"Nous avons déterminé que l’accident aurait pu ętre évité et ceci par des actions appropriées de l’équipage". Voilŕ sans doute la phrase la plus terrible qui figure dans le nouveau rapport des experts ŕ propos du vol AF447 entre Rio et Paris. Cette phrase est terrible, en effet pour les 228 familles des disparus dans l'accident. Et c'est lŕ une phrase que retiendra aussi l’opinion publique.
Parcourons ensemble les conclusions du rapport d’expertise oů l’on peut lire que Ť l’accident est dű ŕ la perte de contrôle de l’avion suite ŕ la réaction inappropriée de l’équipage aprčs la perte momentanée des indications de vitesse ť. Les 5 experts écrivent encore: Ť nous avons clairement établi la prédominance des facteurs humains dans les causes de l’accident. ť La compagnie Air France n’est pas épargnée non plus oů, selon le groupe des experts Ť le retour d’expérience est insuffisantť , notamment aprčs des incidents répétés sur des sondes. Le rapport met ensuite le doigt sut la formation des pilotes qui serait" insuffisante pour gérer des informations de vitesses douteuses". Bien sűr la réaction d’Air France ne s’est pas fait attendre; la compagnie a décidé de déposer un retour en nullité devant la Chambre d’instruction de la Cour de Paris. Elle déclare dans un communiqué que Ť la contre-expertise a été conduite de façon unilatérale, non contradictoire, en violation du principe męme du procčs équitable, la compagnie n’ayant pas, quant ŕ elle, été invitée ŕ participer aux travaux des experts ť.
Hier, dimanche, la compagnie Air France nous a indiqué que le recours en nullité n’avait pas été déposé et que le service juridique travaillait. Ť Ce sera une affaire de quelques jours ť a conclu le porte parole d’Air France. Dans cette affaire Air France peut compter, pour une fois, sur le syndicat des pilotes, le SNPL Air France ALPA, partie civile de l’instruction, qui condamne "les conclusions partielles et partiales du rapport" de contre-expertise judiciaire demandé par Airbus. Et d’enfoncer le clou en écrivant que ce rapport constitue un retour ŕ la "préhistoire ". Selon le syndicat il était classique de faire endosser la responsabilité d'un accident par des pilotes disparus. Corporatisme pas mort, diront certains mais il est aussi compréhensible que les pilotes de ligne cherchent ŕ se défendre. Ce rapport vient aprčs celui du BEA, le Bureau Enquęte et Analyse, dont le rôle rappelons-le est d’analyser les accidents. Son but unique est de mettre en place des procédures renforçant la sécurité des vols. Le BEA a conclu ŕ un enchaînement de circonstances. Le drame a commencé avec le givrage des sondes PITOT qui ont privé l’équipage de toute indication de vitesse.Du coup le pilote automatique s'est déconnecté avec au final une mauvaise manœuvre des pilotes qui ont fait décrocher l’appareil en tirant sur le manche, c'est-ŕ-dire exactement l’inverse de ce qu’il aurait fallu faire. Le signal "STALL" décrochage aurait retenti 46 fois dans le cockpit et ŕ chaque fois, celui qui faisait office de commandant de bord en l'absence du captain parti se reposer a continué ŕ cabrer son avion alors qu'il convenait de le mettre en descente.
Alors quelle suite pour cette bagarre ? Ce n’est pas une question d’argent nous disait un proche du dossier car les avions sont trčs bien assurés. C'est d'ailleurs ce que l'on croit spontanément quand on parle d'un accident d'avion. Il serait bien étonnant que la nullité de l’enquęte soit prononcée mais ne préjugeons pas de la décision de la justice. Souvenons- nous simplement que pour Airbus aucun appareil sorti de ses usines ne pouvait décrocher tant les protections informatiques étaient nombreuses. Et bien lŕ, le contraire nous a été prouvé. Et ce credo a sans doute renforcé la confiance des équipages de l’appareil au point d'en oublier le b.a.-ba du pilotage. Airbus s’est plaint la semaine derničre ŕ nouveau du non respect du secret de l'instruction. Il est vrai que la loi n’est plus respectée, que les journalistes vont directement chercher leurs informations dans les cabinets des juges. Mais sans ce non respect de la loi, certaines affaires ne seraient-elles pas enterrées? Air France et Airbus sont d’accord sur un seul point : attendons les conclusions des décisions de la justice.
Toutefois n'oublions pas que chaque semaine 200 avions A330-200 réalisent 15 000 vols sans problčme particulier.De son côté, Air France a lancé une grande enquęte sur ses propres procédures en matičre de sécurité des vols et a fini par changer les Pilotes de ses A 330. Reste que les experts ont écrit que l'accident aurait pu ętre évité . Et lŕ , nous devons vraiment savoir qui a tort et qui a raison!
La chronique de Gérard Jouany pour AeroMorning