« Choisir notre Europe », c’est le slogan que s’est donné le parti socialiste pour faire campagne pour les européennes. Un document de 8 pages tracté sur les marchés présente ses propositions pour que l’Europe « ne soit pas seulement une zone de libre échange » indique la tête de liste de la circonscription Est, Edouard Martin, un ancien sidérurgiste syndiqué à la CFDT. La notice de propagande indique « qu’il s’est illustré dans la défense des sidérurgistes de Lorraine, en prenant la tête de la lutte contre la fermeture des hauts fourneaux de Florange ». La lutte paie. Voilà un ancien de Florange qui a trouvé une reconversion par le haut en devenant tête de liste puis probable élu au parlement européen. Au soir des résultats, la tête de gondole pourrait aussi endosser le masque de tête à claques.
Cette alléchante plaquette montre les dérives de la communication des marques appliquée au discours politique. Ensemble de textes courts surmontés de titres nerveux, le document est plus l’étalage des mots qui marchent mis en scène qu’un argumentaire destinés à emporter l’adhésion du citoyen-électeur. Chaque texte présente comme une signature un rectangle rouge intitulé « Nous voulons ». Leçon retenue de la communication d’entreprise : économie de mots et formules choc, dialogue des couleurs donc de symboliques qui cherchent à plaire à tout le monde. Techniquement, la publication est dans la tonalité de la com. des produits marchandisés.
La thématique de la page 3 est la politique sociale. A l’image des autres pages, le ton est revendicatif, les formules sont sans ambiguïté : « Stop au dumping social », démarche qui devrait conduire à « sanctionner les patrons-voyous et contraindre les entreprises à respecter le Code du travail ». La page 5 ne fait pas dans la dentelle et annonce explicitement la couleur : le parti socialiste est révolutionnaire et sans concession avec les puissances financières. « Les banques doivent payer pour les banques, pas les contribuables ». Résumé du texte dans l’encadré : Nous voulons « Séparer les activités des banques utiles à l’économie des activités spéculatives », « Mettre en œuvre la régulation des salaires et des bonus des traders ». La proposition de « Taxer la finance » se traduit par « Nous voulons instaurer dès maintenant la taxe sur les transactions financières ». A cet instant, on se rend compte que les rédacteurs ont peut-être jeté un regard sur la copie de petites listes coupables de n’être pas fortement médiatisées. En page 7, c’est le « besoin d’un traité social européen » qui est à l’ordre du jour. Qui le propose ?
Se présenter à un scrutin ce n’est pas courtiser les électeurs avec des propositions qui peuvent faire rêver mais dont on sait qu’elles ne portent pas les traces d’une possible réalisation. Le parti socialiste est à la manœuvre mais envoie chaque jour des messages en contradiction avec les propositions qu’il présente aux européennes et avance des pions qui continuent le travail de l’époque Sarkosy. A la dernière page, Catherine Trautmann propose de « faire de l’Europe un espace commun de solidarité » alors que cette même solidarité est une inaccessible utopie pour de nombreux citoyens.
En aiguisant un discours qui s’inspire de la tradition rhétorique de la gauche, le parti socialiste signe un triste aveu. Au pouvoir, à l’Elysée et à Matignon, il installe des politiques d’inspiration néolibérale. Pourquoi le gouvernement ne met-il pas en pratique ce qu’il dit qu’il ferait s’il dominait le parlement européen ? En vérité, en se résignant à figurer, peut-être, à la troisième place loin derrière le FN annoncé à 24% et l’UMP, droites rigides et hargneuses qu’il a contribué à installer et à légitimer, le parti socialiste s’est engagé dans une surenchère verbale dont il n’aperçoit pas de la malignité. Dire, c’est séduire. Le 25 au soir, on saura si le discours seul suffit pour être validé par le suffrage universel.
La liste « Choisir notre Europe » comprend 9 candidats. A regarder de près, on se rend compte que député européen ce n’est pas une charge importante. On peut l’accomplir en la couplant avec d’autres.Exemples copiés/collés du site https://www.choisirnotreeurope.fr/candidats#est/2 qui ne dévoile la biographie que des quatre premiers de la liste. Il faut jouer du clavier pour en savoir plus pour les suivants.
Pierre Pribetich est « depuis 2008 premier Vice-Président de l’Agglomération de Dijon ». Sophie Radreau dit dans sa notice : « je suis pharmacienne adjointe dans la pharmacie de mon village, Bavans, situé dans le Pays de Montbéliard. Issue d’une famille de gauche, de grands-parents ouvriers, je suis conseillère municipale de Bavans, suppléante du conseiller général de mon canton ». Jérôme Durain est conseiller régional de Bourgogne délégué à l’Aménagement du territoire, politiques contractuelles des pays. Annie Flores se présente comme « Conseillère municipale depuis 2002 à Haybes et Première Secrétaire Fédérale PS des Ardennes depuis 2006 je suis enthousiaste et fière d’accompagner Edouard Martin et Catherine Trautmann dans cette campagne européenne. Je souhaite avec eux redonner à l’Europe les valeurs de justice sociale et d’égalité inhérentes à notre destin collectif ».
Le site de Nicolas Marandon nous apprend qu’il est conseiller régional PS en Champagne-Ardenne et, information qui devrait être mise à jour, chef de cabinet d’Adeline Hazan, Maire de Reims et Présidente de Reims Métropole. Catherine Hoffarth a été candidate à Ensisheim aux municipales de mars 2014 sur une liste divers gauche. Dernier de liste de la circonscription Est, Jean-François Thomas est Conseiller Régional, Membre de la Commission Permanente, délégué à l'agriculture.
On comprend alors que le document ne dise rien sur le cumul des mandats. La charge d’élu à Strasbourg semble compatible avec un mandat régional ou local. Etre député européen, ça ne compte pas. Simplement, ça rapporte.