Une récente étude, l’étude Cerenat, publiée dans le Journal of Occupational and Environmental Medicine, conclut à l’existence d’unlien entre tumeur cérébrale et usage intensif du téléphone portable. Aujourd’hui, André Aurengo, chef du service de médecine nucléaire du groupe hospitalier de la Pitié-Salpêtrière et membre de l’Académie de médecine réagit à ces conclusions, invoquant un trop grand nombre de biais et de lacunes méthodologiques pour pouvoir les considérer comme fiables. Point d’un expert sur les risques évoqués.
L’étude Cerenat concluait que les usages élevés du téléphone portable, soit en cumul » à vie » d’utilisation, soit en nombre d’appels passés, pouvaient être associés à un risque significatif de gliome. Cependant, l’étude, basée sur des données anciennes de 10 ans, était peu susceptible d’apprécier l’ampleur réelle du risque.
Cet autre point de vue d’expert, sur les conclusions de l’étude, rappelle que l’étude Interphone, malgré l’importance des moyens mis en jeu, n’avait pu établir avec certitude un risque de tumeur cérébrale induite par les téléphones portables. Il met en avant les nombreuses carences méthodologiques de l’étude Cerenat et regrette qu’elle ait été fréquemment présentée comme une preuve d’une dangerosité des portables. Explications :
« Il s’agit d’une étude cas-témoins, dont les auteurs n’ont pas su tirer la leçon des insuffisances d’Interphone, principalement quant à l’estimation de l’exposition aux ondes du portable et à l’analyse statistique.
En réalité, l’étude CERENAT présente un trop grand nombre de biais et de lacunes méthodologiques pour que ses conclusions puissent être considérées comme fiables.
· L’estimation de l’exposition aux ondes du portable repose sur un interrogatoire sur le nombre et la durée des appels depuis le début de l’utilisation du portable. Cet interrogatoire porte sur des faits remontant à plusieurs années (jusqu’à plus de 10 ans). Les résultats sont entachés d’une grande imprécision. Dans une pré-étude, les auteurs d’Interphone avaient montré que l’estimation par interrogatoire n’était pas fiable, même pour des appels passés six mois plus tôt. Cette incertitude est renforcée par le fait que, pour 25% des cas de gliomes, ce n’est pas l’intéressé qui a été interrogé, mais un proche. Elle l’est également par le fait que le type de téléphone utilisé n’est connu que pour 1273 portables sur 2075, sans distinguer les portables 2G et 3G, alors que l’exposition créée par les 2G, très majoritaires (1159) est dix fois plus importante que pour les dix-huit 3G, rares à l’époque de cette étude déjà ancienne. Aucune de ces incertitudes pourtant majeures n’a été prise en compte dans l’analyse statistique de l’étude Cerenat.
· Estimer l’exposition par interrogatoire expose aussi à un biais d’anamnèse très fréquent dans les études rétrospectives, les cas ayant davantage tendance à se rappeler les expositions que les témoins. Les éventuels biais d’anamnèse sont pratiquement impossibles à corriger.
· Le fait que les enquêteurs de Cerenat savaient si la personne interrogée était un cas ou un témoin pourrait également être à l’origine d’un biais.
· On note dans Cerenat une différence importante du taux de participation des cas (66% des personnes atteintes de gliome et 75% des cas de méningiome) et des témoins (45%). Les raisons pour lesquelles les témoins pressentis ont été plus réticents que les cas à participer à l’étude n’ont pas été mises en évidence. Il est possible que les témoins potentiels utilisateurs intensifs de mobiles aient préféré ne pas participer à une telle étude, ce qui introduirait un biais supplémentaire.
· Incertitudes et biais ont simplement été signalés puis totalement négligés dans l’analyse des données qui ont été considérées comme une mesure exacte de l’exposition.
· Enfin, les auteurs de Cerenat ont multiplié les sous-groupes de cas et témoins, sans prendre les précautions statistiques qui s’imposent pour éviter les faux positifs ; compte tenu des données recueillies, les auteurs pouvaient faire plusieurs milliers de tests, focalisés sur telles ou telles sous-classes et devaient donc, sans précaution, s’attendre à des dizaines de résultats "significatifs" dus au simple hasard ; »
Ainsi, selon le Pr André Aurengo, ces lacunes méthodologiques invalident les conclusions de Cerenat, notamment quant à l’augmentation du risque de gliome pour les plus gros utilisateurs.
Source: Communiqué « Etude Cerenat, un autre point de vue » André Aurengo.
Biblio :
G. Coureau, G. Bouvier, P. Le Bailly et al. Mobile phone use and brain tumours in the CERENAT case-control study. Occup Environ Med. 2013-101704
M. Hours et al. Validation des outils utilisés pour la mesure de la consommation téléphonique mobile dans l’étude INTERPHONE en France. Environnement, Risques & Santé Vol. 6, n° 2, mars-avril 2007. p 101-9.
Plus d’actussur Mobile et santé
Lire aussi :
MOBILE et CANCER du cerveau: Le risque commence avec l’excès -
TÉLÉPHONE MOBILE: Nickel, chrome, cobalt, le risque croissant de dermatite –