33. Je dois le reconnaître : la mort de Silver m’a dévastée. Les choses, les gens, la rue rendent de nuit comme de jour une lueur métallique où le vide résonne ; mais j’avance sereinement parmi ces cadavres. Parfois, j’en perds mon chemin. A d’autres moments, il devient trop sûr : j’oublie la mort et j’oublie Silver pour ne m’en tenir plus qu’à une présence qu’il me faut rejoindre. Alors, Silver m’apparaît d’un seul coup tranchant, me signifiant par là même qu’il n’est plus, et je fais demi-tour pour reprendre ma recherche d’un début ou d’une fin.
Un soir, j’eus la visite d’une panthère. J’écoutais couler l’eau d’une fontaine ; la lumière baissait. L’animal, qui n’était pas de ce monde, est venu s’étendre sur moi. Sa terrible fourrure emplissait mes yeux et ma bouche. Il ne remuait pas. Il pensait ; il pesait ; il m’a offert deux rubis en guise de regard. Puis il s’est souvenu : il nous a reconnu, et il a chanté. De hautes buses tournaient au-dessus de la fontaine.
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