Le monde, dans sa volonté de nous rappeler chaque jour ce qu’on doit fêter, a inventé la fête des voisins pour nous inciter, ronchons que nous sommes, à nous ouvrir et à aller rencontrer nos voisins.
Cette fête porte donc plutôt bien son nom.
Bon, je passerai le fait que je ne suis pas loin de penser comme Pierre Desproges, à savoir que le voisin est un animal nuisible pour l’homme, et que par conséquent la fête des voisins se fera sans moi.
D’autant plus que je fais partie de cette catégorie de personnes qui n’ont pas besoin que ce soit écrit sur un calendrier pour fêter les choses.
Tout comme je n’attends pas chaque année le 14 février pour dire à ma p’tite femme que c’est l’amour de ma vie, si je veux inviter mes voisins à boire un coup ou à manger des merguezs je ne vais pas attendre le 23 mai !
Bref, ce n’est pas pour parler de ce non évènement qui fait pourtant la une de tous les journaux que j’écris ce post aujourd’hui.
Je parle ici de ma vie au boulot, et si j’y associe le café des voisins c’est que ce matin en arrivant au travail je suis tombé sur cette affiche au détour d’un couloir :
Vous ne rêvez pas, surfant sur l’évènement, la DRH a décidé de lancer le café des voisins au boulot !
Pourquoi vous demandez vous.
Et bien pour une raison toute simple, depuis plusieurs années maintenant les DRH font des enquêtes de satisfaction, et chaque année la mauvaise ambiance dans les bureaux, le cloisonnement entre les équipes, la mauvaise communication, etc… font partie des points négatifs.
La DRH a donc décidé pour régler ce problème de faire un café des voisins. Le but est simple, mieux se connaître et apprendre à travailler ensemble.
Dit comme ça c’est formidable. Ca ne peut pas fonctionner, mais c’est formidable.
Pourquoi ça ne peut pas fonctionner ?
Pour plusieurs raisons :
- mettre une table dans un coin à la sortie des ascenseurs avec des croissants va inciter les gens à piquer une viennoiserie au passage, mais ne va pas les retenir plus que ça, ils ont un boulot qui n’attend pas.
- Une personne des RH sera là, et croyez-moi, le matin en arrivant au boulot, la dernière personne qu’on a envie de rencontrer c’est une personne des RH avec un grand sourire de façade.
- « Alors comme ça vous n’aimez pas vos voisins, pourtant ce sont des personnes comme vous, regardez eux aussi ils aiment les croissants » - Et surtout, le véritable problème est structurel. Depuis plusieurs années, nos dirigeants ne réfléchissent plus qu’en termes de profit.
Combien va me rapporter le projet, est-il bon pour ma carrière, comment réduire les coûts, … ?
Pour y parvenir ils tirent sur la corde de plus en plus. Réduction des effectifs, externalisation, réorganisation, méthodologie irréfléchie, pression, gel des salaires, …
Ceci implique un ras le bol général, une mauvaise ambiance et une certaine envie de trancher dans le sens de la longueur son collègue qui n’a pas relancé le serveur à temps parce que le formulaire de demande n’a pas été validé par son supérieur hiérarchique.
En gros, les DRH et mes grands chefs ont mis en place une organisation qui induit une déshumanisation du boulot et une mauvaise ambiance.
Et aujourd’hui ils pensent qu’en offrant des croissants une fois par an tout va aller mieux.
Enfin, cela ne va pas m’empêcher d’aller en manger un, ou deux, et de dire bonjour à mes collègues, rien que pour ça l’initiative n’est pas mauvaise.
Et bonne fête les voisins !