L’Académie de Médecine, dans son dernier rapport rappelle la défiance, voire le rejet, dont ces molécules sont pourtant l’objet, ce qui retarde le repérage de ces troubles et leur prise en charge par une prescription judicieuse. Elle rappelle aussi l’insuffisance de données sur leurs effets neurobiologiques et la nécessité de conduire de nouvelles recherches.
Rappel de quelques principes concernant ces médicaments :
Les médicaments psychotropes se valent tous. FAUX
Ne pas confondre les anxiolytiques ou tranquillisants (Valium, Lexomil…), utiles à court terme pour calmer l’angoisse comme l’aspirine calme le mal de dent sans le traiter, et les antidépresseurs qui soignent les maladies dépressives.
Les français détiennent le record de la consommation d’antidépresseurs. FAUX
Ne pas confondre coup de blues et maladies dépressives… dont une sur deux, actuellement en France, n’est pas correctement diagnostiquée ni traitée ! Cette priorité de santé publique est de mieux en mieux reconnue partout dans le monde, et notre pays n’arrive qu’au 5e rang en matière de prescription d’antidépresseurs. Mais, il est vrai que, chez nous, la facilité d’accès aux soins, et aux médicaments en particulier, fausse les comparaisons.
Les antidépresseurs induisent une dépendance. FAUX
Dépendance signifie nécessité d’augmenter les doses pour un même résultat (effet tolérance ) et syndrome de sevrage à l’arrêt. Pour autant, les antidépresseurs doivent être prescrits dans le respect des bonnes règles de prescription telles que édictées par la HAS, après un diagnostic bien posé et avec un suivi d’abord hebdomadaire puis mensuel.
Les antidépresseurs favorisent le suicide. FAUX
Le rôle éventuellement déclencheur de conduites suicidaires au moment de la mise en place d’un traitement antidépresseur est connu depuis l’origine de ces médicaments. Pour autant, la majorité des sujets déprimés qui se sont suicidés ne recevaient pas d’antidépresseurs. En réalité, le taux de suicide dans un pays est inversement proportionnel au taux de prescription d’antidépresseurs. Ainsi, depuis les mises en garde concernant ces prescriptions chez les enfants et adolescents, on a constaté une augmentation des suicides des jeunes aux Etats Unis, aux Pays Bas et au Canada alors qu’ils étaient en diminution constante depuis au moins 20 ans. A contrario, il est démontré que la formation des médecins à la reconnaissance et à la prise en charge de la dépression s’accompagne d’une diminution des taux de suicide.
Tous les médecins peuvent prescrire des antidépresseurs. VRAI
La majorité des prescriptions d’antidépresseurs sont effectuées par le médecin généraliste, en particulier chez les sujets âgés. Toutefois, repérer la symptomatologie et prendre les bonnes décisions thérapeutiques, savoir prescrire ou ne pas prescrire un antidépresseur, exige une formation spécifique qui n’est pas suffisamment dispensée actuellement.
FAUX : La primo-prescription d’un antidépresseur chez les moins de 18 ans doit être réservée aux médecins spécialistes en pédiatrie et/ou en psychiatrie.
Pas d’antidépresseurs pendant la grossesse. VRAI
On connaît encore trop peu les effets de ces médicaments sur le fœtus ou l’enfant naissant lorsqu’ils sont prescrits à la femme enceinte.
FAUX : il faut tout de même prendre en compte les possibles effets délétères de la dépression de la mère sur le neuro-développement de l’enfant.
La dépression de l’enfant est un mythe. FAUX
La prévalence des troubles dépressifs est élevée mais encore trop méconnue(2.1 à 3.4 % chez l’enfant ; 14 % chez l’adolescent). Ainsi, les études d’efficacité des médicaments antidépresseurs chez l’enfant ne tiennent pas compte des variations, en distinguant 2 tranches d’âge (6-12 ans et 13-18 ans).
Pas besoin de nouvel antidépresseur. FAUX
Seuls certains effets neurobiologiques des antidépresseurs sont connus, et on sait aujourd’hui que 50% des sujets répondent imparfaitement à ces médicaments, au prix de souffrance, handicap et risque suicidaire. D’autres voies d’impact de molécules antidépressives sont à l’étude et devraient à l’avenir permettre, grâce à de nouvelles générations d’antidépresseurs, de traiter ces maladies plus efficacement.
On peut soigner la dépression sans antidépresseurs. FAUX
Une méta-analyse récente chez l’adulte indique que les psychothérapies n’ont pas d’effet sur les idées suicidaires en dépit de leur effet sur la dépression. Surtout, les traitements, notamment à base de plantes, en vente libre sur Internet en particulier, sont non seulement inefficaces mais peuvent être dangereux.
On peut changer d’antidépresseur en cas de rupture de stock
La durée de traitement médicamenteux d’un épisode dépressif ne peut être inférieure à 4 mois, et certains troubles chroniques imposent une prescription au long cours. Or, un patient équilibré avec l’un de ces médicaments ne peut impunément être soumis à un autre traitement puisque la réactivité à ces molécules est individuelle. C’est pourquoi la non disponibilité plus ou moins transitoire de ces médicaments en officine devrait être prévenue par des actions adéquates des autorités de santé auprès des industriels concernés.
Source : Académie de Médecine Communiqué et Rapport du 20 Mai 2014 « LES ANTIDÉPRESSEURS » Jean-Pierre OLIÉ1, Marie-Christine MOUREN2 Au nom de la Commission V (Psychiatrie et santé mentale).
1Membre et 2 membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine