fierté de côté et plonger sous la mer. Car la vie à bord ce n'est pas celle des Fatties à crocs, entendez les gros américains à crocs, qui se la coulent douce au soleil, vue sur mer, à la piscine. Il y a une vie parallèle, celle des émigrés sans qui la croisière ne pourrait tourner. Ceux qui tuent les cafards, qui épongent les fuites d'eau, les petites mains entassées dans des cabines (car la place sur un bateau, c'est synonyme de cabine supplémentaire pour les fatties donc de business). Dans ce livre, on découvre des conditions de travail en dehors des lois, l'exploitation des gens, l'esclavage moderne au service d'un touriste-roi et dont les droits sont décuplés avec l'accès aux nouvelles technologies. Car oui un fatty heureux, c'est un fatty qui commente sa croisière sur les réseaux sociaux et donne envie aux autres fatties d'y aller...alors surtout pas de faux pas avec les fatties. Il est également intéressant de découvrir que les différentes communautés qui travaillent sont cantonnées à une tâche, de par leur origine. Wam s'accroche et nous donne aussi une belle leçon de vie, au plus bas on espère toujours mieux.
J'ai aimé ce côté "témoignage" et la découverte de ce monde sous la mer. Je trouve vraiment bien que des maisons d'édition prennent le risque d'éditer ce genre de livre avec son style particulier. Car ne cherchez pas les phrases joliment écrites, le style pur de la littérature, les phrases chocs qui vous arrêtent dans votre lecture. Ce livre, c'est un gars du 9-3 qui l'écrit avec sa langue, son verlan, ses grossieretés, son style. Ne pensez pas que cet homme n'est pas cultivé, certaines références le prouvent et il y a même un peu d'humour. Ceci dit j'avoue que, pour ma part, le style m'a gêné. Cela fait partie intégrante du livre mais quand je lis, je cherche de jolies phrases, de jolis moments, des phrases qui tuent...c'est ma recherche dans mes lectures et le style "langage parler du 9-3" m'a lassé et m'a transmis moins d'émotions.
J'ai lu la préface après avoir fini le livre (car je trouve que souvent les préfaces dévoilent trop du contenu du livre qui suit). Cette préface est écrite par Yves Michaud, un philosophe ayant beaucoup réfléchi sur le luxe et le tourisme et apporte une autre lecture et profondeur au livre. J'ai aimé également la prise de parole de l'éditeur lui-même à la fin qui raconte comment il a connu Slimane Kader et pourquoi il a choisi de l'éditer. Je fais une parenthèse sur cet éditeur, Guillaume Allary, dont j'aime particulièrement la démarche d'utiliser le livre pour faire connaître, sur un support qui le permet, des choses dont on ne parle pas. Guillaume Allary est sensible aux valeurs éthiques et citoyennes. J'ajoute donc à cette chronique un profil de cet éditeur, dont d'ailleurs la maison d'éditions a ouvert en Janvier 2014. ICI
"Je ne crois pas, qu’à long terme, on puisse être compétent dans une activité qui ne vous ressemble pas, fut-elle lucrative. Je vous encourage donc à vous poser la question en termes d’efficacité : dans quelle activité suis-je le plus à l’aise, le plus en phase avec moi-même ? Croire qu’il faut travailler dans une ONG pour avoir une activité « éthique » est un peu naïf. On peut avoir une action citoyenne tout aussi efficace dans une PME."
" Enfin, au risque de dire une banalité, la seule chose vraiment enrichissante est la rencontre, et il n’est pas besoin d’aller au bout du monde pour en faire."
Et une interview de Slimane Kader, intéressante, et qui vous donne le ton du livre - ICI