Rédigé par Côme Bastin
À Béganne, dans le Morbihan, quatre éoliennes ont été financées par des particuliers, une première en France. Un investissement rendu possible par un tarif de rachat d'électricité garantit par EDF pendant 15 ans.
Le parc éolien de Béganne est le premier en France à être entièrement financé par des particuliers. À partir de mi-juillet, il fournira quelques 20 millions de kWh par an – l’équivalent de la consommation de 8 000 ménages hors chauffage. L’électricité produite sera injectée sur le réseau et revendue à EDF au tarif avantageux de 0,08 € /kWh pour les quinze ans à venir. Si les actionnaire sont nombreux à avoir la fibre écologiste, ils misent aussi sur un investissement rentable : « l’objectif est d’atteindre très rapidement un taux de rémunération de l’ordre de 4 % par an », détaille Florence Lecordier, directrice de la communication de Bégawatts, la SAS chargée de l'exploitation du parc. Une partie des bénéfices, « de l’ordre d’un mi-temps salarié », sera par ailleurs affectée à des actions en faveur des économies d’énergie dans la commune.
Douze années de préparation
Il n’a fallu que quelques mois pour que les pales montent vers le ciel mais plus de dix ans pour monter ce premier parc éolien citoyen de France. À l’origine, un couple d’agriculteurs retraités qui, en 2002, souhaitent installer une éolienne dans leur jardin. Devant le prix de l’engin et la lourdeur des procédures, ils se regroupent avec une vingtaine d’autres habitants pour créer un parc collectif sous la houlette de l’association Éoliennes en pays de Vilaine. Après plusieurs prospections ratées, le site de Béganne est retenu en 2005.
« Béganne va faire des émules »
Le parc sera officiellement inauguré le 14 juin, en présence de journalistes. Exceptionnelle en France, l’histoire de Béganne serait passée inaperçue outre-Rhin. « En Allemagne, 46% de la capacité de production des énergies renouvelables est directement aux mains des particuliers, souvent organisés en coopérative », explique Yves Heuillard, éditeur deDéveloppement Durable Magazine, dans We Demain n°5. Tant pis pour Alstom, les quatre éoliennes de Béganne sont d’ailleurs de marque allemande (Senvion) : « il n’existe pas de constructeur français pour ce type d’éolienne », précise le communiqué de presse de Bégawatts.
Prix garantis
En France comme en Allemagne, l’État garantit un tarif de rachat fixe supérieur aux prix du marché pour les énergies renouvelables (sauf éolien offshore). Une caution qui permet aux citoyens de faire des prévisions sur la rentabilisation de leurs investissements dans les énergies renouvelables. Et dans le cas de Béganne, d’obtenir l’aide des banques.
Les choses pourraient cependant changer. Le 17 Avril, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) a publié une étude critiquant ce tarif de revente garanti. Celui ci conduirait « à des rentabilités excessives pour les actionnaires » dans les meilleures conditions de vent. Cette rentabilité s'appuie en effet sur le montant avantageux auquel EDF rachète l'énergie verte, qui lui même est est financé par les consommateurs via la Contribution au service public de l'électricité (CSPE). La CRE préconise de généraliser le système de prix fixé par appel d’offres d'Etat, en vigueur dans l’éolien offshore.
« L’appel d’offres est adapté pour l’éolien offshore, car les projets sont considérables et le prix mal connu, a réagit Frédéric Lanoë, de l’association France Energie Eolienne, suite aux conclusions de la CRE. Pour l’éolien terrestre, c’est l’inverse : les projets sont petits, tout le monde connait le prix et des petites et moyennes entreprises peuvent se développer sur le secteur. C’est grâce au tarif garanti qu’une filière éolienne française a pu émerger et générer 11 000 emplois » Un avis partagé par Pierre Jourdain. « Sur l’éolien, le prix d’achat est proche du prix du marché. Le coût du soutien public est raisonnable. Au bout des 15 ans du contrat signé avec EDF pour le site de Béganne, le prix de revente a 0,08 € /kWh sera inférieur aux prix du marché. Ce système de tarif d’achat garanti apporte une stabilité et un gage de développement de la filière en France. »
Côme Bastin
Journaliste We Demain
Twitter : @Come_Bastin